La loi votée le 31 mars 2016 modifie le Code des Collectivités et institue des autorités intérimaires au nord. Rejetée par les partis de l’opposition comme attentatoire à la Constitution, la nouvelle loi facilite la partition du pays car elle dépouille l’Etat de ses pouvoirs de gestion au profit de groupes armés qui ont déjà le contrôle militaire du nord.
L’opposition malienne, représentée par son chef de file, Soumaila Cissé, a tenu le 30 mars à la Maison de la Presse de Bamako, une conférence de presse. Dans une déclaration commune lue par Daba Diawara, le chef du PIDS, l’opposition soutient que si la loi sur les autorités intérimaires est votée, ce sera un recul démocratique car elle substitue des organes désignés par l’administration aux conseils communaux, conseils de cercle, conseils régionaux et au conseil du District élus et dont les mandats ont été prorogés par la loi n°2015-047 du 7 décembre 2015 jusqu’à la mise en place de nouveaux organes élus. La loi, aux dires de l’opposition, marginalisera aussi les partis politiques dans la gestion des collectivités en ce que les autorités intérimaires seront issues des services déconcentrés de l’Etat et de la société civile. La loi violera également la Constitution car le Haut Conseil des Collectivités, contrairement à l’article 90 du texte fondamental, n’a pas donné son avis là-dessus.
Surtout, l’opposition estime que cette loi consacrera la partition du Mali en instituant, en matière d’administration et de gestion des collectivités, deux régimes juridiques distincts, l’un s’appliquant au nord, et l’autre au reste du territoire national. La loi permettra, selon la déclaration de l’opposition, le partage du pouvoir entre des autorités habilitées par la Constitution (le président de la République, l’Assemblée nationale et le gouvernement) et d’autres autorités qui n’ont aucune base constitutionnelle ( les groupes armés). En effet, les autorités intérimaires dans les régions de Gao, de Tombouctou, de Kidal, de Ménaka et de Taoudéni seront désignées par le gouvernement, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (rébellion), la Plateforme (mouvements armés d’autodéfense) et les autorités traditionnelles. En conséquence, l’opposition a appelé son groupe parlementaire à ne pas voter cette loi. La consigne de l’opposition a sans doute été respectée puisque le 31 mars 2016, seuls 103 des 147 députés ont voté la loi.
La loi de tous les dangers
Ce que l’opposition ne dit pas, c’est qu’au-delà des aspects purement juridiques, la nouvelle loi marque un renoncement de l’Etat à ses prérogatives de puissance publique. Au sein des collèges intérimaires qui administreront les collectivités du nord, les voix de l’Etat seront ultra-minoritaires en face de celles de la CMA, de la Plateforme et des autorités traditionnelles inféodées à ces groupes armés. Les décisions, même sécuritaires, seront donc prises contre l’avis de l’Etat sur un territoire qui est pourtant censé appartenir au Mali.
Il y a pis: en octroyant le pouvoir de décision aux groupes armés susvisés et à leurs suppôts (autorités traditionnelles), l’Etat donne une caution légale à l’occupation militaire que ceux-ci exercent déjà sur les deux tiers du territoire national. L’Etat se plante dans le pied un poignard d’autant plus pointu qu’à Anéfis, puis récemment à Kidal, la CMA et la Plateforme ont convenu de gérer, à l’exclusion de l’Etat, les affaires du nord que la CMA ne se gêne guère d’appeler « Azawad », obtenant même que ce mot scélérat figure formellement dans les accords issus du processus d’Alger.
Dûment installés dans leurs fonctions par loi, les administrateurs rebelles du nord, dont la félonie est connue de tous (en témoigne la récente arnaque politico-financière qu’ils ont fait subir à l’Etat lors du forum de Kidal), se feront un devoir de séduire les populations noires, majoritaires au nord. Dans deux ou trois ans, les rebelles auront, avec le soutien de leurs alliés occidentaux, voire de l’Etat lui-même, construit des routes et des hôpitaux, créé des emplois, développé des programmes socio-économiques. Au final, ils convaincront les jeunes et les moins jeunes de rallier leur cause, sous peine de crever de faim. Et si ce plan fonctionne, la CMA et ses alliés n’hésiteront pas à demander un référendum d’autodétermination du nord, chose qu’ils n’ont évité de demander qu’à cause de leur minorité sociologique. Le Mali n’aura alors que ses yeux pour pleurer. En effet, les rebelles sont passés maîtres dans l’art du lobbying; ils bénéficient, depuis toujours, des conseils d’experts européens et ont, de surcroît, une supériorité militaire qui confortera leur revendication de référendum. Il suffira donc que ladite revendication soit soutenue, à l’ONU, par un pays européen (France, Suisse, Belgique, etc.) pour que le processus du référendum soit déclenché. A l’intention de ceux qui caressent le rêve de s’accrocher au principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, il y a lieu de souligner que ledit principe, adopté par l’OUA en 1961, n’a jamais résisté au principe d’autodétermination des peuples adopté par l’ONU. C’est d’ailleurs en vertu de ce dernier principe, qui a une dimension plus universelle, que l’ONU a présidé à la division du Soudan.
Tiékorobani
Source: proces-verbal