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Assises : LE TAILLEUR A CÉDÉ À SES BAS INSTINCTS

Fané a fait fi des liens d’amitié qui existaient entre les parents de F. et lui. Il a infligé aux premiers et à leur fille un chagrin irréparable

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Il faut bien se résigner à l’admettre. Certaines déviations parmi les plus inacceptables paraissent avoir définitivement pris pied dans la société malienne. Les prêches des religieux, les adjurations des autorités, l’indignation de l’opinion, l’opprobre jeté sur les proches et même la sévérité de la justice, rien de tout cela ne dissuade les auteurs d’actes révoltants. Ces derniers transgressent sans aucune hésitation tous les interdits sociaux pour assouvir une pulsion absolument bestiale Ainsi en est-il des cas de viol qui meublent invariablement les sessions de la Cour d’assises. D’une année à l’autre on a la triste impression que les agressions deviennent se font de plus en plus brutales, de plus en plus audacieuses. L’on constate aussi que les victimes demeurent le plus souvent de très jeunes personnes, soit des adolescents, soit des enfants.
Dans sa deuxième semaine de procès, le ministère public était confronté lundi dernier à Adama Fané, accusé de viol. Les faits remontent à l’an passé et se sont déroulés dans la commune rurale de Guegneka, proche de Fana. Le samedi 5 juillet 2014 restera certainement dans la mémoire tant de la victime que de l’accusé. Pour ce dernier, ce jour aura été le dernier qu’il aura passé depuis en liberté. Pour la victime, il aura été celui au cours duquel elle s’est vu infliger une souillure et un déshonneur dont il lui sera très difficile de se détacher. En effet, au moment où elle se trouvera blessée jusqu’au plus profond d’elle-même, la petite n’avait que 13 ans. Elle sortait donc à peine du cocon de la protection maternelle et n’avait encore enduré aucun des désagréments qu’apporte souvent la vie réelle.
Pour ne pas en ajouter encore plus au traumatisme qu’elle a subi, nous préférons désigner la victime par ses initiales F.T. Ce jour là, sa mère l’avait envoyée chez Fané. Tailleur de son état, celui-ci était censé prendre les mesures de la petite à qui ses parents avaient l’intention de faire coudre des habits neufs. Lorsque la fillette arriva dans l’atelier, elle trouva l’homme en compagnie d’un de ses fils.
UN HABIT DANS LA BOUCHE. Le couturier voulu tout d’abord différer la prise de mesures en expliquant qu’il n’avait pas amené avec lui son mètre ruban. Puis une sordide idée lui vint à l’esprit lorsqu’il jeta un coup d’œil à l’adolescente. Il se ravisa donc et indiqua à F qu’il allait utiliser les moyens du bord. Il attacha bout à bout plusieurs lanières de tissus qui traînaient dans l’atelier et avec ce mètre ruban de sa confection, il se mit à prendre les mesures de la petite.
Il ne restait qu’à mesurer le tour de poitrine de sa cliente lorsque Fané marqua une courte pause. Il tira de son tiroir une cigarette, la donna à son fils et lui demanda d’aller l’allumer chez un voisin. Une fois le garçon éloigné, le tailleur demanda à la fille de s’approcher afin qu’il achève ce qu’il avait commencé. Lorsque sa cliente s’exécuta, Fane souleva sa robe et commença à se livrer à des attouchements. L’adolescente essaya de protester, mais l’homme la menaça de mort si elle venait à placer un mot ou un cri. Pour ne pas être surpris par un visiteur qui viendrait à l’improviste et qui contrarierait son ignoble projet, l’homme de 35 ans propulsa F. dans sa chambre à coucher qui était contiguë à l’atelier et la jeta sur son lit.
Assuré de pouvoir satisfaire sa libido en toute tranquillité, il entretint des rapports intimes avec F. La victime n’avait plus que ses yeux pour pleurer. Car chaque fois qu’elle tentait d’alerter le voisinage, son agresseur l’en empêchait en lui fourrant un habit dans la bouche. C’est près avoir assouvi ses instincts que Fané abandonna l’innocente à son sort. Terrorisée, F. s’enfuit à toutes jambes chez elle. Ce fut sans pouvoir retenir ses larme qu’elle tomba dans les bras de sa mère à qui elle fit le récit de l’acte horrible que venait de commettre Fané. Complètement renversée par ces révélations, la brave dame s’en alla aussitôt informer son mari.
Ce dernier n’en crut pas de ses oreilles quand lui fut relatée l’agression dont avait été victime sa fille. Pour lui, Fané était bien incapable de s’en prendre sa fille. En effet, les deux familles se connaissaient de longue date et le tailleur se rendait fréquemment chez son voisin. Il avait même assisté au baptême de la petite et l’avait vu grandir. « Dire que c’est lui qui a violé ma fille était pour moi extrêmement difficile à croire », nous a-t-il confié en marge du procès avec les yeux rougis au souvenir de l’épreuve infligée à son enfant.
Le premier réflexe du père avait été de courir chez celui qu’il appelait désormais « le traître » et de lui faire rendre gorge. Mais il se méfia de son propre tempérament et il eut peur de s’emporter au point de commettre l’irréparable. Il choisit donc d’amener tout d’abord sa fille à l’hôpital. Là bas, le médecin a malheureusement confirmé le récit de la fillette. Les lésions constatées attestaient que l’on avait abusé d’elle.
Le père, complètement bouleversé, s’est ensuite rendu à la gendarmerie et le même jour Fane a été arrêté. Son incarcération déclencha, comme cela est devenu une tradition dans notre pays, un succession d’interventions dites « sociales ». Certaines personnes du proche voisinage vinrent intercéder auprès du père de la victime. Elles l’ont prié de retirer sa plainte en fermant les yeux sur le fait que l’acte soit d’une terrible ignobilité. Et en acceptant de régler la situation à l’amiable.
TENTÉ PAR SATAN. Le père, assiégé, allait finir par céder lorsque la situation se retourna de manière inattendue. La femme de l’accusé (décédée depuis) est venue mettre son grain de sel dans l’affaire. Aux dires du père de F., la dame se trouvait à Bamako pour des soins, mais lorsqu’elle apprit les ennuis dans lesquels se trouvait son époux, elle rentra dare-dare à Fana. Pour étouffer l’affaire, elle s’en fut voir l’une de ses connaissances dont elle connaissait l’influence sur le père de F. Mais ce faisant, elle déclencha un processus qui allait tourner en sa défaveur. Car la personne sollicitée par l’épouse de Fané se montra totalement insensible à la supplique de la dame. Au contraire, elle demanda à la famille de F. de pousser l’affaire jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à ce que justice soit faite.
Lors du procès, la partie civile avait été citée dans le dossier, mais elle est arrivée en retard et a coïncidé avec le moment de la délibération. A la barre, l’accusé court de taille, habillé d’une chemise grise et d’un pantalon noir, a surtout voulu convaincre les jurés de la sincérité de son repentir. Pourtant à l’enquête préliminaire il avait nié les faits qui lui sont reprochés. C’est plus tard en information que la raison lui était revenue et qu’il avait fini par lâcher le morceau. A ce niveau, il avait soutenu avoir été tenté par Satan.
Mais lundi en reconnaissant les faits à la barre, il a tenté d’alléger sa faute en évoquant des circonstances peu crédibles. Il a d’abord assuré qu’il avait été provoqué par l’adolescente. Fané a voulut faire croire que soumis à la tentation, il n’avait pas pu contrôler ses pulsions et ce fut ainsi que le pire est arrivé. Il a également indiqué que F. était consentante et qu’elle n’avait opposé aucune résistance.
En réponse, le ministère public a rejeté ces assertions. Il n’y a eu aucun consentement de la part de la fille, a-t-il fermement assuré. Pour lui, le viol est constitué. D’ailleurs, il résulte du certificat d’expertise médicale en date du 05 juillet 2014 que F. avait subi des violences et que l’acte sexuel avait été consommé, ainsi que l’attestait la présence du sperme dans le vagin. Le ministère public a donc requis de maintenir Fané dans les liens de l’accusation et de lui infliger sept ans de réclusion.
L’avocat de la défense a demandé d’accorder le bénéfice des circonstances atténuantes à son client. Il a expliqué que ce dernier a perdu sa femme alors qu’il était en prison. Son père serait également devenu aveugle. Sa présence dans sa famille est donc importante pour assurer l’éducation de ses quatre enfants. La cour dans sa sagacité a reconnu Fané coupable des faits. Cependant, elle lui a accordé le bénéfice des circonstances atténuantes en le condamnant à trois ans d’emprisonnement ferme.
Juste après ce procès, Adama Coulibaly alias Binké devait comparaître pour vol qualifié. Il était accusé d’avoir en septembre 2009 à Koulikoro nuitamment soustrait des outils informatiques au préjudice du Trésor public de la capitale du Méguétan. Il a été condamné par contumace à la réclusion à perpétuité. Ousmane Bako, accusé de coups mortels, a été condamné par contumace à 20 ans de réclusion.

A.D.SISSOKO

source : Essor

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