Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Destruction des mausolées de Tombouctou : “Ce procès montre que la communauté internationale sait se mobiliser”

Alors que s’achève ce vendredi 26 août le premier procès d’un djihadiste accusé d’avoir participé au saccage des mausolées de Tombouctou, le président-directeur du Louvre Jean-Luc Martinez revient sur les moyens de protéger le patrimoine des pays en guerre.
 destruction sites touristiques mausaulee mosquee tombouctou

Vendredi 26 août, s’achèvera devant la Cour pénale internationale un procès inédit : Ahmad Al Faqi Al Mahdi, premier djihadiste présumé à comparaître devant la justice internationale, et accusé d’avoir ordonné et participé au saccage des mausolées de Tombouctou au Mali. Quinze (sur seize) de ces sites avaient été détruits en 2012, parmi lesquels neuf étaient classés au Patrimoine mondial de l’humanité. Environ 4 200 manuscrits de l’institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba avaient par ailleurs été brûlés. Membre présumé d’Ansar Dine (l’un des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012), le Malien aurait « dirigé intentionnellement des attaques » contre neuf des mausolées de la « Cité des 333 Saints » et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia, entre le 30 juin et le 11 juillet 2012. Plusieurs voix se sont élevées pour saluer le début de ce procès, espérant qu’un message fort y soit délivré contre la destruction de biens culturels.

En juin 2015, le président-directeur du musée du Louvre, Jean-Luc Martinez, était mandaté par François Hollande pour réfléchir à la protection du patrimoine dans les pays en situation de conflit armé. A l’issue d’entretiens menés auprès auprès de soixante professionnels, cinquante propositions concrètes avaient été formulées par Jean-Luc Martinez en novembre 2015, dans un rapport (consultable ici) qu’il a notamment présenté devant les chefs d’Etats du G7 réunis au Japon en mai dernier. Une manière d’appeler la communauté internationale à prendre ses responsabilités et de lancer la balle dans le camp des Etats et des institutions, en espérant qu’ils s’en emparent.

Doit-on se réjouir du procès qui s’est ouvert lundi à La Haye ? En quoi est-il exemplaire ?

C’est un moment fort car il montre que la communauté internationale sait se mobiliser et ne pas laisser les destructions impunies. Ces désastres humanitaires, ces pillages et ces destructions ont des conséquences irrémédiables sur des patrimoines parfois millénaires, qui font partie des biens communs de l’humanité. La meilleure réponse aux barbares qui veulent détruire le passé consiste à se mobiliser, collectivement et concrètement, pour reconstruire l’avenir.

Vous reprenez dans votre rapport l’expression « nettoyage culturel ». Que veut-elle dire ?

Avec la montée en puissance des conflits armés, le patrimoine s’est retrouvé au cœur des enjeux politiques, idéologiques et identitaires. Ces aspects sont étroitement liés : la destruction des biens culturels vise à effacer le passé et la mémoire de minorités culturelles afin d’atteindre moralement l’adversaire. C’est un phénomène ancien : depuis l’Antiquité, les biens culturels sont l’objet de toutes les convoitises et parfois de destructions volontaires et ciblées car ils incarnent souvent l’âme et la mémoire d’un peuple. La destruction porte atteinte aux identités, fragilise la cohésion sociale et nourrit la spirale de haine et de vengeance. C’est contre ce cercle vicieux qu’il faut unir les efforts de la communauté internationale.

Que deviennent les cinquante mesures que vous préconisiez en novembre dernier ?

François Hollande a récemment annoncé qu’il souhaitait confier à Jack Lang l’organisation d’une conférence internationale au Louvre Abu Dhabi (proposition 43). Ce sera notamment l’occasion de mettre en œuvre la création d’un Fonds de dotation international dédié à la protection et la reconstruction du patrimoine (proposition 9).

Le Conseil des ministres européens s’est vu présenter le rapport en novembre 2015 : les ministres français, allemand et italien de la culture ont alors adressé un courrier à la Commission européenne l’appelant à mettre en place un instrument communautaire permettant de lutter contre l’importation illicite de biens culturels. La Commission a promis un projet de texte pour le deuxième trimestre de 2017, et la Suisse a annoncé qu’elle allait resserrer ses contrôles sur les ports francs et autres entrepôts douaniers.

En France, la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, adoptée le 7 juillet 2016, comporte plusieurs dispositions inspirées du rapport : le contrôle douanier à l’importation (proposition 29), la possibilité de créer des réserves refuges (proposition 47) pour le patrimoine en danger ou d’organiser des expositions de biens saisis (proposition 18).

Aujourd’hui, la France accueille 760 boursiers syriens et irakiens, dont une vingtaine travaille dans le domaine du patrimoine. Depuis la loi du 7 mars 2016 (droit des étrangers en France) les investisseurs, chercheurs, artistes et salariés qualifiés ont un « passeport talents » [un titre de séjour de quatre ans qui vise à remplacer la multitude de titres existants pour les étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière, Ndlr]. A notre échelle, au Louvre, nous avons participé à la Semaine du patrimoine yéménite organisée par l’UNESCO afin de sensibiliser la communauté internationale, et nous organisons des expositions dont une sur laMésopotamie au Louvre-Lens qui ouvrira en novembre. Nous accueillons et formons nos homologues qui ne peuvent plus travailler dans leur pays mais qui préparent le futur des musées et des collections en danger : nous recevons ainsi l’ancien directeur du Service des Fouilles de Syrie et formons une dizaine de conservateurs irakiens, quatre restaurateurs du musée du Bardo à Tunis (victime d’un attentat en 2015) et trois conservateurs du musée d’art islamique du Caire (partiellement détruit par un attentat en 2014).

Source : telerama

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance