Connue pour son goût très amer, la chloroquine a longtemps été l’un des antipaludéens les plus connus au Mali et ailleurs. En décembre 2006, les autorités sanitaires décident de la retirer de l’arsenal thérapeutique jusqu’à l’apparition du Covid-19. Toutefois, ce retour en grâce suscite des inquiétudes chez les médecins.
La chloroquine, aussi connue sous le nom de « Nivaquine », était prescrite pendant plusieurs décennies par les médecins dans le traitement du paludisme. « Dans les années 2000, il était difficile d’administrer un quelconque médicament aux enfants. Ils avaient la hantise du goût de la nivaquine », raconte Elhadj Ossed, directeur technique du Centre de santé communautaire de Bellafarandi, un quartier de Tombouctou. Chassée des officines pharmaceutiques par la grande porte, la chloroquine revient par la fenêtre ! Un retour triomphal forcé par la pandémie de coronavirus.
L’engouement pour ce médicament, oublié des uns et méconnu des autres, résulte des prises de position du professeur français Didier Raoult. Dans les jours qui ont suivi ses premières prises positions en faveur du médicament, les pharmacies ont été prises d’assaut. Des messages vocaux relayés sur les réseaux sociaux appelaient les familles à faire une provision de cette précieuse molécule. En quelques jours, de nombreuses pharmacies étaient en rupture de stocks. Un pharmacien nous a confié avoir vendu des quantités importantes de ce médicament dans la première quinzaine du mois de mars 2020.
Seulement, il y a une confusion terrible à l’origine de cette ruée. Dans les faits, c’est plutôt l’hydroxychloroquine, commercialisée sous le nom de « Plaquenil », qui est utilisée pour traiter dans le traitement du Coronavirus. « La prise de la chloroquine à titre préventif contre le coronavirus n’est pas indiquée. Les personnes qui font la prise préventive de la chloroquine courent un risque d’intoxication », rappelle Dr Charles Dara, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de Tombouctou.
Médicaments contrefaits
Dans les zones rurales ou les services de santé sont quasi-inexistants, les populations utilisent fréquemment les « comprimés qui font bouillir l’eau » (les effervescents) pour toutes sortes de pathologies et pour tous les âges. Hama Keita, membre de l’unité médicale de Dyou, dans le cercle de Kadiolo, déconseille : « L’automédication peut pousser à une consommation excessive et inappropriée. Parmi les conséquences, il y a l’aggravation d’un état au départ peu grave, la cumulation de médicaments incompatibles. »
L’ampleur du phénomène de l’automédication a favorisé la contrefaçon des médicaments. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un médicament contrefait est « un médicament dont l’identité et/ou l’origine est délibérément et frauduleusement falsifiée », que le produit soit de marque déposée ou générique.
Le ministère malien de la Santé et des Affaires sociales a fait un communiqué pour alerter les consommateurs. Avec la pandémie de coronavirus, la demande de chloroquine est devenue plus grande. Ainsi, les faussaires n’ont pas tardé à mettre sur le marché un produit « dont les normes de laboratoire étaient insuffisantes », aux dires de Dr Charles Dara. Dans un rapport datant de fin 2018, l’OMS indiquait qu’en Afrique, près de 100 000 décès par an sont causés par les médicaments contrefaits. Ce chiffre continue d’ailleurs d’augmenter.
Au lieu de se prémunir contre le Covid-19, ceux ou celles qui prennent de la chloroquine en automédication courent le risque de s’intoxiquer ou de tomber sur des produits contrefaits. La chaîne CNews a rapporté qu’un homme est mort, lundi 23 mars, après avoir ingurgité du nettoyant pour aquarium contenant du phosphate de chloroquine, un principe actif de la chloroquine.
Source: benbere