En fin de mission dans notre pays, l’Ambassadeur d’Allemagne a, à la faveur d’une sortie médiatique, dénoncé l’ampleur et la banalisation du fléau de la corruption. S’il a eu le soutien du Président du Patronat, c’est la colère qu’il a provoquée chez les Magistrats.
Le fait est suffisamment rare pour passer inaperçu. Un Ambassadeur d’une puissance étrangère qui pourfend sans langue de bois les autorités du pays auprès desquelles il est accrédité, cela vaut bien une chronique qui ne manquera pas de s’amplifier au fil des semaines. L’onde de choc provoquée par les énergiques philippiques lancées par l’Ambassadeur allemand contre l’Exécutif malien et les Magistrats a été incontestablement très forte. Le mal que le Diplomate allemand a choisi de dénoncer avec vigueur au cours d’une interview, la corruption, a, en effet, dépassé toutes les limites supportables. C’est devenu un fléau si dévastateur qu’il dispute la place aux pandémies les plus ravageuses connues des citoyens. Au Mali, les Riches continuent à s’enrichir à un rythme exponentiel tandis que les pauvres s’appauvrissent à une vitesse vertigineuse. Le mal-vivre du plus grand nombre des citoyens saute aux yeux. Il en résulte une exaspération générale dont l’expression se lit à travers les colères et les grèves corporatistes.
Le pays va mal, c’est certain, à cause de la corruption. Pour le citoyen lambda malien, le Régime est littéralement corrompu. Mais plus cette réalité est dénoncée, plus la corruption prend une ampleur plus grande et des tournures insoupçonnées. L’imaginaire populaire en est même arrivé à tourner en dérision le slogan de campagnes de 2013 de l’actuel Chef de l’État « Le Mali d’abord » en « Ma famille d’abord ». C’est malheureusement vrai. De 2013 à nos jours, c’est la proche parenté du Président IBK qui a occupé les postes les plus convoités tant au Gouvernement qu’à la Présidence de la République. Cela demeure. Il s’y ajoute l’affairisme de plus en plus ambiant de la première Dame, présente partout à travers son ONG Agir. Le fils du Chef de l’État, l’Honorable Karim Kéïta, Président de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale, est cité à la fois dans des affaires de crimes et de délinquance à col blanc. Il est notamment soupçonné dans la rocambolesque affaire de l’achat des avions militaires inopérants
à propos de laquelle affaire le FSD exige que toute la lumière soit faite, suite à un Rapport fort incriminant dont la confidentialité n’a pas pu être préservée. Paradoxe révoltant : les avions militaires de défense de la patrie sont inopérants quand bien même leur achat, comme beaucoup d’autres matériels pour l’Armée nationale , résulte des fonds de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire 2015-2019 portant sur 1330 milliards de nos francs, alors que le Président de la République court à travers le monde entier à bord de l’avion présidentiel, commodité qu’aucun autre Chef d’État de notre Sous-région n’a voulu s’offrir, sans doute par respect de leurs citoyens et pour préserver des deniers publics de la nation qui ont leur utilité dans d’autres domaines d’urgence nationale. Les plus anonymes des Maliens constatent même que Donald Trump ne vadrouille pas autant à bord d’Air Force One !
Les fonds de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire ont été bel et bien utilisés, mais pour des résultats catastrophiques.
Surfacturations, fausses facturations, etc., ont saigné le Peuple et le pays en bute à des guerres. L’avion présidentiel ne sort pas du lot. Alors qu’il vole régulièrement comme faisant partie d’une flottille de tourisme, les avions achetés pour l’Armée nationale sont comme des épaves clouées au sol. En plus, malgré toutes les enquêtes, on ne sait toujours pas combien il a coûté aux contribuables maliens. La seule certitude, c’est que pas moins de 25 milliards ont été sortis des caisses de l’État pour son acquisition alors que les Maliens pleurent toujours de nostalgie pour le retour de leur compagnie aérienne nationale Air Mali dont la remise en service ne nécessiterait pas 25 milliards FCFA.
Pour toutes ces raisons et pour tant d’autres, Mamadou Sinsy Coulibaly, Patron des Patrons maliens, a applaudi des deux mains la courageuse dénonciation de la corruption par l’Ambassadeur allemand. Celui-ci est soudainement apparu pour lui, sans doute pour lui, comme un allié inespéré.
En effet, il y a quelques mois seulement, M. Coulibaly avait publiquement proclamé sa volonté d’en découdre avec les corrompus les plus haut placés, indexant même, à l’occasion, à l’opinion publique nationale le Magistrat le plus haut perché, ci-devant Nouhoum Tapily, Président de la Cour Suprême, comme étant un délinquant hors pair en délits de corruption qui, plus, est un criminel. Accusation qui avait jeté le corps de la Magistrature dans un malaise profond, on s’en souvient comme si c’était hier seulement. Faut-il pour autant placer dans la ligne droite de ce malaise les cris d’orfraie poussés par les Magistrats contre l’Ambassadeur allemand ? Les jours prochains nous le diront.
Samba Djibo