Le Premier ministre Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo a présenté sa Déclaration de Politique générale, ce vendredi 27 décembre 2024 devant l’Assemblée législative de Transition. Axée sur la sécurité, la souveraineté alimentaire et la bonne gouvernance, cette feuille de route vise à refonder un Burkina Faso résilient et uni.
Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo a été nommé Premier ministre du Burkina Faso le 7 décembre 2024. Trois semaines plus tard, le 27 décembre 2024, il a présenté sa Déclaration de Politique générale devant l’Assemblée législative de Transition (ALT), exposant les grandes orientations de son gouvernement.
Sécurité et souveraineté, la pierre angulaire d’un nouvel ordre
La sécurité a dominé cette DPG, confirmant sa centralité dans le projet national. Le Premier ministre a souligné que la lutte contre le terrorisme et la restauration de l’intégrité territoriale sont des impératifs absolus. « Une industrie de défense autonome et la coopération renforcée avec nos alliés dans l’Alliance des États du Sahel (AES) doivent faire du Burkina une nation qui défend son territoire sans dépendre de l’extérieur », a-t-il déclaré. Ce pragmatisme, ancré dans l’endogénéité et la mutualisation des forces avec le Mali et le Niger, incarne une rupture avec les dépendances classiques envers l’Occident.
Cependant, l’efficacité de ces mesures repose sur l’optimisation du renseignement et l’opérationnalisation effective des forces sur le terrain. L’intensification des efforts pour sécuriser les déplacés internes et réinstaller les populations dans leurs villages d’origine est une réponse humanitaire cruciale. Pourtant, des interrogations demeurent : le financement de cette vision de souveraineté militaire sera-t-il soutenable dans un contexte économique tendu ?
Souveraineté alimentaire et infrastructures rurales
La souveraineté alimentaire est présentée comme un levier d’indépendance nationale. Ouédraogo mise sur l’augmentation des capacités de production agricole, le développement des infrastructures hydro-agricoles et la consolidation de l’offensive agropastorale. La réduction de la dépendance aux importations alimentaires est un objectif stratégique pour un pays confronté à l’insécurité alimentaire chronique.
Mais cette ambition nécessite des investissements massifs dans des infrastructures et des capacités techniques pour lesquelles les ressources locales ne suffiront peut-être pas. La promesse d’accompagnement des secteurs productifs doit s’accompagner d’un effort systémique pour combattre les obstacles structurels, tels que l’accès limité au financement et les effets des changements climatiques.
Bonne gouvernance et lutte contre la corruption
Le Premier ministre s’est engagé à mener une lutte acharnée contre la corruption et l’incivisme, affirmant que « la tolérance zéro sera appliquée à toutes les formes de corruption dénoncées et avérées ». Cet engagement, accompagné de promesses de modernisation des finances publiques, pourrait renforcer la confiance des citoyens dans les institutions. Toutefois, cette ambition nécessite des réformes structurelles profondes, notamment dans la gestion des ressources de l’État.
Le lien établi entre assèchement des sources de financement des groupes terroristes et assainissement économique est pertinent. Toutefois, dans un pays où l’économie informelle domine, des défis de mise en œuvre complexes devront être relevés.
Développement humain et cohésion sociale
La DPG ne s’est pas limitée à des dimensions économiques et sécuritaires. Le Premier ministre a souligné l’importance de la réconciliation nationale, en misant sur des approches endogènes et la mobilisation des autorités coutumières et religieuses. « La réconciliation des cœurs et des communautés est le socle d’un Burkina uni et prospère », a-t-il affirmé. Ces valeurs, profondément enracinées dans la tradition burkinabè, renforcent une stratégie de paix durable.
En parallèle, le développement du capital humain est présenté comme une priorité avec l’accès universel à l’emploi, à la santé, à l’éducation et aux services sociaux de base. Ces ambitions humanistes appellent à une allocation budgétaire significative, mais dans un contexte de pression fiscale et d’endettement, ces objectifs risquent de heurter des contraintes financières.
Rayonnement diplomatique, outil de l’autodétermination
Sur le front international, Ouédraogo a réitéré son ambition de positionner le Burkina comme un acteur diplomatique de premier plan. L’élan vers la diversification des partenariats internationaux, tout en respectant la souveraineté nationale, est une continuation logique de la doctrine actuelle du Burkina Faso. L’AES est ici envisagée non seulement comme une force militaire conjointe, mais aussi comme un instrument d’intégration économique et de progrès collectif.
Cependant, le défi pour le Burkina Faso sera de maintenir cet équilibre diplomatique tout en naviguant dans un contexte géopolitique complexe et parfois hostile.
Une vision ambitieuse, mais exigeante
La DPG de Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo incarne une vision ambitieuse pour un Burkina Faso résilient, souverain et solidaire. En s’attaquant aux problématiques fondamentales de la sécurité, de la souveraineté alimentaire et de la gouvernance, le Premier ministre trace une feuille de route cohérente, mais exigeante. La réussite de cette vision reposera sur la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources suffisantes, à surmonter les résistances internes et à maintenir la confiance du peuple burkinabè.
À travers ce discours, le Burkina Faso affirme son ambition de se réinventer, en s’appuyant sur ses valeurs endogènes et une mobilisation collective pour bâtir un futur meilleur. Reste à voir si les défis systémiques pourront être transformés en opportunités, dans un contexte où chaque décision pèsera sur l’avenir de la nation.
Chiencoro Diarra