Le parti au pouvoir, vent débout contre le maintien de l’actuel Premier ministre à la tête du futur gouvernement d’union nationale, étale au grand jour son ambition de prendre les commandes de la Primature.
Le Rassemblement pour le Mali (RPM) a mêlé sa voix au concert de revendications rampantes. Après le Mouvement du 5 juin RFP qui a fait de la nomination d’un Premier ministre de pleins pouvoirs issu de ses rangs son cheval de bataille, le parti au pouvoir est entré dans la danse, affublé de revendication relative à la désignation en son sein du chef de gouvernement. Evidemment, Dr Boubou Cissé n’a pas bonne presse dans le directoire du parti au pouvoir. Accusé d’être un des syndics de la faillite du pays, il ne pourrait pas redresser la barre. A telle enseigne qu’un dictateur qui fut la risée du monde est devenu de nos jours un mythe adulé, parce qu’à son époque, au moins, le Mali disposait d’une armée redoutable et on mangeait trois fois par jour. D’aucuns l’accusent d’exercice illégal de la fonction de Premier ministre pour s’être gardé de présenter aux députés sa Déclaration de politique générale.
Jusqu’où le pays va-t-il sombrer ? Il ya quelque chose de désespérant à assister au scénario répétitif et cauchemardesque des massacres à grande échelle des populations civiles, des disparitions, des enlèvements, des pertes importantes de soldats. Pendant que des gens qui ont joué de la gâchette sont pomponnés par le gouvernement. On ne compte plus les braquages mal tournés, bien qu’ils soient unanimement condamnés, ces actes ignobles se perpétuent.
Les mots courent. Mais la réalité va toujours un peu plus vite, à laquelle le Premier ministre a du mal à dominer. Il a péché en appuyant le mauvais bouton, traînant des pieds dans la résolution de la crise scolaire, parce que tablant sur un essoufflement de la grève des enseignants. Un mauvais calcul ayant conduit ces derniers, outre les parents d’élèves, à grossir les rangs du M5 qui a fait carton plein. Le régiment de houes et de dabas est à la vague de contestations ce que l’eau est aux terres desséchées et craquelées. Fondé qu’il est à ruminer la baisse du prix d’achat au producteur du coton-graine couplée à la flambée du prix de l’engrais ayant motivé le boycott de cette culture durant la campagne agricole en cours.
Au sein des structures de base et au sommet du RPM, on a des mots très durs envers le Président Ibrahim Boubacar Keïta devenu « le persécuteur du parti qui l’a porté au pouvoir.» La montée de l’adrénaline était perceptible à la dernière réunion du Bureau politique national. Le crédit accordé à IBK a laissé place à la colère sourde. D’ailleurs, de plus en plus, les réunions des structures du parti s’apparentent à un tribunal où sont scrutés à la loupe ses faits et gestes jugés en conséquence. Le feu couvait depuis des années déjà. A la faveur de la crise politique en cours, les langues se sont vite déliées. Le mini attelage gouvernemental chapeauté par Dr Boubou Cissé a semblé la goûte d’eau de trop. Superbement ignoré, le RPM y a brillé par son absence. Créant un émoi aussi bien dans l’instance dirigeante que les structures de base qui ont déversé des hectolitres de salive. Ainsi, le Bureau politique national réuni le 30 juillet dernier a décidé d’afficher sa plus stricte neutralité dans la gestion des affaires du pays sous le régime d’IBK. En fait, le diagnostic établi par les opposants n’a fait l’objet d’aucune contestation. Mais la fracture est née du traitement de la crise politique. Les faucons ont souhaité inviter la jeunesse du parti à rejoindre le front anti-IBK dans l’objectif in fine d’obtenir le départ et du président de la République et de son Premier ministre dont l’image a été davantage écornée par la répression sauvage de la manifestation du10 juillet dernier sodée par la mort de quatorze personnes et des dizaines de blessés. Une histoire d’arroseur arrosé.
« Ce ne serait que justice »
Les coups d’épingle à répétition du président de la République ont froissé, chagriné son parti qui a été contrarié dans son choix de porter Magassouba au perchoir. Faisant fi de l’équilibre des pouvoirs, IBK a réussi en un tour de passe –passe à faire élire un de ses hommes de main, Moussa Timbiné, à la tête de l’Assemblée nationale. Aussi, les plaies béantes ouvertes à la suite de son accession au pouvoir en 2013 ont du mal à se cicatriser. Le Président de la République a fait poireauter sa formation politique pendant six mois avant de daigner l’accordée une audience. Un acte assimilé à un manque de considération à l’endroit des femmes et des hommes qui n’ont ménagé ni leur temps ni leurs moyens matériels et financiers pour concrétiser son rêve. Son de cloche différent côté IBK, sa victoire électorale tenait plutôt à son halo personnel. Ensuite, IBK a lancé quelques pics. Nombreux cadres qui lorgnaient des postes juteux à la mesure du sacrifice consenti se sont vus infligé une fin de non recevoir. IBK les a renvoyés à des études universitaires. Des années après, d’aucuns continuent de ruminer leur colère. Et ne se privent pas de lui dépeindre sous les traits d’un leader qui a « trahi son parti. »
En somme, le parti au pouvoir est vent débout contre le maintien de l’actuel Premier ministre à la tête du futur gouvernement d’union nationale et étale au grand jour son ambition de prendre les commandes de la Primature. « Ce ne serait que justice. Qui mieux que nous pourrait dérouler le projet de société du président de la République ? Nous l’avons ficelé, donc suffisamment imprégné de son contenu pour le mettre en œuvre. Nous disposons de cadres compétents pour ce faire. »
Abdoulaye Idrissa Maïga, reste le seul cadre RPM à occuper ce fauteuil très convoité.
Georges François Traoré