Après avoir perdu son boulot le jeune homme s’est mué en véritable bandit de grand chemin. Les juges le lui ont fait amèrement regretter
« La peine de mort ». C’est la sentence prononcée par les jurés au termes d’une audience au cours de laquelle un certain SS était, non seulement le principal accusé d’une bande de malfrats, mais aussi il était le seul à comparaître à la barre. Cette sanction infligée à ce jeune homme inaugurait ainsi les travaux de la 2è session ordinaire de la Cour d’assises qui se déroulera pendant plusieurs semaines dans la salle « Boubacar Sidibé » de la Cour d’appel de Bamako.
La lourdeur de la main des juges face au suspect dénote de toute la gravité des faits qui lui étaient rapprochés. SS était suspecté d’ « usurpation de fonction, association de malfaiteurs et de vol qualifié ». Des faits qu’il semblait avoir commis courant 2015, alors qu’aux yeux de la loi pénale, ils sont prévus et punis par les articles 166,175 et 253 de la loi N°01079 Du 20 août 2001 portant Code pénal en République du Mali. Ils peuvent de ce fait donner lieu à l’application de peines criminelles.
Nous étions à la fin décembre 2015, derrière la gare routière de Djicoroni-Para, un quartier populaire de la commune IV du District de Bamako. SS qui a été identifié plus tard comme un apprenti chauffeur, venait d’être interpellé par un agent de la garde nationale. Le porteur d’uniforme avait de bonnes raisons d’agir de la sorte face à ce jeune homme d’apparence louche.
La cause ? SS était très bien habillé en tenue de garde comme s’il en était un des éléments alors qu’en réalité, il n’en était rien. Nous n’avons pas su si l’agent qui l’a interpelé avait des renseignements sur cet apprenti chauffeur d’un autre genre. Mais, il a été établi qu’au cours de son interpellation, le suspect a tenté de donner des explications à son acte. Malheureusement, ses explications n’ont pas été suffisantes pour convaincre le Garde. Manu militari, celui-ci l’a conduit directement chez certains de ses collègues en faction non loin des lieux de l’interpellation.
SS ne se rendait pas compte de toute la gravité de ce qui était en train de lui arriver réellement. Il ignorait que la chance venait de l’abandonner totalement alors que lui même minimisait la situation. Quelques instants après, il a été conduit chez les gendarmes pour être entendu. Plusieurs heures d’interrogatoire des pandores lui ont carrément ouvert les yeux. Complètement à bout de souffle, SS n’a eu d’autres choix que d’avouer son appartenance à une bande de malfrats qui écumaient non seulement la gare routière de Djicoroni-Para, mais aussi certains quartiers de Bamako et sa banlieue.
Pêle-mêle, il a cité le nom de certains éléments de la dite bande dont un certain M serait le chef. Dans la foulée SS s’est mis à table en détaillant certains exploits de son groupe de malfrats à travers la Cité des Trois caïmans et ses environs. La bande dont il était un membre influent passait le temps à braquer les paisibles citoyens en les dépossédant de leurs biens.
Ces explications plus ou moins détaillées étaient suffisantes pour que les gendarmes le soumettent à une fouille corporelle. Au moment de son interpellation, SS avait été pris alors qu’il avait un sac qui contenait des effets militaires. Notamment, un ceinturon, un béret des gardes, une paire de chaussures « Rangers », un galon de campagne sergent chef, une tenue camouflet, un badge portant un nom et plusieurs autres matériels militaires. En outre, le jeune homme avait en sa possession de nombreux autres objets non militaires qui le compromettaient sérieusement : des téléphones portables et accessoires, un fusil de fabrication artisanale, un porte-monnaie contenant un billet d’un dollar. à ces objets, s’ajoutaient une torche, des puces et des cartes mémoires, des photos d’identité, etc.
Après la découverte de ces objets tous plus compromettant les uns que les autres, il a paru logique pour les gendarmes d’engager des poursuites à l’encontre de SS. Dans la foulée, le parquet a été saisi et une information judiciaire a été ouverte contre le suspect et ses éventuels complices. Pendant que les enquêtes se poursuivaient normalement, ces derniers ont eu vent de l’affaire. Ils ont tous pris la poudre d’escampette laissant le pauvre SS seul entre les mains de la justice.
L’AIR INNOCENTS –C’est un suspect qui s’est présenté à la barre avec un air totalement innocent. Comme il avait reconnu les faits à l’enquête préliminaire et devant le juge d’instruction, il a préféré rester dans la même logique devant les jurés de la Cour d’assises. Des preuves irréfutables l’empêchaient de nier quoi que ce soit. Toute fois, l’inculpé a tenté de s’expliquer dans l’espoir de convaincre les juges.
Dans ses explications, il a essayé de rejeter toute la responsabilité de son acte sur ses complices fugitifs. Il s’est défendu d’avoir été approché par le nommé M, chef du gang, qui l’aurait convaincu de se joindre à eux dans le but de former une bande pour s’attaquer aux populations en les dépossédant de leurs biens.
En plus de cela, selon l’accusé, son « chef » lui faisait consommer à son insu des substances narcotiques. Ainsi, SS voulait donner l’impression aux jurés qu’il agissait toujours sous l’effet de la drogue que le chef de gang lui faisait consommer à son insu à travers des nourritures et autres boissons. L‘inculpé a expliqué que tout cela s’était passé à cause du fait qu’il avait perdu son emploi d’apprenti chauffeur.
Le parquet dans son réquisitoire, après avoir relaté les faits, a d’entrée de jeu fait ressortir la fausseté des propos de l’accusé qui voulait donner l’impression qu’il agissait sous l’effet de la drogue, alors que de l’avis du magistrat, cela ne ressort nulle part dans l’arrêt de renvoi.
Ce qui, de son point de vue, prouve à suffisance que l’inculpé a menti et a continué à mentir durant tout le procès. Pour soutenir ses propos, le magistrat a rappelé les aveux de l’accusé à la police et chez le juge instituteur lorsqu’il a affirmé qu’il opérait en bande avec M, le chef de la bande.
Donc, pour l’avocat général, les faits reprochés à SS sont constitués non seulement avec les PV des enquêteurs, mais surtout avec tous ces matériels trouvés en sa possession. Le défenseur des citoyens demanda alors aux jurés de le maintenir dans les liens de l’accusation sans de circonstances atténuantes.
PAS DE QUARTIER-Naturellement, le conseil de l’accusé n’était pas de cet avis. Il a demandé à la Cour de ne pas suivre le parquet dans son réquisitoire. L’avocat a estimé que ce « métier » avait été imposé à son client après que celui-ci a perdu son emploi. Le conseil a tenté de le justifier en soutenant que la vérité dans cette histoire est le fait que l’inculpé était désœuvré.
Chose qui, de son point de vue, l’aurait poussé à accepter ce boulot. « Nous plaidons coupables. Mais tenez compte de sa jeunesse », a-t-il plaidé tout en sollicitant la clémence de la Cour.
à la lumière des débats, la Cour a reconnu l’accusé coupable des faits. Elle ne lui a pas non plus accordé des circonstances atténuantes. Aussitôt le parquet a requis la Cour d’entrer en voie de condamnation contre SS pour des faits de crimes et de délits.
La défense est revenue à la charge et a sollicité la clémence des jurés. Après plusieurs heures de débats et de questions réponses, la Cour a considéré la gravité des faits, et a suivi le parquet dans son réquisitoire, en condamnant l’accusé à la peine de mort.
Tamba CAMARA
Source : L’ESSOR