Le Conseil national de la société civile (CNSC) du Mali ne partage pas l’avis de l’opposition selon lequel la mise en place des Autorités intérimaires dans les collectivités du nord consacre la partition du pays. C’est ce qui ressort de l’entretien que nous avons eu, hier mercredi, avec le président de l’organisation à son siège à Torokorobougou. Contraire à ce qu’il appelle une diabolisation de l’opposition politique vis-à-vis de cette nouvelle loi, Bouréima Allaye TOURE nous a confié que le CNSC, après analyse, a trouvé que l’adoption de ce texte constitue, non seulement, une avancée pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix, mais aussi pour le processus de réforme de la décentralisation à travers la suppression des Délégations spéciales.
Si l’idée des autorités intérimaires est salutaire, dans notre contexte, le Conseil national de la société civile du Mali n’approuve, cependant pas la représentation de la société parmi les membres de l’Autorité intérimaire, selon son président. Pour M. TOURE, cela est contraire aux principes d’une société civile indépendante qui veut jouer son rôle de « veille citoyen » sur la gestion de la collectivité. En effet, à la faveur de l’adoption de loi portant mise en place des Autorités intérimaires dans les régions du nord, le CNSC (Conseil national de la société civile) avait été saisi pour avis par la Commission de l’Administration territoriale, de la décentralisation, de l’Assemblée nationale. Dans une correspondance en date du 17 mars, le CNSC a signifié son opposition par rapport à la représentation de la société parmi les membres de l’Autorité intérimaire tout en appréciant l’initiative du gouvernement. Même si cette préoccupation particulière n’a pas été prise en compte, le CNSC ne rejette pour autant pas le document qui été adopté par les députés, le 31 mars 2016.
« Si ça peut faire avancer la paix, on n’est pas contre. Mais nous ne souhaitons pas faire partie des membres des Autorités intérimaires », a-t-il expliqué. Avant d’ajouter : « nous serions là pour critiquer et contribuer ».
Les motifs de cette opposition se trouvent dans le désir de cette organisation de garder sa neutralité et son indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics face auxquels, il a un devoir de critique et de propositions. De l’avis de M. TOURE, la société civile est une organisation à but non lucratif, librement constituée, indépendante du politique et de l’administration publique, et dont le but n’est pas la conquête et/ou l’exercice du pouvoir politique. À cet effet, ses membres ne peuvent pas faire partie de l’Autorité intérimaire. La société civile doit vraiment être un contrepoids aux pouvoirs publics, a-t-il dit.
Abordant la question de l’Accord, Bouréima Allaye TOURE a souligné qu’il faut faire attention à son l’application.
« Il ne faut pas qu’on frappe tout le Mali avec le même bâton en généralisant la mise en place des Autorités intérimaires », a-t-il prévenu. Car de son avis, ce n’est pas toutes les communes du nord qui ont été touchées par ce dysfonctionnement lié à la crise.
Concernant toute la polémique qui a eu lieu autour de ce projet de loi, le président du CNSC trouve que le gouvernement s’en est mal pris.
« Il y a un projet de décret qui a circulé avant même l’adoption de la loi. Je crois que c’est ça qui créer beaucoup de polémiques. On ne devrait pas mettre la charrue avant les bœufs », a-t-il dit.
De ses propos, il ressort que le CNSC a donné son avis par rapport à la loi, elle-même.
« Je ne suis pas d’accord que ce soit une partition du pays », a-t-il indiqué. « Même si ce n’est pas l’Accord de paix, nous estimons que l’instauration des Autorités intérimaires est une bonne chose dans notre processus de décentralisation », s’est-il défendu.
Le président du CNSC, Bouréima Allaye TOURE, a rappelé que, par le passé, chaque fois qu’il y avait le mandat d’un conseil des collectivités qui était fini, on mettait en place des Délégations spéciales. Mais la pratique a monté que ces délégations spéciales ne viennent que pour dilapider tous les biens de la collectivité. Aussi, elle partait sans qu’on évalue son bilan, a-t-il regretté. Le plus souvent, c’est le patrimoine des citoyens qui est foutu en l’air, a poursuivi le responsable de la société civile.
« Aujourd’hui, si on a une Autorité intérimaire, qui est redevable au même titre que le conseil communal, cela constitue une très grande avancée dans notre processus de décentralisation », s’est-il réjoui.
Répondant à ceux qui disent que le texte constitue une partition du pays, Allaya TOURE, a souligné que cela est normal compte tenu des enjeux. « Je l’ai comprends, l’opposition le dira, et c’est tout à fait normal ». Pour M. Allaye TOURE, il s’agit pour l’opposition de tout faire pour vilipender la majorité, à tort ou à raison.
« Mais nous, au niveau de la société civile, nous devons être plus regardants », s’est-il défendu. Avant d’ajouter que le CNSC ne partage pas l’avis de l’opposition, selon lequel, il s’agit d’une partition du pays.
« Si nous disons que c’est une bonne chose, c’est que c’est nous réagissons ainsi après une analyse profonde », s’est-il défendu M. TOURE.
En définitive, pour le CNSC, cette initiative du gouvernement est perçue positivement, conforment à l’Accord pour la paix et la réconciliation. Elle permet d’assurer le retour de l’administration ainsi que des réfugiés dans les zones affectées par la crise. Elle peut aussi favoriser la libre circulation des personnes et leurs biens dans ces mêmes localités.
Toutefois, a prévenu le CNSC, beaucoup de communes du nord ne doivent pas être soumises au texte puisqu’il n’y a pas nécessité. Ceci, parce que ces communes, notamment celles du delta intérieur du Niger, n’ont pas été beaucoup touchées par la crise. Ainsi, cette disposition de l’Accord doit être appliquée là où les conditions sont réunies.
Les recommandations du CNSC
Dans un document adressé à l’Assemblée nationale en date du 17 mars 2016, il ressort que pour que la mise en œuvre de cette loi puisse contribuer au renforcement de la démocratie, de la paix et de l’unité nationale, le CNSC a fait des propositions au gouvernement, relatives entre autres : tenir compte de toutes les spécificités ethniques, professionnelles, civiles en intégrant la dimension genre (jeunes, femmes, handicapés) dans les nominations lors de la mise en place des organes ; tenir en compte de l’expérience et la compétence dans le management des instances et organes territoriales ; prendre en compte les valeurs et principes démocratiques relatifs à la gestion des collectivités ; adopter et diligenter le décret d’application de cette loi dans le respect strict de la loi et dans des délais raisonnables ; traduire cette loi dans les langues nationales ; assurer sa dissémination en y impliquant les organisations de la société civile ; mettre la société civile à contribution pour l’information, la dissémination au niveau des communautés.
Source: info-matin