Le déni de droit est pire que l’injustice, il détruit l’âme citoyenne, détruit la société et sème la violence !
Le Mali est au bord de la rupture, jamais les Maliens ne se sont autant mobilisés contre un pouvoir que celui du régime IBK. Les révoltes populaires, trouvent leur source dans la révolution intellectuelle silencieuse que le pays connait et dans l’implication pratique des acteurs majeurs de la société civile comme de partis politiques, qui se sont constamment mobilisés en sillonnant inlassablement le territoire national par l’organisation de débats directs avec les populations, dans le but de leur conscientisation autour de l’idée de veille citoyenne ou de partage de programme.
Le 2 juin 2018, des milliers de Maliens ont été empêchés de marcher pour protester contre la mainmise du pouvoir sur l’ORTM, contre les coupures d’électricité et le manque d’eau… pour revendiquer la transparence des élections.
Le 03 juin un commissariat de police à Ségou a été brulé par des manifestants en signe de protestation contre la répression de la marche de l’opposition à Bamako.
Ces mouvements de protestations surviennent après ceux mémorables de la « Plateforme Antè A Bana, Touche pas à ma Constitution » de l’année 2017. Ils font suite à une proposition de révision constitutionnelle sans aucune concertation nationale préalable.
Les manifestations de ces derniers jours, prolongent depuis peu, les différentes marches et assemblées générales du Collectif des régions non opérationnelles depuis deux ans à travers le pays de Bougouni, Koutiala, Nioro, Kita, Bandiagara Dioila à Bamako, ce collectif menace de vote-sanction contre le candidat Ibrahim Boubacar Keita.
Ailleurs dans le pays, devant l’instrumentalisation des soutiens électoraux téléguidés depuis le Palais, les villes et les populations protestent. Ce fut le cas, le 5 avril 2018, de la grande mobilisation des populations de Kenieba contre le mensonge orchestré autour des soutiens fictifs des chefs traditionnels à un pouvoir qui divise toutes les structures crédibles dans le pays.
A Sadiola ce fut la révolte contre le manque d’eau, la vie chère somme toute le malvivre des populations.
A Bougoula le 29 mai dernier dans le cercle de Yanfolila, les populations se révoltent contre les conditions d’exploitation d’une mine d’or.
A Fana les populations ont brulé les locaux de la gendarmerie pour protester contre l’assassinat d’une enfant albinos presque arrachée des mains de sa mère.
Partout dans le pays la révolte gronde, les communauté s’organisent et font face à l’Etat que la gouvernance IBK a davantage désacralisé et dépouillé l’Etat de son manteau de respect et de considération.
Il s’y ajoute que la déconfiture de la légitimité des autorités traditionnelles et religieuses, qui en résulte paradoxalement, a favorisé la multiplicité des groupes armés communautaires entre autres.
Du nord au Centre du pays, derrière les étiquetés politique, militaires ou religieuse de ces derniers, on peut aisément percevoir un affrontement intercommunautaire des plus intenses, voire des affrontements pour le tracé de nouvelles frontières internes.
Totalement assiégé par une gestion familiale, l’Etat a perdu sa force républicaine et fait face à des révoltes populaires de plus en plus incisives.
C’est un truisme que de dire que pendant ce temps, la gouvernance du président sortant a conduit le pays dans un cul-de-sac. Au plan politique les institutions publiques sont devenues des coquilles vides intellectuellement corrompues.
Le régime qui ne peut même plus sauver les apparences, se plait dans une caricature de démocratie. Cette caricature est illustrée par l’asservissement du personnel qu’il place à la tête des institutions. Par exemple, le chef du pouvoir législatif dépendant et inféodé à la famille, ne peut être qu’un auxiliaire. Dès lors, la mission parlementaire est neutralisée.
Cet asservissement des institutions est amplifié par la Patrimonialisation de l’Etat qui a conduit à la clochardisation de l’Administration dans laquelle l’allégeance a remplacé de la légalité. Cette ambiance que la gestion patrimoniale fait régner dans l’Administration explique en ce lieu le règne de l’informel.
Les cadres organiques n’étant plus respectés, sinistrée de ses cadres professionnels, l’administration malienne évolue à l’ère des journaliers pour ainsi dire.
D’un tel contexte, il résulte une crise de la représentation véritablement démocratique pour limiter les dégâts de la gestion actuelle. Les institutions se résumant à des hommes qui les incarnent, il s’installe une privatisation des fonctions publiques et politiques. Il se dégage du système ainsi en place, une odeur de privatisation sectorielle des services publics du fait de la politique d’épuration administrative.
La situation de l’ORTM (Office de Radiotélévision du Mali) en est l’illustration la plus parfaite. Cette boite noire de notre démocratie, fournit l’occasion de reclientéliser le personnel administratif, en insécurisant les fonctionnaires, et en les obligeant à quêter des protections auprès des leaders patrimoniaux liés au système la « Famille d’abord ».
Toutes les analyses sur le Mali montrent que la clientélisation du personnel administratif a atteint un point tel qu’aucune nomination ne peut avoir lieu, à aucun endroit de l’administration, sans avoir été voulue ou agréée par les leaders patrimoniaux totalement asservis par la famille.
En fait, la démarche de privatisation conduit à l’autonomisation des « Administrations » et à la formation des réseaux plus ou moins mafieux.
Parmi les effets délétères de cette logique particulariste sur l’action administrative se trouve l’absence d’un univers national commun à cette action.
Cette absence traduit le défaut d’un projet national commun, dans lequel les Maliens sont invités à se reconnaître, et auquel ils peuvent s’identifier. Tous les observateurs de notre vie politique dénoncent ou regrettent cet état de fait.
Les différents secteurs de l’Administration ne reconnaissent plus des impératifs nationaux auxquels leur action doit être soumise. La logique particulariste, voire communautaire opère dorénavant dans le cadre d’une administration qui ne répond que virtuellement de ses actes devant une autorité centrale.
Elle paraît être faite de fiefs autonomes qui maintiennent avec l’autorité centrale des rapports distendus, et dans lesquels les logiques particularistes et patrimoniales sont et/ou font la norme. C’est le cas lorsqu’un ancien ministre se dit censuré pendant quatre ans durant le Conseil des ministres par la Radiotélévision nationale l’ORTM.
A cela il faut ajouter le fait que le fonctionnement de l’Administration dans son ensemble paraît aussi obéir à une logique de réseaux. Des individus se sentant suffisamment forts se donnent les moyens de former un réseau et soumettre l’Administration, ou un secteur de l’Administration à leurs volontés.
Ils peuvent au mieux réorienter son activité pour la rendre conforme à leurs intérêts du moment. De toute évidence, ils constituent un réseau de malfaiteurs. C’est ce qui explique la montée vertigineuse de la corruption, de l’augmentation sans commune mesure des coûts des marchés publics.
Le constat est amer, cinq ans après l’autopsie du régime laisse découvrir une véritable conjuration hétéroclite sans audience et sans autorité qu’on appelle encore au Mali, « Etat » que le peuple n’écoute plus, ne respecte plus, et ne manque aucune occasion pour lui administrer une gifle.
Les différentes révoltes manifestations, ou chasse aux agents de l’administration (juges ou préfets) en donne la preuve.
Les quatre plaies qui minent le Mali sous IBK : la corruption, l’inefficacité de l’administration, le mensonge d’Etat érigé en système, l’inertie et l’immobilisme à la tête du pays, ont fini par dépouiller l’Etat de ce qui lui restait de manteau de respect et de considération.
De ce qui précède, l’autorité est en panne. Au lendemain des évènements de Kidal en 2014, le chef de l’Etat disait »…Je n’ai jamais décidé que l’Armée intervienne à Kidal ». C’est la première fois dans l’histoire de notre pays que le chef suprême de l’Armée se décharge sur ses troupes, mobilise la population contre elle pour sa seule survie politique. On connait la suite sur le mental de l’Armée en particulier sur le moral des troupes, des parents et de la société.
Dans un pays lorsque les supérieurs n’assument pas les fautes ou les erreurs des subordonnés, le sens de l’honneur et de la dignité est perdu. C’est dire que les dégâts du pouvoir IBK vont plus loin et affectent de plusieurs façons notre société.
En effet, devant ce désaveu de l’Etat, même ceux à qui il revenait communément de prendre la parole, ne le font plus, par crainte d’être insulté par ce bataillon d’inconnus qui dictent sa loi par les réseaux sociaux.
Les grandes familles traditionnelles et religieuses et les valeurs morales qui vont avec dans notre pays, perdent pied dans leur propre environnement, parce que certains de leurs membres eux-mêmes ont usé du mensonge pour installer le pouvoir actuel en place.
C’est le signe de la grande menace qui guette le pays au-delà du régime qui déjà est en proie en de révoltes populaires sur l’ensemble du territoire.
Le Mali est au bord de la rupture, jamais les Maliens ne se sont autant mobilisés contre un pouvoir que celui du régime IBK. Les révoltes populaires, trouvent leur source dans la révolution intellectuelle silencieuse que le pays connait et dans l’implication pratique des acteurs majeurs de la société civile comme de partis politiques, qui se sont constamment mobilisés en sillonnant inlassablement le territoire national par l’organisation de débats directs avec les populations, dans le but de leur conscientisation autour de l’idée de veille citoyenne ou de partage de programme.
Face à ce réveil citoyen, l’autoglorification dans l’échec est devenue l’exercice favori, voire thérapeutique du pouvoir IBK, elle est ponctuée d’une campagne dirigée contre les élites politiques dans le but de créer l’amalgame, mais dont les avatars s’inscrivent dans une opération d’autodestruction, pire une déconstruction de la nation. Le pouvoir IBK qui se livre à ce jeu a manifestement une piètre lecture de la société malienne.
En effet en 2013, c’est moins de 25% du corps électoral qui a participé aux élections et leur manipulation diverse. Le reste du pays est resté à l’écart de ce jeu trouble. On peut sans risque de se tromper dire que les stratégies d’affaiblissement de la société n’ont pas encore réussi.
Le Mali profond a observé et s’est signalé par son mépris, les forces représentatives se serrent les rangs dans l’honneur et la dignité. Elles sont aujourd’hui dans la révolte contre le pouvoir IBK qui a définitivement perdu la commande du Mali.
Souleymane Koné
Ancien Ambassadeur
Source: L’ Aube