La commission des bons offices qui avait obtenu des dix neufs candidats aux primaires de l’Adema de se désister a surpris mercredi soir. Le verdict d’autorités morales reconnues dont Mohamedoun Dicko, Adama Samassekou et Birama Diakité « Tekoun » a en effet retenu Dramane Dembélé comme candidat de la Ruche à la prochaine présidentielle. Un choix qui n’est pas rien, l’Adema étant le plus grand parti du pays et son candidat étant normalement fort de cette position.
Adam Thiam
Il est vrai que le choix de l’heureux candidat reste à être validé par la Conférence nationale du parti attendue ce dimanche. Mais sauf grave séisme moral remettant en cause l’intégrité du processus ayant abouti à la désignation de Dembélé, la messe est normalement dite. La Commission avait mandat de désigner, les candidats désistés étaient d’accord de s’aligner sur sa décision et le comité directeur des abeilles a, tout de suite, acclamé la décision. Pourtant, a posteriori, le choix des sages ne manquera pas de remettre en débat les vingt et un critères qui ont « imposé » Dramane Dembélé, ingénieur, grand cadre de l’Etat et ancien militant de l’Aeem. Car, il est bien plus clair après coup que l’écrasante majorité des candidats allaient à l’abattoir avec des clauses taillées sur mesure et que les rares rescapés de ce premier coup de balai allaient échapper difficilement au critère du « sang nouveau ». Donc, la pertinente question de la relève des générations qui ne semble pas avoir été une préoccupation réfléchie et intégrée de l’Adema, autrement que par ce que Dioncounda Traoré, le candidat de 2012 envisageait lui-même : passer la main après un mandat de cinq ans, s’il était élu. Le 22 mars s’est invité entretemps, montrant jusqu’où notre démocratie était nue sous ses habits et jusqu’où nous nous sommes joués de nos garde-fous et de nos sentinelles. La pseudo-révolution a été certes torpillée par des pseudo-révolutionnaires mais l’appel d’air frais était perceptible, y compris dans nos familles et par nos enfants. C’est la somme de ceux-ci, il ne faut pas l’oublier, qui crée le défi démographique et sociologique qui est, par essence, un défi politique pressant, parce que les attentes de cette couche sont légitimes alors que la mobilité sociale est réduite justement parce que l’ascenseur républicain lui paraît bloquée. Est-ce le problème que la Commission des bons offices de l’Adema a cherché à anticiper ? Ou est ce parce que les « commissions ont payé le bon office », une manière peut-être cruelle de poser publiquement la question qui taraude ? Dans tous les cas, Dramane Dembelé qui n’est pas encore révélé et qui ne doit pas être méprisé à l’âge et l’énergie du défi, c’est-à-dire l’enthousiasme pour un pays à reformater par endroits et reconstruire en d’autres. A 46 ans, s’il est élu, il sera d’un an l’aîné d’Alpha Oumar Konaré à l’accession de celui-ci à la magistrature suprême en 1992. Son problème cependant est que de Konaré il n’aura pas eu l’exceptionnelle précocité du parcours, pas davantage le crédit ou le viatique. Il vient en plus dans un contexte de sévères désillusions où l’étiquette de la clandestinité politique ou du militantisme estudiantin qui a fabriqué la première nomenklatura de la 3è République ne veut plus rien dire au nouveau Saint Thomas qu’est devenu le Malien. Grand problème donc pour le poulain de la Ruche qui pourrait avoir une courte source d’inspiration : Barack Obama dont il sera le « cadet électoral » d’un an s’il est élu. Comme Obama, Dembélé n’est pas un apparatchik. Mais contrairement à Obama qui incarnait le pari d’un parti qui se projetait déjà dans l’Amérique post raciale, le phénomène Dembélé ici doit être construit. Et la réflexion stratégique n’est plus le point fort de l’Adema son parti qui avait tout et a encore beaucoup pour être le ferment d’une société de progrès et principes mais qui est restée dans le confort illusoire et fermé des prébendes. Faisant ainsi de son plus grand défi, non de se choisir Dembélé comme porte-étendard à des élections dont la portée stratégique est évidente, mais de faire de lui le troisième président élu de la troisième République.
Adam Thiam