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CE QU’IL FAUT QUE VOUS SACHIEZ… La nouvelle éthique mondiale, un défi pour les croyants africains

« La Nouvelle éthique Mondiale : défis pour l’Eglise » (2006) et « Le Citoyen et la Personne : rébellion et réconciliation » (2014) sont deux opuscules de Marguerite A. Peeters qui traitent de graves questions mises à l’agenda mondial. Les Africains embrassent souvent et sans (toujours) le savoir ce que les Occidentaux véhiculent et qui ne concordent pas forcement avec ce qui est vécu sous les tropiques. Comment faire ? Eléments de compréhension de problèmes complexes et connexes.

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Depuis plus de vingt ans, Marguerite Peeters travaille sur les questions de gender, de mondialisation, de gouvernance, de culture, etc et produit en tant qu’expert des rapports sur l’éthique mondiale.

Journaliste de formation et théologienne dans l’âme, elle a vécu en Ukraine de 1991 à 1993 la fin de la guerre froide, le traumatisme, la peur et la grande espérance car l’Occident représentait la liberté religieuse. Arrivée à Bruxelles, elle se met en relation avec la délégation du Saint Siège qui se rendait à la conférence des Nations Unies (ONU) au Caire. Nous sommes en 1994. Le Pape d’alors, Jean-Paul II, était très préoccupé par ce qui se préparait dans le pays des Pharaons. En effet, le Planning Familial (PF) exerçait son emprise sur les débats et le programme des vingt années à venir. Faut-il le rappeler : les objectifs du PF consistaient à ouvrir un accès universel à la gamme complète des contraceptifs, la procréation médicalement assistée, l’éducation sexuelle banalisée, l’avortement sans risque quel que soit l’âge ou la situation familiale. En bref, il s’agissait de mondialiser la révolution sexuelle occidentale…

 Le meurtre du père et de la mère…..

Il y a les causes lointaines. En Occident, elles remontent au XVIIIème siècle : le déisme et les « Lumières » où il faut tuer le Père en Dieu. Pour les penseurs de ce temps, Dieu n’est plus qu’un grand architecte qui se désintéresse de nous. Résultat ? Nous ne devons compter que sur nous-mêmes. Il faut donc acquérir du pouvoir. Le « meurtre du père » a une origine théologique. Le penseur Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) n’écrit-il pas : « La paternité est un privilège social contraire à l’égalité ». Conséquence de cette assertion : la démocratie s’est construite sur un citoyen individu et non pas un citoyen personne. On oppose le père au citoyen. Autre résultat. Si Dieu (père) est mort comme le claironne Nietsche (1844-1900), alors bonjour immoralité et désespoir. Même si pour le philosophe allemand, il y a le sur-homme à travers le pouvoir. Qui devient une valeur sur-éminente dans la nouvelle éthique mondiale. Ce n’est pas tout. Pour Freud, le bonheur n’est pas une valeur culturelle parce que la civilisation est répressive. D’après lui, la motivation principale de l’agir humain, c’est le plaisir et non l’Amour. Il faut donc tuer le père si l’on veut se libérer de la domination. Donc, renverser les institutions. C’est pourquoi la nouvelle éthique défend des valeurs d’égalité.

Plus proches de nous d’autres causes existent. La révolution culturelle s’invite dans les cultures occidentales afin de se « libérer des valeurs ». Ici, les objectifs se déclinent sous les modes du contrôle de la fertilité et la libération sexuelle de la femme. « Il faut libérer la femme de l’esclavage de la reproduction » revendique Margaret Sanger (1879-1966), militante anarchiste américaine et fondatrice de l’American Birth Contrôle League (ligue pour le contrôle des naissances). C’est la « Mère » du PF. Ses idées qu’une femme puisse décider de quand et comment elle serait enceinte, gagnèrent peu à peu de l’audience, tant dans le public que dans les tribunaux. De telles positions ne sont pas sans influences sur le vocabulaire. Le mot « reproduction » prend la place de « procréation » où planait un soupçon divin. Depuis, la « santé reproductive » est devenue une norme mondiale. Le droit à la contraception, défendu par l’ONU, correspond au meurtre culturel de la mère. La maternité n’est plus célébrée dans la culture occidentale. Pis, nous assistons bientôt au meurtre culturel de l’époux avec la promotion de la multiplicité des partenaires et la généralisation de la contraception. Pour boucler la boucle des petits meurtres entre amis, viennent les droits de l’enfant en tant que citoyen. Décidément, conclut Marguerite Peeters, les « ingénieurs sociaux sont des manipulateurs qui veulent amener la société à une philosophie qu’ils ont créée ».

Répercussions

Comme souligné ci-devant, les idées de l’activiste Sanger font long court dans les têtes et les institutions. Certes elles participent à une libération. Mais aussi et surtout, elles développent des coopérations qui vont retentir au delà des Amériques et de l’Europe. Des liens sont tissés avec l’ONU depuis la fin des années soixante, marginalement pendant la guerre froide. Des partenariats se sont renforcés depuis. Des organismes non gouvernementaux (ONG) ont pris du pouvoir et se sont imposées à l’ONU dans le domaine de la population. On comprend dès lors la colère d’un Jean-Paul II quand il a appris ce qui se tramait à la Conférence du Caire, à savoir imposer à tous le PF. L’Eglise catholique, marginalisé sur ses positions, a été seule dans l’Océan.

Ce n’est pas tout. Plus tard, le Sommet mondial pour le développement social de Copenhague en 1995 a révélé l’intention d’imposer une nouvelle synthèse culturelle et une nouvelle vision du monde. Dans ce but, des réseaux opérationnels d’intellectuels forgent un langage censé véhiculer tous les espoirs de l’humanité : santé, développement, environnement, etc. Ces experts (le PF, l’ONU, les mouvements féministes, certains partis politiques, les médias, etc.) ambitionnent de substituer leurs concepts à ceux de l’Eglise. Comme pour dire que le Malin singe Dieu en inversant ses valeurs, « pour détourner la civilisation de l’amour afin de créer une société sans Dieu ». L’Eglise elle-même a été surprise par cette avancée des experts, au point que de l’aveu de M. Peeters, elle a dû, pour enquêter, adopter un profil bas pendant plusieurs années…

Depuis les années quatre-vingt-dix, l’on assiste à la construction d’un consensus mondial, fondé sur une révolution culturelle, comme si la judéo-chrétienne passait la main à une civilisation post-moderne. Le signe de cette recherche de consensus est que tout doit être « pour tous » : l’éducation pour tous, le bien-être pour tous, la santé pour tous, etc. M. Peeters, qui participe à toutes ces conférences passe son temps à interviewer les experts. Il décèle dans les propos et prises de positions, des aspects systémique et holistique : un système intégré, où tout est lié par une logique interne qui implique une nouvelle vision de la société. Ainsi, sans consulter les populations, l’ONU mène à partir de 1990 une révolution politique. Qui n’est et n’a rien d’autre qu’une dimension intergouvernementale pour donner un plus grand pouvoir aux ONG. C’est ainsi que dès la conférence du Caire, le PF, Amnesty International et Greenpeace acquièrent un pouvoir politique supérieur aux gouvernements. Avec l’apparition de la « Gouvernance Mondiale » en 1994, l’ONU entend travailler en partenariat avec les ONG, les universités, les experts et les entreprises. Et cela pour dire que chacun doit appliquer dans son domaine la nouvelle éthique. Convenez alors que nous ne sommes plus en démocratie, puisqu’il y a un système au-dessus des gouvernements qui fixe des normes qui sont fabriquées ailleurs. Peu importe. Même les partis politiques se rallient, à commencer par les écolos, suivis par la gauche, puis la droite et le centre droit.

Quant aux gouvernements, ils n’ont de choix que suivre ce leadership. Tout comme les entreprises. En 1999 au Forum de Davos (Suisse), elles déclarent l’internalisation de la nouvelle éthique et s’engagent à imposer par exemple les principes du « développement durable ». Pour pouvoir vraiment modifier la mentalité des populations, il fallait gagner les religions et les cultures. A partir de 2004, une nouvelle stratégie a donc été adoptée pour changer de l’intérieur ces derniers des Mohicans et les faire passer « d’ennemis à partenaires ».

De nouveaux objectifs sont fixés jusqu’en 2015. En les lisant de très près, on constatent qu’ils évoquent « un nouveau partenariat mondial ». Il s’agirait de faire un bond en avant dans l’instauration d’un régime politique supra-national. En effet, les gouvernements se voient contraints d’obéir de plus en plus aux experts de la « gouvernance mondiale ». De solides partenariats financiers ont été noués dans cette intention avec l’Union- Européenne et les Etats-Unis-d’Amérique. De l’avis de Marguerite Peeters, « toutes ces informations peuvent donner l’impression que les choses vont très mal mais il faut avoir une vision de foi sur l’Histoire car celle-ci est menée par Dieu : plus le combat est acharné et plus la victoire sera grande ».

Ironie du sort

Côté Eglise catholique, il faut se rappeler que lors du Concile œcuménique Vatican II (11 octobre 1962 au 8 décembre 1965), les dirigeants présents (évêques, théologiens, observateurs, etc.) n’avaient eu de cesse d’identifier « les signes des temps ». Dans la Constitution Gaudium et Spes (Les joies et les peines), les 2450 pères synodaux avaient consigné comme étant des défis majeurs du temps la participation de la femme, l’égalité des hommes, la centralité de la personne, la soif de justice, d’équité, d’égalité, l’accès universel à la nourriture, au logement, au travail, la fraternité universelle, etc. Ironie du sort, tous ces éléments sont devenus des thèmes inscrits à l’agenda de la gouvernance mondiale. Pourquoi cette convergence ? Selon Marguérite Peeters, « c’est que le Démon veut toujours singer la vision de Dieu »! Il est donc urgent non seulement pour les Chrétiens, mais aussi pour les croyants d’Afrique, d’opérer un travail de discernement sur les signes des temps et de ne pas se laisser trimbaler vers une déshumanisation. Le combat est intrinsèque au langage, à la démocratie et aux droits de l’homme. On peut, en effet, interpréter les droits de l’homme d’une manière radicale ou bien avec une vision de croyant et de craignant Dieu tout court.

Le constat aujourd’hui est que soit par ignorance, soit par l’appât de gains faciles, « de nombreux gouvernements africains ont été achetés ou se sont alignés sur les idées mondialistes ». Pour Marguérite Peeters, « les pays qui résistent le plus sont les pays musulmans ». Une entité comme la Russie résiste aussi et encore mais plutôt pour des raisons familiales et religieuses. L’ignorance est un moyen de garder le pouvoir. A l’inverse, la révélation du rapport « Estrela » et une mobilisation Internet massive ont permis qu’il soit rejeté au Parlement européen. Il ne faut plus compter sur les gouvernements mais faire un travail d’éducation et parler plus de conscience. En effet, chacun a une conscience et est capable de discerner ce qui est bon pour lui, pour la société. Il faut combattre par l’éducation de la conscience de la personne : c’est une offense à la dignité de l’homme de croire qu’il n’est pas capable de discernement.

Dr Zufo Alexis Dembele,

journaliste et sociologue

Université catholique de l’Afrique de l’Ouest à Bamako

 

Source: lesechos

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