Mardi, deux des quatre Français arrêtés ont été placés en liberté provisoire, les deux autres devraient suivre. Pour l’Olucome, l’une des principales ONG de lutte contre la corruption au Burundi, il s’agit d’un cas symptomatique d’un racket organisé notamment au profit du parti au pouvoir.
Il y a quatre jours, la police du Burundi annonce en fanfare l’arrestation de quatre ressortissants français accusés d’« escroquerie, faux et usage de faux et constitution d’une société fictive ». Ils auraient été arrêtés à l’aéroport de Bujumbura alors qu’ils tentaient de fuir le pays.
Les quatre hommes et leur accompagnateur burundais, un ancien conseiller du président Pierre Nkurunziza sont tout de suite écroués dans différentes prisons du pays, réputées pour leurs conditions de détention plutôt déplorables.
Mais très vite, toute l’affaire se dégonfle. Leur avocat monte au créneau. On découvre alors qu’il s’agit d’hommes d’affaires bien connus en Afrique, dont un certain Laurent Foucher, président de Telecel Centrafrique et ambassadeur de ce pays auprès de l’ONU à Genève. Ils sont en réalité envoyés par une société basée à Hong Kong et qui a racheté dernièrement une société locale, chargée du contrôle des appels internationaux en vue de prélever une taxe gouvernementale sur les communications.
Problème, la société hongkongaise qui détient 74% des parts n’a jamais reçu le moindre sou de son agence locale, contrôlé par des caciques du parti au pouvoir proche du sommet de l’Etat, qui ne veulent rien entendre.
Aujourd’hui, l’affaire a pris de telles proportions diplomatiques et dans la presse, que ceux qui sont derrière l’arrestation des quatre hommes d’affaires français « sont obligés de faire marche arrière », selon une source administrative haut placée.
Deux sont déjà en liberté provisoire, les deux autres devraient suivre dans la matinée de ce mercredi. « Les responsables de ce fiasco essaient d’y mettre des formes pour tenter de sauver la face », selon notre source, qui parle d’« une opération catastrophe ».
« Pour faire peur »
Le président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques au Burundi n’est pas surpris par la tournure prise par les évènements. Gabriel Rufyiri pense en effet que l’arrestation des quatre hommes et leur emprisonnement visaient à leur faire peur, pour qu’ils renoncent à leurs droits.
« C’est juste pour les intimider pour qu’ils ne suivent pas le dossier en rapport avec les dividendes, pour les terroriser afin qu’ils renoncent à demander leur dû », dit-il.
Il dénonce une affaire qui met à nu selon lui « un racket généralisé » au profit du parti au pouvoir et des plus hautes autorités de l’Etat, qui sont prêtes à tout pour préserver leurs intérêts, et il parle d’un scandale qui envoie un mauvais signal aux investisseurs.
« C’est très difficile quand un investisseur étranger, honnête, vient investir dans un pays où les sociétés sont volées au vu et au su de tout le monde. C’est clair que c’est presque un message qui vient d’être donné aux investisseurs étrangers pour leur dire : ne venez plus au Burundi », reprend le président de l’Olucome.
Aucun responsable burundais n’a voulu jusqu’ici s’exprimer publiquement sur l’arrestation des quatre hommes. Gabriel Rufyiri appelle le gouvernement à sortir de son silence et tirer au clair une affaire qui jette le discrédit sur le pouvoir burundais, selon lui.
RFI