De la pauvreté à l’opulence en Afrique, Bougadari donne sa recette dans un livre. A cheval entre le Canada et son Mali natal, le politologue Bougadari SANOGO, vient de publier un recueil intitulé « Comment sortir de la Pauvreté ? ». Pour vous donner un avant-goût, nous lui avions posé quelques questions. Dans cet entretien, Bouga, comme le surnomment les intimes, nous parle de la situation de nos Etats-nations postcoloniaux.
Le Serment Du Mali : Qui êtes-vous pour nos lecteurs.
Bougadari SANOGO : Je me nomme Bougadari Sanogo, frère cadet de Mamadou Sanogo, promoteur de l’hôtel Dafina, sise à Quinzambougou. Je suis politologue, spécialisé en relations internationales, politique étrangère, coopération et développement. J’exerce auprès d’Immigration Canada, les fonctions d’interprète en bambara, Dioula et Malinké vers le français. Je collabore aussi avec le mythique Club Balattou de Montréal. Je réside à Montréal au Canada, depuis plus d’une trentaine d’années. Pour ne pas perdre le fil avec les réalités socioculturelles, politiques et économiques du pays, je fais la navette entre, le Mali qui m’est très cher et le Canada, mon pays d’adoption.
Le serment du Mali : Pour rester dans le vif du sujet, comment l’idée vous est-elle venue d’écrire ce livre ?
Bougadari SANOGO : Il faut dire que j’ai toujours été frappé et scandalisé de voir le niveau de précarité dans lequel vit la quasi-totalité du peuple africain, en général, et celui du Mali en particulier.
Alors, ayant analysé la problématique sur plusieurs angles, j’ai fini par croire qu’il y a encore de l’espoir pour nous de relever le défi de l’amélioration des conditions de vie de nos peuples africains pour un bien-être partagé. C’est ainsi que, comme sujet de ma thèse au PHD, je n’ai pas trouvé mieux que de m’attaquer à ce fléau qu’est la pauvreté. Voilà comment de fil en aiguille, j’ai écrit ce livre intitulé « Comment sortir de la pauvreté ? »
Le Serment Du Mali : Avant de nous expliquer les thématiques abordées dans ce livre, à qui l’aviez-vous dédicacé ?
Bougadari SANOGO : Très bonne question. Ce livre, j’ai bien voulu le dédicacé principalement aux industries CAMA (Canada/Mali) et à son Président maître Philip Schneider. Ce monsieur m’a guidé les pas, m’a éclairé, il est le bâtisseur du pont entre le Canada et le Mali. C’est à ce titre que, je lui suis reconnaissant pour son amour pour l’Afrique. J’implore Dieu afin que l’esprit de nos ancêtres de la Charte de Kouroukan Fuga veille sur lui. Amen !
Le Serment Du Mali : Quels sont les grands thèmes que vous abordez dans ce livre ?
Bougadari SANOGO : Ce livre comprend quatre chapitres. Dans le chapitre I, Qui s’intéresse aux origines de l’Etat du Mali, je parle de la Charte de Kouroukan Fuga, le traité de Westphalie, la conférence de Berlin. Enfin, j’établis le lien entre ces trois entités.
Le second chapitre explique la crise de l’Etat contemporain du Mali. Et là, j’analyse les raisons structurelles de la crise, les raisons géostratégiques, la gestion de la crise et l’opération Serval.
Le troisième chapitre traite des questions sécuritaires. Il présente d’abord le lien entre sécurité et développement, ensuite pose la question de savoir si l’insécurité est-elle la cause de la pauvreté au Mali.
Le dernier chapitre traite des perspectives d’avenir de l’Etat du Mali. Il développe quatre thèmes, à savoir : la réconciliation nationale, pourquoi le Mali est un pays sous-développé? Comment sortir de la pauvreté ? Le Mali dans le monde.
Le Serment Du Mali : Pourquoi avoir abordé les différentes thématiques par la Charte de Kouroukan Fuga ?
Bougadari SANOGO : La charte de Kouroukan Fuga, depuis 1325, représente à mes yeux le commencement de toutes les civilisations structurées de l’humanité. J’estime et j’ai la forte conviction que si nous revenons à nos origines et que nous nous référons aux valeurs qui, jadis faisaient notre force, notre dignité, notre intégrité, la Charte de Kouroukan Fuga demeure le socle sur lequel nous devrons nous appuyer pour faire un grand bond en avant.
Le Serment Du Mali : Que reprochez-vous au système politique érigé en mode de gouvernance dans nos pays du tiers-monde ?
Bougadari SANOGO : Ce serait prétentieux de ma part de vouloir me faire passer en donneur de leçons. Cependant, je voudrais très humblement dire que ce système qui nous a été imposé et qui demeure, a montré toutes ses limites, pour ne pas dire qu’il a échoué.
Pour preuve, aucun pays en Afrique francophone n’a jusqu’à nos jours obtenu son indépendance dans le vrai sens du mot. En effet, plus de cinquante ans après les supposées indépendances, le constat est amer. Mais, faut-il toujours continuer à accuser les autres? N’est-il pas grand temps que nous nous réveillions pour enfin prendre notre destin en main malgré ce retard avéré? Voilà des questions qu’il faut se poser !
Le Serment Du Mali : Que préconisiez-vous à l’ensemble des acteurs Africains en général et Maliens en particulier ?
Bougadari SANOGO : Il n’y a pas de recette magique ni un quelconque messie ne viendra changer les choses à notre place. Il faudrait, comme je le disais ci-haut, que chacun fasse son mea-culpa ; que chacun joue sa partition comme il se doit ; que le droit des peuples soit protégé ; que les classes dirigeantes aient le sens de l’Etat ; que les peuples parlent le même langage, celui de l’amour de son prochain, de la solidarité des cœurs, des esprits. En un mot, il faut que l’humain avec grand H, comprenne qu’il ne faut pas cultiver l’indifférence dans la différence et que c’est une équipe qui gagne.
Il est grand temps que ceux qui se croient supérieurs reviennent à de meilleurs sentiments. Il faut que les nations dominantes reconnaissent le droit des nations dominées, pour que la balance soit équilibrée dans un monde juste, pacifié et prospère tel que notre créateur, maître de l’univers, l’a voulu pour ses créatures que nous sommes.
Le Serment Du Mali : La pauvreté est-elle la source de nos malheurs ou vis-versa?
Bougadari SANOGO : Tout d’abord, à mon analyse des faits historiques, j’en déduis que la principale problématique de l’État en Afrique francophone tient à l’absence du citoyen africain lors de la constitution de son État.
Maintenant quelle est la source de nos malheurs ? Si les sources sont multiples et multiformes, il faut savoir que l’argent est une fabrication humaine comme pouvoir d’achat. Ceci étant, tout ce que l’humain crée pour son épanouissement, ne doit pas être vecteur de ses malheurs et de ses souffrances.
Je pense qu’il faut à un certain moment revenir en de meilleurs sentiments, afin de changer la donne. Il faut dire que depuis l’époque coloniale, postcoloniale jusqu’aux supposées indépendances, les systèmes de gouvernance dans nos Etat-Nations ne font que vider l’Afrique et l’appauvrir davantage pendant que ceux qui gèrent le système s’enrichissent extravagamment.
Le Serment Du Mali : Il y aurait-il encore de l’espoir pour que les Etats africains s’émancipent et sortent de cette misère sempiternelle ?
Bougadari SANOGO : En effet, l’espoir est permis, nous n’avons pas le choix de désespérer, de baisser les bras. La pauvreté selon moi, n’est pas une fatalité. Si nous parlons le même langage et que nous travaillons mains dans les mains, dans l’amour, la sincérité et la solidarité, il n’y a pas de raison que nous ne sortions pas de cette pauvreté, qui est d’abord spirituelle, morale, culturelle, politique et institutionnelle avant d’être économique.
Pour ce qui concerne notre Maliba, il va falloir d’autre part, reconstruire nos sociétés en tenant comme de nos valeurs ancestrales comme nous l’avait établi la Charte de Kouroukan Fuga ; d’autre part, repenser le système de gouvernance, afin de promouvoir un nouveau modèle de développement propre à nos réalités, nos moyens et nos besoins.
Le cousinage à plaisanterie, appelé SUNAKOUYA, doit être revalorisé, afin d’éviter toutes ses déchirures du tissu social, auxquelles nous assistons de nos jours. Car, il est inadmissible que les arrières petits fils du Massa Kankou Moussa, reconnu depuis la nuit des temps pour demeurer l’homme le plus riche du monde, soient aujourd’hui classés parmi les plus pauvres de la terre.
Le Serment Du Mali : Comment comptiez-vous faire passer le message d’espoir développé dans ce livre à toutes les couches de la population malienne ?
Bougadari SANOGO : Conscient que la majeure partie de nos concitoyens ne comprennent pas bien la langue de Molière, le français, nous sommes en train de traduire ce livre en version audio en bamakan et en malinké. Cette version sera disponible dans deux semaines au plus tard. Inch’ Allah !
Je réitère ma conviction que nous allons sortir de cette pauvreté ambiante et réaliser «le Club des millionnaires».Comprenez par-là, que d’ici à 10 ans, si nous respectons les valeurs d’amour, de solidarité, de justice, d’égalité dans la bonne gouvernance, un million de Maliens deviendront des millionnaires.
Le Serment Du Mali : avez-vous autres choses à ajouter ?
Bougadari SANOGO: Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui, de près ou de loin, m’ont apporté leur soutien moral, intellectuel, matériel durant tout le temps qu’a duré la rédaction de ce livre. Je remercie particulièrement le gouvernement du Québec pour son soutien dans mon cursus universitaire ; l’hôtel Dafina, pour son hospitalité à chacun de mes séjours en terre malien ; Madame Liette Fortin, pour les corrections ; Madame Louise Morin, pour l’encadrement didactique ; l’UQAM et mes Directeurs Issiaka Mandé et Lawrence Olivier.
Je ne saurais terminer sans avoir une pensée pieuse pour nos défunts. Puisse Allah leur accorder son repos éternel. Amen !
J’invite tous les Maliens à s’approprier ce livre, afin que le Club des millionnaires s’agrandisse. A très bientôt pour le lancement national. Je remercie toute la presse nationale et internationale, car sans leur précieux apport toute œuvre resterait dans l’oubliette. Que Dieu bénisse le Mali ! Amen !
Interview réalisée par Tchéwi Adams KONATE
Source :Le Serment Du Mali