Le quatrième round du dialogue inclusif inter-malien d’Alger
Le quatrième round du dialogue inclusif inter-malien d’Alger, prévu pour janvier, s’annonce houleux. Il risquerait même de tourner court, voire même d’être repoussé à une autre date, en raison de la polémique suscitée au Mali par le document de préaccord, proposé par la médiation algérienne.
Les divisions qui minent la Coordination des mouvements de l’Azawad et qui ont provoqué la démission d’une dizaine de ses membres les plus influents, pourraient provoquer un report de ces discussions de paix. La signature d’un accord final, tant espérée par l’ensemble des acteurs impliqués dans ce processus, ne se fera pas sûrement en janvier. Sauf si les mouvements politico-armés du Nord-Mali acceptent le document de base sous sa forme actuelle. Mais, il faudrait d’abord mettre en minorité le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (Mnla) qui constitue un acteur clé dans cette crise malienne
La signature d’un accord de paix inter-malien n’est pas suspendue aux humeurs changeantes des dirigeants des groupes politico armés du Nord-Mali. Le vœu du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, de voir les parties maliennes parapher un accord de paix définitif en janvier prochain à Alger n’est pas sûr d’être exaucé. La complexité de la crise malienne est loin d’être seulement liée au manque de moyens militaires de Bamako qui s’est montré incapable de lutter efficacement seul, aussi bien contre les groupes djihadistes que contre les rebelles du nord.
La répression des groupes indépendantistes touareg et arabe du Nord-Mali ne fait que prolonger le conflit qui remonte à bien avant l’indépendance du Mali en 1960. Bamako a compris qu’il faut négocier un accord politique durable pour enterrer définitivement la hache de guerre dans un Mali uni. Le conflit libyen et le putsch militaire de 2012 contre l’ancien président Amadou Toumané Touré ont relancé la machine de guerre et remis sur la table des revendications vieilles de plusieurs décennies. L’intervention de la Communauté économique de développement de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a ouvert une brèche pour fait table rase de cette vieille rancune. Mais la paix est restée fragile.
L’implication de l’Algérie, en tant que médiateur, à la demande de l’actuel président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, et avec le consentement des groupes politico-armés du Nord, a redonné espoir à beaucoup de Maliens. Cependant, ce ne sont pas tous les Maliens qui se sont réjoui de l’ouverture de ces négociations en Algérie, sous l’égide des organisations régionales et internationales avec la participation des pays voisins de la région sahélo-saharienne. Outre leur manque de confiance vis-à-vis de la communauté internationale, soupçonnée de préparer une partition du Mali, de nombreux acteurs de la société civile et des partis politiques n’accordent en effet aucune crédibilité aux leaders des mouvements du Nord. Le jeu des alliances entre groupes armés du Nord bloque en effet l’avancée du processus de paix.
Il en est de même de la volonté de certains mouvements du Nord, à leur tête le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (Mnla), d’obtenir un statut particulier pour ce vaste territoire.
La récente scission au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad constitue un argument supplémentaire pour ceux qui doutent en la réussite du dialogue inclusif d’Alger, dont la reprise est prévue pour janvier 2015. Le départ du Colonel Hassane Ag Mehdi, alias «Jimmy le rebelle» du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua), pour créer le Front populaire de l’Azawad (FPA) brouille toutes les cartes. Après avoir clairement affirmé, l’été dernier à l’hôtel El Aurassi, la détermination de son peuple à obtenir un statut juridique et politique particulier pour l’Azawad, seule et ultime condition, selon lui, pour la réussite du dialogue d’Alger.
«Le statut de l’Azawad doit être clarifié et défini pour que nous puissions avancer dans le dialogue pour la paix», avait-il déclaré début septembre à la Tribune. Au lendemain de son départ de la Coordination des mouvements de l’Azawad, Ag Mahdi fait une déclaration des plus surprenantes. «Je suis contre tout projet de fédération. Je suis opposé à toute démarche qui est susceptible de porter préjudice aux populations du nord qui ont beaucoup souffert de cette situation», a-t-il déclaré au portail d’information malien. En effet cette position d’opposition est liée à son idée de départ lorsqu’il a déserté les rangs de l’armée malienne en 2012.
Mohamed Ag Asselah de la Coalition du peuple de l’Azawad avait aussi claqué auparavant les portes du Mnla auquel il reprochait ses méthodes de combat et sa démarche pour obtenir les droits politiques et sociaux des populations du nord. Sa démission et la création d’un nouveau groupe armé ne l’a pourtant pas empêché de sceller son alliance avec son ancien mouvement au sein duquel il occupait une place importante. Ce revirement n’est pas propre aux figures importantes des mouvements du nord. Il est aussi le fait des groupes claniques et ethniques qui basculent d’un camp à un autre au gré des intérêts du moment. Ce qui complique la tâche de tous les médiateurs qui ont eu à chercher un accord de paix entre les autorités maliennes et les groupes armés.
Après s’être rangé du côté des mouvements politico-armés pro-Bamako, la Coordination des mouvements des forces patriotiques de résistance (Cmfpr2) a annoncé sa nouvelle alliance avec le Mnla, à la grande surprise de ses partisans et de l’opinion publique malienne. Alors que la presse malienne pensait que le Mnla est suffisamment affaibli militairement et politiquement pour pouvoir négocier en position de force, lors du prochain round du dialogue d’Alger, nous voilà avec une nouvelle donne qui change tout. C’est sur le terrain militaire que ces changements peuvent avoir leur effet en cas d’échec des pourparlers d’Alger. le risque d’une reprise des armes n’est pas à écarter dans le Nord-Mali, malgré la présence des troupes de la Mission onusienne de maintien de la paix et les promesses de Bamako de mieux prendre en charge les revendications politiques et socioéconomiques de cette région.
Le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta a déjà commencé à mettre en place le cadre juridique et pratique pour la réintégration des combattants, en prévision de la conclusion d’un accord final de paix avec les groupes armés. Mais rien ne garantit la signature de cet accord qui constitue pourtant une condition préalable pour la stabilisation du Mali et de l’ensemble des pays voisins, confrontés à l’hydre djihadiste et aux trafiquants d’armes et de drogue.
Par Lyès Menacer
Source: Latribune-dz.com