Le coup d’Etat intervenu au Niger voisin, le 27 Juillet 2023, écartant le président Mohamed Bazoum du pouvoir remet sur la table la question de la prise du pouvoir par la force. A tout point de vue l’intervention militaire pour prendre le pouvoir est condamnable dans un Etat de droit. La question est de savoir si nous avons réussi à instituer un Etat de droit dans nos pays. Le Niger, tout comme le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, sont-il des Etats de droit au moment où nous assistons au renversement des pouvoirs?
Un Etat de droit, c’est celui qui respecte ses propres normes. Si elles ne sont pas respectées ou sont appliquées différemment aux sujets de droit (inégalité) ou si les élections ne se déroulent pas dans la transparence, si des personnes arrivées au pouvoir par la fraude électorale, le népotisme, le clientélisme ou par recompenses politiques, s’emparent des ressources matérielles et financières, à l’exclusion du plus grand nombre qui ne dispose pas du minimum vital pour des soins de santé, de l’éducation des enfants ou de l’électricité, peut-on parler de démocratie dans un tel Etat ?
On se demande s’il y a pire coup d’Etat, que l’accession au pouvoir par la fraude électorale, en tripatouillant le choix du peuple, en utilisant l’argent volé au peuple ou obtenu à travers des financements occultes, le blanchiment ou en provenance de l’extérieur. Sur la réalité et l’ampleur des détournements, la corruption, le blanchiment d’argent et l’enrichissement illicite au Mali, les rapports du Bureau du Vérificateur (BVG), de l’Office central de Lutte contre l’Enrichissement illicite (OCLEI), la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) et autres articles d’investigation sont assez édifiants, où des fonctionnaires deviennent subitement milliardaires, comme par magie. Le Mali, le Niger, le Burkina Faso partagent les mêmes réalités sécuritaires, politique, économique et sociales. Dans ces pays la mal gouvernance entretenue par ces pratiques a fait le nid à la crise politique et sécuritaire qu’on traverse depuis des décennies.
Les vrais acteurs devenus de vrais coupables
Les coups d’Etat n’entendent rien des principes démocratiques, parce que les acteurs chargés de mettre ceux-ci en œuvre ont été les premiers à les piétiner. Encore les politiques, sans lesquels, il n’y a ni système, ni régime démocratique. En cela les partis politiques sont les premiers acteurs de la démocratie, les concepteurs de son adaptation suivant les réalités locales, même si l’universalité de certains principes ne se discute pas.
Sans préjudice de l’inclusivité impliquant la société civile, le genre et toutes les couches socio-professionnelles, militaires et paramilitaires, les partis politiques gardent sans conteste, dans un Etat normal, le leadership dans le processus d’élaboration et d’adoption de la loi fondamentale, des codes de conduite politique, des règles électorales.
Ce rôle important des partis politiques, plus que tout autre acteur, devient encore plus crucial, quand il s’agit de la mise en œuvre de ces dispositifs constitutionnel, législatif et règlementaire, car leur revient (certes avec d’autres acteurs comme la société civile) le rôle de sentinelle, de veille sur le fonctionnement régulier des institutions. Pour réussir ce rôle de sentinelle, le devoir de mobiliser, de former, de sensibiliser les citoyens pour leur participation au processus de renforcement de la démocratie, est reconnu aux partis politiques, par la charte des partis politiques et le code électoral. Ainsi l’impulsion pour l’émergence d’une société dynamique, apte à générer une opinion saine et propice est l’apanage des partis politiques véritablement actifs et dont les activités ne se résument pas à la conquête du pouvoir. Si ces engagements ne se vérifient pas concernant notre classe politique, si celle-ci avec plus de 300 partis politiques, n’est pas véritablement le terreau, le creuset de la formation d’une opinion civique, si elle n’est pas instigatrice de conduite citoyenne au niveau de la société en générale (civile, militaire et paramilitaire, jeunes et genre), alors nous en avons une à sermonner, à appeler à demander des excuses publiques aux Maliens et à s’engager à ne pas recommencer les fautes commises, à veiller en sentinelle contre tous les travers de notre société. Peut-on disculper la classe politique de la situation de crise de notre pays ?
Le discours politique en panne
Le discours politique n’est plus payant, ni mobilisateur. Au contraire il éveille une curiosité, celle de s’interroger sur le but recherché de tel ou tel discours politique, quand il sonne creux. Le peuple sera heureux quand les acteurs politiques, au pouvoir ou non, comprendront que le peuple a plutôt besoin d’actes concrets et concourant au bien être humain, à la justice sociale. Au nombre de ces actes figurent la réalisation et le bon fonctionnement des services sociaux de base, fruits d’un partage équitable de la croissance amorcée et durable ; la sécurité et les libertés publiques.
S’ériger en héritiers de Modibo Keita ou de Moussa Traoré, ou en combattants ou défenseurs d’un mouvement démocratique (la coordination des associations et organisations démocratiques de 1991 et le M5 RFP de 2020) procure juste une reconnaissance digne de témoignage, pour un devoir de mémoire. S’y focaliser trop porte le germe d’une réduction du vaste champ de l’action politique à celui de tendances belliqueuses, de confrontations entre regroupements politiques, desquelles le peuple ne tire nul bénéfice. Ces confrontations dont notre pays souffre des expériences fâcheuses, entre l’USRDA et le PSP, avant et pendant la première République, ente l’UDPM et le Mouvement démocratique sous la IIème République, ont vécu. Si elles répondaient en leur temps à des contradictions objectives, les réponses qu’elles peuvent apporter aujourd’hui ne peuvent être que subjectives et contre productives.
On a suffisamment vu les acteurs à l’épreuve ; leurs copies ont été passées à la loupe. Qu’il s’agisse de discours de campagne, d’élus ou de l’exécutif, il y a cet hiatus entre le discours et les faits, qui a tendance à s’ériger en règle et la réalisation, l’exception. Ceci participe davantage à la défiance des électeurs qu’on a du mal à mobiliser et qui n’en croit plus rien. Au-delà des discours creux, au pouvoir, certains se servent au lieu de servir, après avoir utilisé comme bétail électoral.
Quand le président du CNID FYT, Me Mountaga Tall réunit les leaders musulmans du Mali, pour célébrer le nouvel an du calendrier musulman, il se prédispose en rassembleur d’un groupe sociologique dont la désunion est un grand danger pour la nation. Pour preuve la crise que notre pays a frôlée lors du référendum constitutionnel, par une opposition entre musulmans divisés en courants du OUI et du NON, avec en toile de fond la question artificielle de la laïcité, alors que celle-ci n’a jamais empêché personne de prêcher sa foi ou de se vouer à son culte. Un tel rassemblement autour de l’An musulman (AH) commun à tous les courants religieux musulmans et auquel tous se réfèrent est bien inspiré et constitue une bonne base pour la cohésion et l’unité nationales au-delà du vaste rassemblement des musulmans de notre pays. Cependant Me Mountaga Tall ne doit pas s’arrêter en si bon chemin, notre pays est profondément religieux et il n’y a pas que les musulmans. Il faut, au-delà de cette communauté un rassemblement des religieux, qui ne laisse pas de côté les confessions chrétiennes, qui sont aussi monothéistes et maliens que les musulmans.
Président Assimi, des actes plutôt …
En espérant que le président de la Transition Assimi Goïta ne nous revient de la Russie, les poches de son beau costume bleu pleines de promesses. C’est vrai qu’on vit d’espoir, mais on n’en a que faire de promesse, on veut des actes, des réalisations à crever les yeux, sans tambour ni trompette. Comme on a vu à Ségou avec la reprise de la COMATEX, mais aussi la reprise du trafic ferroviaire entre Bamako et Kayes (Ouest du pays). Si Assimi Goïta veut rester en phase avec le peuple résilient du Mali, il arrête avec les promesses du genre renouveler le stade de Kayes, construire un stade à Tombouctou. Fatigué des promesses politiques, le peuple juge aux actes (positifs ou négatifs) posés par les gouvernants ou les prétendants à la gouvernance. Il n’est pas dupe et sais qui soutenir, renforcer ou laisser prêcher dans le désert. Comme on le dit un tigre ne crie pas sa tigritude, il saute sur sa proie… A travers les réformes politiques et du secteur minier, poursuivre en faisant de son cheval de bataille, les principes de souveraineté, d’indépendance dans ses choix et de défense des intérêts vitaux du peuple malien, jadis piétinés par les gouvernants, soit par peur, soit en guettant des intérêts personnels, serait plus judicieux.
Daou
Source: Lerepublicainmali