Constatant le mauvais déroulement de la campagne agricole 2022-2023, les porte-paroles des paysans de Niono brisent le silence. Ils tancent l’ex-ministre du Développement rural, Modibo Keïta, déplorent sa gestion « opaque » à travers l’attribution des marchés de ravitaillement d’engrais subventionnés de l’Etat à des sociétés inaptes. Avec la crise d’engrais tant décriée présentement dans la circonscription, une réunion a eu lieu, le vendredi 4 août dernier au sein du cercle, par les responsables (syndicats, délégués) de la chambre d’agriculture de Niono qui ont finalement décidé d’attirer l’attention des plus hautes autorités.
Après avoir débloqué plus de 15 milliards F CFA pour la campagne agricole 2022-2023, la transition est loin d’être tranquille. Une raison s’expliquant par la sélection des sociétés inaptes à fournir des engrains subventionnés de l’Etat aux paysans. Des informations relayées par les responsables des paysans, il ressort que c’est trois sociétés qui ont été retenues, cette année, pour le ravitaillement de Niono en engrais subventionnés de l’Etat. Il s’agit de Toguna, la société Ko2 et DPA. Avec la plus petite quantité qu’elle a eue, la société Toguna a fini de livrer tout son quota dans les zones indiquées. Il reste, de nos jours, les sociétés Ko2 et DPA qui peinent à distribuer leur part aux paysans, provoquant une crise d’engrais à Niono. Sur les 7 zones comportant le cercle, nombreux sont alors ces riziculteurs qui continuent d’être touchés par le manque d’engrais, alertent les délégués et syndicalistes initiateurs de la rencontre médiatisée. Une situation sous-entendant que le pays risque d’être touché par la faim en plus de la crise sécuritaire. Puisqu’à Niono où les riziculteurs sont censés ravitailler le pays, il y a un sérieux problème d’engrais. Notons que la crise d’engrais a commencé dans cette localité depuis la campagne agricole 2020-2021. Cette année encore, déplore-t-on, elle persiste à cause de l’ingérence de l’ex-ministre Modibo Keïta dans l’octroi des marchés et la distribution des engrais par des sociétés qui peinent à satisfaire les besoins des paysans. Pourtant, rappelle-t-on, les deux grands fournisseurs d’engrais de Niono sont connus de tous. Ils demeurent la société Gnoumani-SA, appartenant à l’opérateur économique Diadié Ba, et la société Toguna de Seydou Nantoumé. Pour la campagne agricole 2020-2021, le ministre partant a accordé, selon les responsables parlant au nom des paysans, le marché de distribution d’engrais à des sociétés qui n’étaient pas fournisseurs. Cette année encore, dit-on, le même scénario a été produit sous le leadership de Modibo Keïta. Sachant bien leurs capacités, il a confié la distribution d’engrais à trois sociétés dont Toguna (avec la plus petite quantité), Kao2 et DPA. Pour des raisons inavouées, l’ex-ministre et son clan ont écarté, selon les mêmes sources, la société Gnoumani-SA de toute distribution des engrais subventionnés, alors que l’opérateur économique Diadie produit et distribue des engrais depuis plus de vingt ans à Niono. En termes de ravitaillement de Niono en engrais, Gnoumani-SA de Diadie Ba occupe toujours la première place, suivie de Toguna. Les deux autres (Ko2 et DPA) sont des petites sociétés qui ne produisent pas d’engrais, ajoute-t-on. Mais pour des raisons inavouées, indique-t-on, Ko2 et DPA ont eu la grosse partie du marché d’engrais, cette année à Niono.
Des délégués de la chambre locale de Niono et des syndicalistes dénoncent !
Représentants les différentes zones, ils étaient nombreux à mettre l’accent sur la mauvaise gestion du ministre partant. S’agit-il de la vérité ou du mensonge ? En tout état de cause, les délégués et les syndicalistes de Niono ont, via cette réunion, voulu faire entendre leur part de vérité dans la crise d’engrais en pointant du doigt le ministre Keïta et son clan. Selon Yaya Coulibaly, 2ème vice-président de la chambre d’agriculture locale du cercle, des commissions ont été mises en place dans toutes les zones en vue du bon déroulement des opérations de distribution d’engrais subventionnés par l’Etat. « Pour la zone de Niono, la commission a effectué son premier contrôle en date du 22 juin 2023. Le quota accordé à KO2 est de 5223 tonnes d’engrais. Le quota accordé à Toguna est de 800 tonnes. Et celui de DPA est estimé à plus de 5000 tonnes », explique le président de la commission de Niono. Lors de sa visite du 22 juin, la commission a découvert 3000 tonnes urée et 1500 tonnes NPK dans le magasin de Toguna. A la même date, poursuit Yaya Coulibaly, il n’avait que 72 tonnes urée et 29 tonnes NPK. Quant à Ko2, ajoute-t-il, il avait 50 tonnes urée, 20 tonnes NPK et 15 tonnes DAP. Effectuée le 20 juillet dernier, la deuxième visite de contrôle a permis de noter 3810 tonnes urée et 3215 tonnes NPK chez Toguna. « Arrivée dans le magasin de la société DPA, on nous a dit qu’aucun autre stock n’est ajouté à l’ancien, de même que dans le magasin de Ko2. La délégation a également visité les magasins de la société Gnoumani-SA et a trouvé que 13 magasins dont 3 bondés d’engrais étaient disponibles », témoigne Yaya Coulibaly. Le 2ème vice-président annonce que le contrôle a été effectué suite aux besoins d’engrais exprimés par les riziculteurs. A part Toguna, regrette-t-on, les deux autres sociétés (DPA et Ko2) n’ont pas d’engrais. Pour l’attribution du contrat de distribution des engrais subventionnés, un appel d’offre doit être lancé à tous les opérateurs. « Mais le ministre Modibo Keïta avait cessé tout cela. Les gens procédaient directement à l’appel d’offre avec lui-même. Les difficultés d’engrais ont commencé depuis 2020 à nos jours », expliquent les responsables. Pour satisfaire les zones de l’office en engrais, estime Yaya, il faut 40.000 tonnes. Mais les engrais disponibles n’atteignent pas 10.000 tonnes. « Nous sommes au mois d’août. Nous ne nous attendons plus à la réussite de la campagne agricole à Niono. Le ministre récemment nommé à la tête du Développement rural a effectué des visites au niveau de certains champs. Il s’est rendu compte qu’ils ont besoin d’engrais », souligne-t-on. Les paysans ont leurs cautions. Mais les fournisseurs (Ko2 et DPA) n’arrivent pas à donner les engrais subventionnés. Pire, conclut Yaya, les engrais subventionnés sont vendus au prix des non-subventionnés sur le marché.
Plus de 6000 tonnes d’engrais restent à fournir, Gnoumani-Sa et Toguna sollicitées !
Selon Aklinine Ag Relly, observateur des paysans et personne ressource à la chambre d’agriculture de Niono : « Toguna n’a pas de problème ». Le total des engrais restant à fournir par les sociétés Aly Diarra Ko2 et DPA est, de nos jours, estimé à plus de 6000 tonnes. Des tractations sont en cours pour permettre à des sociétés (Gnoumani-SA et Toguna), disposant suffisamment de stocks, de servir les paysans. Contrairement aux fausses informations qui circulent, la société Gnoumani-SA n’est pas en train de révolter les paysans contre les autres sociétés retenues pour le ravitaillement des zones en engrains subventionnés, témoignent les responsables de la chambre d’agriculture de Niono. Aussi présent, le délégué de Molodo (Niono), en l’occurrence Madou Diallo soutient que chaque paysan a droit à 3 sacs par hectare. « Mais aucun riziculteur ne peut présentement dire qu’il a eu ses trois sacs. A Kologon, dans la circonscription de Macina, les gens se plaignent de la pénurie d’engrais ». Or, dit-il, tout le monde peut avoir les engrais lorsque la distribution est confiée à Gnoumani-Sa et Toguna qui produisent. « C’est le ministre Modibo Keïta qui a gâté la situation avant de quitter le département », souligne Diallo. Dans ce contexte, il est hors de question d’avoir une autosuffisance alimentaire dans le pays. « Nous voulons seulement avoir des engrais pour pouvoir entretenir nos champs et nourrir nos familles. Il n’y a plus d’espoir pour la réussite de la campagne agricole cette année », annonce Madou Diallo qui déplore la politisation de la distribution des engrais subventionnés à Niono. La distribution des engrais subventionnés est, enchaine Diallo, aussi devenue une affaire clanique. Abordant le même sens, Samba Diallo, syndicaliste, N’Tji Traoré, Bakary Mamoutou Traoré, François Keïta et autres délégués dénoncent la distribution des engrais par des sociétés loin d’être spécialistes, voire la gestion « opaque » de l’affaire par l’ex-ministre Modibo Keïta. « Tout le monde sait que les gros fournisseurs d’engrais demeurent Diadie Ba et Toguna. Mais le ministre et son clan ont régressé le monde agricole en écartant Diadie Ba. Avec la bonne gestion des milliards investis par l’Etat pour la subvention, tout le monde devrait normalement avoir 4 ou 5 sacs par hectare cette année. Mais hélas ! », dénoncent les responsables qui félicitent les plus hautes autorités pour les efforts en faveur des paysans. Puis d’interpeller le nouveau ministre en précisant qu’il y a des anciens délégués de l’office qui ne veulent pas l’avancement du secteur. Les responsables attirent l’attention des plus hautes autorités et soulignent qu’ils n’hésiteront pas à manifester, dans les jours à venir, pour réclamer l’engrais.
Mamadou Diarra
Envoyé spécial à Niono
Source : LE PAYS