Ces derniers temps, de malins esprits e sont amusés en faisant la compilation d’anciennes déclarations au vitriol de Choguel Maïga contre le CNSP du colonel Assimi Goïta avec surtout son insistance pour l’organisation d’élections et le passage du pouvoir aux civils. Une façon pour eux de faire ressortir les contradictions de l’actuel Premier ministre, notamment dans ses propos d’hier et ceux d’aujourd’hui. Des déclarations que tout oppose et qui suscitent réflexion du sens de la parole publique, au-delà même du personnage de Choguel Maïga.
Même si nous réfutons l’idée de rappeler à Choguel Kokala Maïga ces déclarations d’il y a seulement quelques mois pour le déstabiliser dans ses fonctions de Premier ministre, son cas mérite quand même réflexion quant aux prises de positions déroutantes des responsables politiques de ce pays. Les leaders politiques sont comme étoiles qui brillent pour permettre à ceux qui croient en eux de s’orienter. S’il faut les laisser s’enfoncer vers le nord pour le dire au dernier moment que c’est le contraire, notamment la direction sud, on voit bien que cela pose problème.
En écoutant et réécoutant les propos que tenait Choguel Maïga en tant qu’un des leaders du M5-RFP, à l’encontre “des colonels qui distribuent des forages”, ce qui relève de “pratiques d’un autre âge”, disait-il, parce que “leur place serait au front pour s’occuper de sécurité” ajoutait-il, entre autres déclarations incendiaires, on ne peut que se demander si, réellement, l’un des grands problèmes du Mali ne résiderait-il pas dans sa classe politique dont Choguel Maïga en constitue aujourd’hui un des parfaits échantillons.
Après avoir récusé les militaires au pouvoir et exiger que ledit pouvoir soit transmis aux civils hic et nunc, devenant pendant un temps l’un des interlocuteurs privilégiés du Médiateur de la Cédéao, pour faire pression sur le Comité national de salut du peuple (Cnsp) auteur du coup d’Etat contre le président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), Choguel Maïga deviendra, quelques mois après, l’un des ardents défenseurs de la prolongation de la Transition sous le colonel Assimi Goïta. Mieux, il devient le Premier ministre sous les ordres de ce colonel.
Ensuite, le Conseil national de transition jugé structure illégale et dont sa dissolution était demandée par le M5-RFP par la voix de Choguel Maïga, est devenu tout d’un coup tellement légal que le même Choguel était obligé de se présenter devant ce pouvoir législatif de la Transition afin de solliciter son accompagnement dans ses fonctions de Premier ministre, à travers l’adoption de son programme d’action gouvernemental.
Par ailleurs, tout le monde connaît son hostilité déclarée à l’Accord pour la paix et la stabilité issu du processus d’Alger. Accord qu’il n’a cessé de brocarder, non seulement par écrit, mais sur tous les plateaux de télévision, à chaque fois que l’occasion lui en a été donnée. Mais devenu Premier ministre, il a vite changé de discours pour s’inscrire dans la dynamique de l’application dudit accord.
Alors, à quel Choguel faut-il se fier ? L’homme politique qui harangue les foules avec des déclarations au vitriol contre les militaires au pouvoir ou le Premier ministre et propagandiste du pouvoir contrôlé par les mêmes militaires ? Son discours a véritablement changé depuis qu’il est devenu Premier ministre. Il a désormais adoubé ce qu’il a toujours déclaré abhorrer.
A sa décharge, reconnaissons la pertinence de l’adage qui enseigne que “seuls les imbéciles ne changent pas”. Mais ce serait facile, si facile, trop facile d’ailleurs, si les “tchou” d’hier devenus les “tcha” d’aujourd’hui sont tout simplement rangés dans les placards des oubliettes, sans que ne s’y penchent les sociologues, communicateurs et autres spécialistes pour essayer d’en tirer des enseignements utiles à la marche du Mali vers le progrès multidimensionnel.
C’est important puisque nous sommes en période de profonde introspection pour la refondation du Mali. Dans cet élan, aucun sujet ne doit être tabou, si tant bien il peut contribuer à rendre plus exact le diagnostic du mal national à soigner et qu’il faille attaquer à la racine.
En d’autres termes, nous devons revenir aux fondamentaux qui réservent une place importante à la parole quasi sacrée, obligeant tout un chacun à remuer la langue sept fois dans la bouche avant de parler, pour ne pas être rattrapé par ses propos. Cela, nous devons l’enseigner à nos enfants, comme nous l’avait inculqué nos parents à nous, que nous trahissons malheureusement par nos comportements dont le manque de principes et de valeurs sacrifiés à l’autel du profit et de la gloire personnels. Nos parents nous ont enseignés que notre profonde conviction est véhiculée par nos propos dont la teneur reste solide, si solide qu’elle ne risque pas de tourner au gré du vent.
Doit-on faire comprendre à nos enfants qu’être un homme politique au Mali équivaut à dire aujourd’hui ce qu’on ne fera pas demain ou à promettre ce que l’on ne réalisera jamais ? Doit-on formater les attitudes et comportements par des discours d’aujourd’hui pour tenter ensuite de les déconstruire par des discours diamétralement opposés aux premiers ? Ceux qui, par un concours de circonstances se sont hissés au rang de “grandes gueules de la République” doivent se rappeler que la parole s’envole, mais le contenu reste. Et les marxistes savaient si bien dire que les mots construisent des idées devenant des forces matérielles pour pénétrer les masses. Tout ceci pour rappeler l’importance de la parole, surtout celle prononcée de façon publique et solennelle par des femmes et des hommes considérés comme les grands repères par la jeunesse de la nation.
Pour le cas de Choguel, la plus simple leçon que nous allons retenir de ses déclarations contradictoires, c’est de nous suffire de cette maxime, minimaliste du reste : “On pense autrement dans un château que dans une chaumière !”
Amadou Bamba NIANG