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Au miroir de Kidal: 12 août 2018 ?

Pourquoi le nom de Kidal est encore imprononçable en 2018 ? Sans doute, parce qu’aujourd’hui comme hier le pouvoir de Bamako parvient à se rallier la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) pour simuler l’adhésion du bastion MNLA de Kidal. En novembre 2014, contre la volonté de la population, se présentait Mohamed Ag Intalla, fils du patriarche des Ifoghas, frère du chef du HCUA, Alghabass Ag Intalla. Mohamed Ag Intalla était inscrit sur la liste du parti présidentiel d’IBK, le favori de Paris. Il avait fallu l’intervention de Serval et de la Minusma pour maintenir les bureaux de vote ouverts. Aujourd’hui, en août 2018, il faut de nouveau entériner le simulacre d’une entente entre la CMA et IBK pour masquer la sécession d’une large partie du Mali.

Qui est ce Mohamed Ag Intalla ? Il est comme Hamada Ag Bibi, un haut responsable d’Ansar Dine auprès d’Iyad Ag Ghaly. Ils se sont d’abord reconvertis en MIA (Mouvement islamique de l’Azawad) qui s’est transformé par la suite en HCUA, le fameux haut conseil de l’unité de l’Azawad que le Quai d’Orsay a imposé au MNLA à la table des négociations, notamment pour ne pas l’avoir comme unique interlocuteur.  Il est moins facile de trouver des terrains de compromis avec le MNLA sur l’avenir de l’Azawad.

Qu’est-ce que le HCUA ? Le HCUA n’est rien d’autre que le recyclage d’Ansar Dine. Ainsi en 2014, les Islamistes (le chacal) parviennent avec le simulacre des élections à refermer leurs mâchoires [2] sur Kidal. Dans le même temps, ils ridiculisent les Français qui pensaient affaiblir l’irrédentisme touareg, résultat de la longue souffrance de la population de Kidal, endurée en raison de la permanence d’une tyrannie féodale complice des élites de Bamako.

En aout 2018, Alghabass Ag Intalla, chef de la délégation Ansar Dine lors des accords d’Alger, plus proche lieutenant d’Iyad Ag Ghaly[3],  également secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA),  petit frère de l’Amenokal de Kidal, « est allé faire le hadj à la Mecque, où il se trouve en ce moment même », à l’occasion des élections. La CMA est le faux nez du HCUA. Si la CMA dit ne pas avoir de candidat, il est clair que c’est le HCUA qui tient les bureaux de vote et qui mobilisera au second tour dans le Nord pour IBK.

Alghabass Ag Intalla préfère être absent quand la CMA garde les bureaux de vote des zones qu’elle contrôle, dont Kidal et Menaka [4], où IBK a fait de très bons scores au premier tour. A partir d’un accord de non-agression à Kidal, les partenaires extérieurs du Mali cautionnent un processus électoral qui renie l’aspiration des citoyens d’un nouvel ordre politique et social. Il leur restera à accepter la férule islamique pour que perdure la domination des chefs traditionnels et celle du pouvoir de Bamako. Le MNLA se retrouve marginalisé et la manipulation de réhabilitation de la hiérarchie Ifoghas à travers le HCUA parvient à ses fins. Il s’agissait une fois de plus de bâcler des élections au prix d’une future guerre.

Les premiers rôles du drame sont connus et leur palmarès sera une fois de plus rassuré s’il est temps de les faire disparaitre. Ainsi Iyad Ag Ghaly a combattu dans la légion islamique de Kadhafi, puis a été un membre actif de la rébellion touareg  (1990-1996), a négocié la libération d’otages, représenté le Mali en Arabie saoudite et, faute d’être reconnu comme chef du MNLA, a choisi de fonder Ansar al-Dine. Le département d’Etat américain l’a désigné comme terroriste global en 2013. Parmi ses alliés, on compte Oumar Ould Hamaha qui s’est battu avec le Mujao à Douentza en septembre 2012. Hamada Ag Bibi et Alghabass Intalla l’ont rejoint après avoir été au MNLA. Ces passages et ces retournements montrent l’impossibilité d’une expression touareg en dehors d’une libre délibération. Par contre, courtiers de la terreur, supplétifs électoraux, et manipulateurs de l’Islam, ces acteurs identitaires sont les soutiers nordistes de la perpétuation des caciques de la capitale malienne.

Esprits animaux – 9 août 2018

A l’occasion des dernières élections maliennes, j’ai relu le livre de Gaël Baryin [1], Dans les mâchoires du chacal. Inspiré par ce titre peut-être, le préfacier Pierre Boilley, spécialiste de la partie nord du Mali cite les Mémoires d’un crocodile et le journal le Scorpion. La guerre, selon les chasseurs dozo [2], est le contraire de la chasse. A la guerre, l’extermination de l’autre est l’enjeu tandis que la chasse vise à conquérir la force de l’animal tué, quel qu’il soit. La chasse est une quête où le chasseur se cherche lui-même. Oswald Durand qui fut administrateur en Guinée écrivait dans Terre noire [3] : « Le chasseur qui s’égare dans la forêt est à plaindre, mais s’il ne cherche pas son chemin, il est plus à plaindre encore ». Le bestiaire africain n’est donc pas injurieux mais pédagogique, voire maïeutique. Gaël Baryin rappelle que le sauvetage in extremis du Mali dont François Hollande se vantait résulte d’une opération militaire préparée dès octobre 2012. Si bien préparée, que l’armée française s’est arrêtée devant Kidal car elle ne tenait pas à déclencher une guerre totale « quitte à fâcher Bamako qui plus ou moins espérerait reprendre Kidal sans coup férir » [4]. Le désert est un lieu sans frontières mais gorgé de mémoires. Je me souviens d’avoir traversé cette zone en 1980, puis en 1984,  en me déplaçant de nuit et en me cachant le jour pour éviter de me faire prendre autour de Kidal occupée par les troupes maliennes qui avait installé des bagnes aux alentours. La publication le Sphinx, cette chimère qui combine des animaux puissants et magiques sait que l’imaginaire et le symbolique comptent au Nord et au Sud. Ce n’est pas une des moindres raisons du silence que l’on veut poser aux énigmes qu’elle rappelle. Pourquoi le nom de Kidal est imprononçable ?

PS : je ne considère pas les Touaregs de manière universelle comme des amis.

Léonard Devos

[1] Alghabass Ag Intalla is the leader of the new and supposedly moderate Touareg Islamist movement, the Islamic Movement of Azawad (MIA in French). He’s the son of the hereditary chief of the Ifoghas, the dominant ‘noble’ Touareg tribe in the far north east of Mali. The Ifoghas have ruled the vast Adagh region, whose capital is Kidal, since the arrival of the French in the early 1900s. They have also taken a leading role in all the Touareg rebellions since 1962.  In late 2011, Alghabass was nominated heir apparent to the position of amenokal or chief of the Ifoghas. When the Touareg rebellion broke out in January 2012, his father Intalla Ag Attaher took a decidedly moderate and anti-Islamist stance, disowning the belligerent and radical Salafist Touareg rebel leader Iyad Ag Ghali, who belongs to a lesser branch of the Ifoghas clan.

[2] Gaël BARYIN, Dans les mâchoires du chacal. Mes amis Touaregs en guerre au Nord-Mali, Le Passager Clandestin,  Paris, 2013, 96 p., préface de Pierre Boilley

[3]

[4] Il y a un an, en juillet, la  Coordination des Mouvements de l’Azawad(CMA) avait  momentanément pris le contrôle de la ville de Ménaka, la 9e région du Mali. Selon des sources locales, l’ex mouvement séparatiste est entré dans la ville sans rencontrer de résistance le vendredi 28 juillet. « A leur arrivé, le Gatia n’était plus là. L’armée malienne qui est bien présente, est dans son camp », précise un habitant de Ménaka. La CMA s’est empressée de rassurer les habitants de Ménaka. Selon Ilad Ag Mohamed, responsable de la CMA, leur arrivée à Menaka « ne doit inquiéter aucune autorité administrative, politique ou militaire officielle. » Le Mouvement pour le Salut de l’Azawad, groupe dissident de la CMA et présente à Ménaka, explique, dans un communiqué, que des membres de la CMA sont arrivés à Ménaka à bord de plusieurs véhicules armés. Une répétition…

Source: Le Sphinx

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