Non-recouvrement des frais d’édilité issus de la cession des parcelles de terrains ; non-recouvrement des droits de patente sur des marchés publics, des taxes communales et la non-justification de l’utilisation du carburant… Autant de mauvaises pratiques orchestrées par Mme le Maire de la Commune Urbaine de San, Félicité Diarra et sa bande et qui ont entraîné un trou de 84 847 621 FCFA dans les caisses.
Le Bureau du Vérificateur Général a décelé des irrégularités financières de plusieurs millions de nos francs au niveau de la Mairie de la Commune urbaine de San. Tout est parti d’un audit qui avait pour objet, la vérification financière de la gestion de la Commune Urbaine de San au titre des exercices 2019, 2020, 2021 et le 1er semestre 2022. En clair, la mission avait pour but de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de recettes et de dépenses ainsi que de la conformité des actes des organes délibérant et exécutif de ladite Commune. Ainsi, les travaux de vérification ont porté sur la mobilisation des recettes et leur reversement, l’exécution des dépenses, la gouvernance administrative, la gestion domaniale et foncière, l’état civil et la tenue de la comptabilité matières.
La Mairesse n’a pas exigé le recouvrement des frais d’édilité
L’article 263 de la Loi n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant Code des Collectivités Territoriales dispose : « Sans préjudice des attributions et des responsabilités qui sont propres au comptable responsable du recouvrement des impôts, taxes, redevances et divers produits du budget de la collectivité, l’ordonnateur suit régulièrement les opérations de perception et les poursuites éventuelles entreprises par le comptable. Ainsi, suivant le Procès-Verbal de la session ordinaire du Conseil communal du 27 juin 2019, le prix unitaire de cession des parcelles de terrain issues du lotissement de Tèrèkoungo est fixé à 500 000 FCFA par lot. Afin de s’assurer du reversement intégral des produits issus dudit lotissement, l’équipe de vérification a examiné les documents relatifs à la cession des parcelles de terrain et les pièces justificatives du reversement des produits de cessions. À l’issue de ses travaux, l’équipe de vérification a constaté que le Maire n’a pas exigé le recouvrement de l’intégralité des produits issus des cessions de parcelles de terrain à usage d’habitation de la période sous revue. En effet, sur un montant dû de 99 189 450 FCFA, il n’a été reversé dans les comptes de la Commune que la somme de 54 273 950 FCFA. L’écart non-reversé s’élève à 44 915 500 FCFA.
Mme le Maire et le Régisseur n’ont pas recouvré des taxes communales
Pour s’assurer du respect des dispositions des clauses contractuelles, l’équipe de vérification a rapproché les montants des taxes municipales mentionnés dans les contrats à ceux versés par les deux (2) GIEs à la Régie de recettes au cours de la période sous revue. Du coup, l’équipe de vérification a constaté que le Maire et le Régisseur de recettes Sinaly Tièba n’ont pas recouvré la totalité du montant dû au titre des taxes municipales de sortie des véhicules au niveau des postes de contrôle de Sienso et Térèkoungo et des taxes sur charrettes foraines et charrettes à bras. En effet, ils ont recouvré un montant de 161 878 000 FCFA sur un total dû de 165 900 000 FCFA, soit un reliquat non recouvré de 4 022 000 FCFA. Il ressort que Mme le Maire n’a pris aucune disposition pour résilier les contrats et recouvrer les taxes dues.
Par ailleurs, le Maire et le Chef du Bureau Spécialisé des Domaines et du Cadastre auprès de la CUS ont délivré des Concessions Urbaines à usage d’Habitation sans percevoir des taxes sur les frais d’édilité.
En la matière, l’article 7 du Décret n°02-112/P-RM du 06 mars 2002 déterminant les formes et conditions d’attribution des terrains du domaine privé immobilier des Collectivités Territoriales est clair : « les frais d’édilité sont fixés par l’autorité municipale et payés à leur caisse. Après paiement, celle-ci délivre une quittance au bénéficiaire… Et après inscription, il établit en double la copie de la concession urbaine d’habitation à soumettre à la signature du Maire. A l’occasion de cet enregistrement, il est perçu au profit du budget national en sus des frais d’édilité, un droit égal à 10% de ceux-ci. »
En effet, suivant le PV de la session ordinaire du Conseil communal du 27 juin 2019, le prix unitaire de cession des parcelles de terrain issues du lotissement de Tèrèkoungo de San est fixé à 500 000 FCFA par lot. Pour s’assurer du respect des dispositions ci-dessus, l’équipe de vérification a examiné les quittances et les états de reversement du Régisseur de recettes au Receveur-percepteur. Elle a ensuite procédé à l’inventaire des Concessions Urbaines à usage d’Habitation (CUH) à partir du registre tenu par le Bureau Spécialisé des Domaines. Il ressort que durant la période sous revue, le Maire et le Chef du Bureau Spécialisé des Domaines et du Cadastre auprès de la CUS ont délivré 212 CUH sans le paiement des taxes sur les frais d’édilité d’un montant total de 10 600 000 FCFA.
Mme le Maire n’a pas justifié l’utilisation du carburant acheté
Décidément, à la Mairie de la commune urbaine de San, les textes ne sont pas respectés. Cela s’explique par le manquement à plusieurs dispositions comme l’article 79, alinéa 4 de la Loi n°2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, relative aux lois de finances ainsi que la Loi n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant Code des Collectivités Territoriales qui dispose aussi en son article 60 que « les fonctions de Maire sont gratuites et que des indemnités de représentation et de fonction lui sont accordées, conformément aux textes en vigueur ». Cependant, ces indemnités de représentation et de fonctions sont fixées respectivement par le Décret n°06-364/P-RM du 12 septembre 2006 et l’Arrêté n°06-2597/ MATCL-SG du 02 novembre 2006. À cela s’ajoute l’article 2 du Décret n°2019-0119/P-RM du 22 février 2019 portant Réglementation de la comptabilité-matières qui dispose que « la comptabilité matières a pour objet le recensement et le suivi comptable de tout bien meuble et immeuble et bien incorporel, propriété ou possession de l’Etat, des Collectivités territoriales ».
Afin de s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a procédé à l’examen des pièces justificatives des dépenses en carburant durant la période sous revue. Elle a malheureusement constaté que la Mairesse Félicité Diarra de la Commune de San n’a pas justifié l’utilisation du carburant acheté. Elle n’a ni fourni de délibération du Conseil communal, ni de décision affectant le carburant à son personnel, ni d’état de répartition de carburant, de subvention ou d’aide à d’autres Administrations locales. Non plus, elle n’a pas fourni d’ordre de mission justifiant les dépenses en carburant. Le montant total des dépenses en carburant non justifiées s’élève à 23 511 325 FCFA.
Le Chef du Centre des Impôts de San n’a pas recouvré les droits de patente sur des marchés publics
L’article 144 de la Loi n°06-067, modifiée, portant Code Général des Impôts, en son paragraphe 3, dispose qu’en aucun cas, « le droit proportionnel ne peut être inférieur au quart du droit fixe ». Aussi, l’article 84 de la Loi n°06-068 du 29 décembre 2006 portant Livre de procédure fiscale, modifiée, dispose que « les contribuables qui entreprennent une profession assujettie à la patente sont tenus d’en faire la déclaration par écrit au service d’assiette compétent, dans les dix jours de l’opération. Le défaut de déclaration dans le délai susvisé est sanctionné par une amende égale au montant des droits de patente dus dans les conditions de droit commun… ».
Pour s’assurer du respect des dispositions ci-dessus, l’équipe de vérification a eu des entrevues avec le Chef du Centre des Impôts de San, le Secrétaire général et a procédé à l’examen des marchés. Contre toute attente, elle a constaté que les droits de patente sur les marchés publics et les amendes y afférentes n’ont pas été recouvrés sur les entrepreneurs bénéficiaires de marchés. De plus, trois (3) entrepreneurs n’ont pas procédé à la déclaration desdits impôts. Aussi le Centre des impôts, bien qu’ayant enregistré les marchés, n’a pas non plus recouvré le montant des droits et amendes. Le montant des droits et amendes, non-recouvré s’élève à 1 798 796 FCFA.
Autant de pratiques qui sont à l’origine des irrégularités financières de 84,84 millions FCFA à la Mairie de la Commune urbaine de San. D’où la situation inconfortable de Mme la mairesse, Félicité Diarra et sa bande. Et depuis la transmission et la dénonciation de faits par le Vérificateur général au Pôle économique et financier, c’est le sauve-qui-peut général, à la municipalité de San.
Adama Coulibaly
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