Dans une interview réalisée à Addis-Abeba en marge du 22è sommet de l’Union africaine, le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du royaume du Maroc, Mme Mbarka Bouaida, évoque les grandes lignes de la coopération entre le Mali et le Maroc, l’apport du royaume chérifien dans la reconstruction et la réconciliation au Mali, les perspectives d’élargissement des domaines de coopération entre les deux pays
L’Essor : On constate une évolution dans les relations de coopération entre le Maroc et le Mali depuis la visite de Sa Majesté le roi Mohamed VI au Mali en septembre 2013. Quel est votre commentaire ? Mme Mbarka Bouaida : Vous savez que le Maroc attache une importance particulière au Mali. Cette importance relève d’abord de l’histoire commune que nous avons. Elle relève aussi des intérêts communs que nous avons aujourd’hui dans la région. Donc, le passé, le présent et le futur sont là pour faire converger nos points de vue, nos intérêts communs. C’est ce qui a d’ailleurs permis au Maroc de proposer une approche intelligente au Mali. C’est ce qui a aussi permis au Mali d’accepter cette proposition marocaine et de bien accueillir Sa Majesté lors de l’investiture du président Ibrahim Boubacar Kéita. Je pense que la coopération entre nos deux pays est d’abord basée sur une entente mutuelle parfaite entre les deux chefs d’Etat. Elle est aussi basée sur des actions concrètes sur le terrain qui démontre de la bonne intention, de la bonne foi, et surtout de l’esprit d’union que nous sommes en train de développer dans la région. Je pense que honnêtement cette coopération est un excellent modèle. Vous savez, nous coopérons dans plusieurs domaines: la sécurité, l’humanitaire, l’économie, le social. Cette coopération nous paraît très bénéfique pour les deux pays. Nous sommes ravis d’entendre nos frères maliens se réjouir aussi de cette coopération qui ne pourrait que s’améliorer dans le futur.
L’Essor : Le Mali vient de sortir d’une grave crise sécuritaire et politique. Aujourd’hui, on parle de reconstruction et de réconciliation. Quelle va être l’apport du Maroc dans cette phase de reconstruction et de réconciliation ?
Mme Mbarka Bouaida : Vous savez que le Maroc a toujours exprimé son apport au Mali. Nous sommes vraiment là pour assister, accompagner, aider à tous les niveaux dans la reconstruction du Mali. Je voudrai parler de la reconstruction économique, notamment en matière de réalisation d’infrastructures. Il y a aussi le volet réconciliation. C’est un point très important parce que comme vous l’avez dit, il y avait une crise au Mali et la sortie de cette crise oblige une cohésion sociale d’ensemble. Nous avons vécu une expérience peut-être pas similaire mais une expérience en matière de réconciliation qui a les mêmes bases et les mêmes principes. Cette expérience nous a permis de tourner une page de souffrance. Ça nous a aussi permis d’aller rapidement dans les reformes. Peut-être que le Maroc pourrait, si le Mali le veut bien, partager ces expériences avec les Maliens en matière de réconciliation.
L’Essor : Le tourisme, la culture, la religion, l’histoire sont des domaines privilégiés dans les relations de coopération entre le Mali et le Maroc. Cette coopération peut-elle aujourd’hui s’étendre à quels autres domaines ?
Mme Mbarka Bouaida : Cette coopération va continuer à s’étendre surtout dans le domaine économique, notamment l’infrastructure, le logement, l’agriculture, la sécurité alimentaire. Ce qui permettra de résoudre certains problèmes économiques de fond. En matière énergétique, nous sommes aussi présents au Mali. Nous souhaiterions renforcer ce partenariat pour généraliser l’électrification au Mali. Il y a également d’autres domaines comme l’école et la santé.
L’Essor : En ce qui concerne le domaine d’infrastructure, qu’est ce qui est concrètement prévu?
Mme Mbarka Bouaida : A ce niveau, nous prévoyons l’assistance technique, éventuellement financière. Je pense que le gouvernement malien connaît très bien ses besoins. Il pourrait partager avec nous ses besoins à n’importe quel moment et qu’on puisse se mettre d’accord sur les moyens et le moment de collaboration. Aujourd’hui, il y a un échange continu entre les deux gouvernements pour aboutir à un projet de coopération permettant au Maroc de contribuer à la construction des infrastructures au Mali. L’essor : La formation professionnelle est très développée au Maroc. Est-ce que vous avez pensé faire profiter le Mali de ce domaine important? Mme Mbarka Bouaida : Vous savez que le Maroc reçoit beaucoup d’étudiants maliens. Nous sommes d’ailleurs fiers d’être une terre d’accueil pour ces étudiants maliens. Aujourd’hui, nous espérons pouvoir aider à la construction d’écoles au Mali et aussi pouvoir développer cette collaboration et cette coopération entre les écoles, et surtout les universités. En accord avec le gouvernement, nous sommes prêts d’ouvrir des écoles de formation au Mali.
L’Essor : Avec la crise, le secteur touristique au Mali a beaucoup souffert. Aujourd’hui, les activités redémarrent tout doucement. Encore une fois de plus, quel va être l’apport du Maroc ?
Mme Mbarka Bouaida : L’apport du Maroc dans ce domaine peut être intéressant parce que comme vous le savez, le Maroc est un grand pays touristique comme le Mali. Nous avons beaucoup de choses à montrer, à faire voir, à promouvoir. Nous avons lancé une politique de promotion touristique depuis plusieurs années pour avoir des infrastructures touristiques suffisantes afin d’accueillir un nombre important de touristes. Nous nous sommes d’abord basés sur une stratégie toute simple qui est d’identifier les sites les plus importants. Le deuxième point de cette stratégie était d’élaborer un produit mixte qui permettrait aux touristes d’accéder à une offre assez diversifiée. Nous avons des plages, le désert, des hôtels, des villas, de l’artisanat. Plusieurs choses qu’on peut offrir aux touristes. La troisième étape était d’identifier les marchés cibles. C’est vrai que les marchés émetteurs chez nous, c’est l’Europe, mais nous essayons de diversifier ces marchés pour nous ouvrir à d’autres marchés notamment au niveau régional, en Asie et en Amérique. Je pense que nous disposons aujourd’hui d’une vision claire en matière de tourisme que nous pourrions parfaitement partager avec nos frères maliens.
L’Essor : Vous êtes à la tête d’une délégation à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine, est-ce à dire que le Maroc est de retour au sein de l’Union ?
Mme Mbarka Bouaida : Le Maroc n’a jamais quitté l’Afrique mais en ce qui concerne l’Union africaine, vous savez que le Maroc était l’un des fondateurs de cette union. Nous ne sommes pas là réellement dans le cadre du sommet de l’Union africaine. Nous sommes là en marge de ce sommet pour avoir justement des rencontres bilatérales. Nous croyons beaucoup en des relations étroites et en des actions concrètes. C’est ce qui nous a permis par exemple de développer avec le Mali cet esprit de fraternité et de cohésion. Nous portons le Mali dans notre cœur vraiment d’une manière particulière. Nous souhaitons aussi des relations particulières avec tous nos frères africains. C’est la raison pour laquelle nous sommes à Addis-Abeba.
Propos recueillis Par M. KEITA
Envoyé spécial