Dans la bataille pour la primature, le parti majoritaire sort les mains vides.
Et quand je dis vides, je veux dire vides !
Dans une démocratie semi-parlementaire comme la nôtre, le Premier Ministre est censé émaner de la majorité parlementaire. Du moins sur le papier. C’est d’ailleurs le rêve que caressait le RPM lorsqu’il se battait comme un beau diable pour dégommer Oumar Tatam Ly du paysage. Ly a, certes, rendu le tablier, mais le RPM ne l’emportera pas au Paradis, inch Allah: au lieu d’un cadre sorti de ses rangs, il voit le pompon primatorial raflé par un concurrent politique de longue date : Moussa Mara. Il y a là, pour un tisserand, de quoi perdre sa quénouille et son métier à tisser
En vérité, le RPM aurait dû se souvenir de la jurisprudence établie par le président Konaré et son successeur, le « Vieux Commando ». Jamais un président malien n’a respecté le fait majoritaire; tous les présidents ont, au contraire, tiré les premiers ministres de leur chapeau magique sans en référer à quelque parti politique que ce soit. Le « Vieux Commando », qui n’avait pas de parti, a même eu la riche idée de nommer à la tête du gouvernement une bonne ménagère surgie tout droit des cuisines !
Question: que pourra le RPM contre la volonté souveraine de Ladji Bourama ?
Rien, pardi! Les députés, comme aiu bon vieux temps, approuveront des deux pieds et des deux mains la Déclaration de politique générale de Moussa Mara. Ont-ils, au demeurant, la capacité de lire d’un bout à l’autre la moindre Déclaration ? Ce qu’ils savent, eux, c’est qu’une dissolution du parlement ne laisserait aucune chance à un député rebelle de rempiler et qu’alors, bonjour la faim et la soif ! Tout ce que le RPM peut, à présent, espérer, c’est de croiser les doigts et de prier le bon Dieu pour parvenir à caser le maximum de ses militants aux postes juteux de l’administration. Sur ce registre, Mara, en fin politique, se révélera sans doute plus souple que son prédécesseur. On n’oubliera pas, en effet, qu’Oumar Tatam Ly, tout imbu des théories de transparence apprises à la BCEAO, avait rageusement jeté à la poubelle l’interminable liste de chercheurs d’emploi que lui avait nuitamment soumise le parti. « Tous les postes seront soumis à compétition », avait martelé le cher monsieur Ly qui, visiblement, confondait la patrie de Soundjata Kéita avec la Norvège ou le Danemark. Sa chute n’en sera que plus brutale ! Mais il a chuté avec un certain panache car, comme nous le rapportons, jamais avant lui, un Premier Ministre n’avait véritablement démissionné. Tous s’étaient accrochés au poste – fort vitamineux, il est vrai ! – jusqu’à ce que l’hôte de Koulouba leur donne un vigoureux coup de balai.
Si Ladji Bourama prend son parti pour une tasse de haricots, il doit avoir de sérieuses raisons de le faire.
N’est-ce pas lui qui l’a créé ? Ne l’a-t-il pas dirigé jusqu’à son élection à Koulouba ? Ce qui se murmure de bouche à oreille, c’est que le parti était mort de sa belle mort depuis belle lurette. Ses plus gros crocodiles ( et ils sont nombreux!) n’attendaient que la défaite de Ladji Bourama à la présidentielle pour migrer, avec fourchettes et cuillères, vers des mares plus clémentes. Le bruit a même couru qu’ils voulaient destituer le pauvre Ladji de la tête du parti pour investir un autre candidat. Il a fallu un sacré coup de pouce d’Allahsoubahana wa tallah pour hisser Ladji Bourama au sommet pour qu’il mette en œuvre son doux projet d’honneur du Mali et de bonheur des Maliens. Pourrait-on, dès lors, reprocher à ce miraculé de lâcher le parti au milieu du gué ? En portant son choix sur Mara, Ladji se donne une chance de se reposer, lui qui n’a cessé de donner des coups depuis septembre 2013 et, en retour, de recevoir de lourdes tuiles sur son bonnet. Il pose aussi, peut-être, la première pierre d’un vaste mouvement qui regrouperait le RPM (ou sa frange loyaliste), le parti « Yelema » de Mara, l’Adema (toujours prompte à bondir sur la sauce!) et la foule de transhumants qui attendent depuis des mois qu’on leur serve un peu de soupe.
Choisi au pied levé, Mara n’aura pas franchement la haute main sur les hommes de son équipe car c’est pour avoir voulu les sélectionner que Tatam Ly a dû quitter le navire.
Mara devra éviter les écueils, le plus tranchant étant, bien entendu, l’objectif de second mandat de son chef. A 39 ans, il peut bien patienter, n’est-ce pas ? D’autant qu’à la primature, il ne vivra pas de mil rouge ! Il devra également songer à donner à manger au bon peuple. Car tous tant que nous sommes, nous crevons de faim, journalistes comme lecteurs. Et nous ne voyons même plus le diable pour lui tirer la queue. Pis, nous avons perdu l’espoir de voir un jour le diable et sa fameuse queue depuis que les 3 milliards d’euros promis par les bailleurs de fonds ont pris des chemins de traverse au lieu d’atterrir une bonne fois dans nos caisses. Personnellement, j’avais cru que les 3 milliards auraient, à l’exemple de l’argent issu de la vente de la Sotelma, fait l’objet d’un partage télévisé et que les journalistes comme moi s’en seraient tirés avec un gâteau couvert de beurre blanc. Il n’en fut rien. Pour ne rien arranger, voilà nos marchés qui prennent mystérieusement feu et ces compères du « Monde » qui se paient notre tête avec des histoires de mafia et de parrains !
Tiékorobani