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Arrêtons de brûler Bamako, pitié

Bamako est, on ne peut plus, une ville très très vulnérable parce qu’ultra inflammable. La capitale du Bamako est loin d’être une paillotte, mais elle est d’un contenu physique non indestructible et de grande précarité. Le combustible le plus commun de cette triste inflammabilité bamakoise est le pneu usé ou usagé. Combustible qui prolifère au rythme de son importation, sans tri ni précaution hygiénique, de l’Occident qui s’en débarrasse à cause de sa vétusté, de sa toxicité et de son défaut de durabilité. Au-delà les déchets d’outils informatiques non recyclables jetés en Europe pour leur dangerosité et ramassés par nos naïfs récupérateurs dans des dépotoirs inimaginables ne faisant aucunement notre fierté.

Dans chaque rue de Bamako, où il y a un vulcanisateur, foisonne un amas de pneus amoncelés et habités par des rats, souris, serpents et autres reptiles venimeux, ou non, qui festoient en l’absence de l’artisan au revenu incertain avec comme rare caractères d’être à la fois matinaux et couche-tard.
N’accusons pas que les pneus usés de « combustibles latents » les plus craints. Les tas de fagots ou bois de chauffe, les carcasses ou épaves de véhicules en fin de vie, les étales de tous genres, les présentoirs de bouteilles de vente d’hydrocarbures et de lubrifiants, les squelettes de motos et de vélos y compris les « Katakatani » (tricycles) en détresse, les poubelles toujours refusant de l’ordure, les gravas de matériaux de construction de BTP, et même des mâchefers vecteurs de tétanos, sont le lot quotidien en objets vétustes et surannés qui encombrent et infestent notre environnement à Bamako et que les pyromanes brûlent notamment lors des manifestations et soulèvements populaires incontrôlables et dévastateurs encouragés par l’impunité et le laisser-faire en cette période de contestations aveugles..
Conséquences, cela intoxique les habitants et polluent l’atmosphère tout en engendrant des maladies respiratoires aux formes variées et quasi méconnues. Et pourtant, un mastodonte que j’ai nommé O Zone, malgré le juteux contrat de prestation qui est le sien et coûtant les yeux de la tête au contribuable malien et qui finit d’ensevelir les GIEs pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes produit un résultat plus que mitigé tandis la situation d’insalubrité s’empire surtout en cette saison hivernale où les égouts et collecteurs vomissent leurs substances abjectes dans lesquelles pataugent les enfants.
Alors, « Au lieu de s’en prendre à son point de chute, il faut en vouloir à l’endroit où l’on a buté » allègue-t-on en bamanan. Au fait, parmi ceux qui ont démissionné, face à un tel désarroi, il ya les mairies autant qu’elles sont, le Gouvernorat du District, la Direction de la Voirie Municipale, les chefs de quartiers, chacun en ce qui le concerne.
Questions existentielles et hilarantes:
– Doit-on laisser un vulcanisateur encombrer la devanture de son atelier de piles de pneus inutilisables, véritables déchets ?
– Que dirait-on d’un boucher du coin de rue qui amasserait tous ses ossements de bœufs, de béliers, de boucs, de chameaux et de lapins dont il aurait vendu la viande milligramme par milligramme, matin et soir comme enseigne ?
– Est-ce que le coiffeur ou la tresseuse bamakoise devrait conserver, ficeler tel un chapelet ou une guirlande les cheveux, perruques et boulettes de poils de ses clients devant son « salon » pour en faire un outil de publicité ?
– Un garagiste qui achalanderait à son pas-de-porte des épaves de collectionneur d’antiquités irréparables et de pièces détachées ne serait-il pas pris pour un timbre fêlé ?
– Tout cordonnier qui attacherait des modèles de chaussures pourries, difficiles à rafistoler, au seuil de sa cordonnerie pourrait-il justifier sa folie de chasse-clients ?
– Est-ce qu’un tailleur styliste ne réfléchirait pas par deux fois avant d’arborer des colifichets devant son entreprise au risque d’être répugné de tout client et d’être traité de «sale tailleur » ?
– Idem pour le menuisier métallique, ou bois, qui se ferait le malin plaisir d’exhiber ses créations allant jusqu’à occuper tout le trottoir exposant du coup les piétons à des accidents non inévitables ?
Voilà donc toute la délicatesse de tolérer, complaisamment, la manie du vulcanisateur qui laisse séjourner devant son business des tonnes pneus en fin de vie, devenant l’ennemi public de la santé.
Cerise sur le gâteau, au moment de se construire une maison le propriétaire fortuné fait déverser, en bon Bamakois, des tonnes de moellons, graviers, pierres, latérite, ciment et fer à béton sur les deux tiers de la voie publique. Il suffit d’nu petit trouble pour que des vandales fassent de ces matériaux des objets de perturbations et d’obstruction de voie publique.
Le comble, dans tout cela, est que l’on feint ignorer que c’est avec ces combustibles latents que des manifestants mal intentionnés et des vandales tombent dans des excès de pyromanie ce si n’est, par néologisme, de la « brûlinite ». C’est avec ces objets insolites et gênants d’une autre nature qu’ils, s’agissant des empêcheurs de tourner en rond, comptent illégalement se sédentariser dans nos rues et sur nos routes et les pirater. Là, ils bénissent la venue des véhicules à fond bleu appartenant à l’Etat pour en faire leur cocktail grossissant du coup les flammes, les explosions assourdissantes, les crépitements et la fumée noire qui en échappe.
Ainsi, l’on ne saurait ne pas avoir un arrière-goût amer de l’opération Ami KANE ex-Gouverneur du District qui venait juste de commencer à changer positivement le visage de Bamako. Pas seulement propre, mais aussi salubre et ordonner au point de lui conférer une visibilité faisant de ces mêmes rues, naguère invivables, des espaces paisibles et agréables. Autres faits déplorables, nos artères devenaient le théâtre des panneaux difformes avec des calibres et gabarits de tous les formats obstruant, dans bien des cas, le champ de vision des citoyens dans un environnement empreint d’anarchie et de laisser-aller.
Autres pratiques entrainant d’autres risques encourus. Ce sont ces stations service ou « essenceries », véritables volcans de surface, ou volcans de ville aux irruptions fréquentes mais dont on ne tire jamais la meilleure leçon de sagesse quant aux séquelles. Pire le danger vient des citernes de carburant, véritables boites à feu, dont les pneus éclatent au mauvais moment et au mauvais endroit comme celle qui s’est renversée et a embrasé les abords d’un quartier résidentiel à commencer par l’aire d’une station Shell de la rive droite du fleuve Niger.
Pendant que nous y sommes, des multinationales du nom de Shell et TOTAL ont colonisé tous les espaces libres et vitaux au cœur et à la périphérie de Bamako, occultant même les poumons verts de cette ville cuvette prédestinée à un confort climatique bienfaisant.
Ironie du sort, il y aurait moins de Stations TOTAL à Paris, ville intelligente qu’à Bamako ville de troglodytes, et moins de Shell à Londres, ville d’avenir, qu’à Bamako ville à guérir d’urgence. A ce contraste se greffe le manque de sûreté de nos labels pétroliers, à qui mieux-mieux, avec une myriade de noms commerciaux de toutes les consonances: Pétro Bama, Tam Oil, Barraka, Petro Golf, NDIAYE et frères, Orix, Ola, Oil Libya, Yara Oil, Yara Services, Pétro Moumou, SANKE, Mandé Oil, AB’Oil et combien d’autres éparpillées aux quatre points cardinaux du Mali.
Alors, si d’aventure une douzaine desdites stations services venaient à faire l’objet d’une attaque terroriste coordonnée quelle en sera l’étendue des dégâts vu la proximité avec les habitations surpeuplées et les distances qui les séparent non règlementaires?
Ô oui c’est vrai que Rome a brulé méchamment et n’a pas disparu. Bamako aussi sait renaitre de ses cendres comme Centaure. Si la Rome antique sous l’agression des barbares fut brulée au 3è degré disons, Bamako de 1991 à 2020 en passant par 2012 ne l’aurait été qu’au 1e r. L’utilisation des mêmes pneus usés en est pour beaucoup.
En 1991, l’ébullition sociale a vite pris les traits d’une révolution populaire sanglante un contexte dictatorial marqué par le corset du parti unique UDPM miné par l’usure, contexte fortement étayé du vent d’Est qui s’avéra plus qu’un ouragan de bouleversement sociopolitique. Dans le feu de l’action, la rue a installé un « Far West » soutenu par l’Occident qui a cru inoculer les vertus de la démocratie pluraliste à nos Etats nains qui malgré l’accession à l’indépendance dans les années 50, pour la plupart d’entre eux ramaient à contrecourant de l’expression des libertés individuelles et collectives avec son corolaire de dictature militaro-fasciste. Résultat, au Mali le 26 mars fut l’épilogue de 23 ans de balbutiements et d’errements anachroniques. En 1991 la vindicte populaire a pris le pas sur l’exorcise de la mauvaise gouvernance faisant basculer la jeunesse d’alors dans l’exécution des basses besognes de manipulateurs tapis dans l’ombre et dictant des sanctions extrêmes au nombre desquelles les lugubres supplices du collier renvoie au temps de l’apartheid en Afrique du Sud, supplices baptisés « ARTICLE 320 ». À l’époque pour brûler vif quelqu’un accusé, à tort ou à raison, d’un forfait cette justice expéditive consistait à lui verser 300 FCFA d’essence plus un pneu usagé à zéro franc CFA et une boite d’allumettes à 20 FCFA en vue d’exécuter la sentence sur la place publique et sans remords et surtout à bas coût. Et voilà qu’après un braquage westernien ayant mal tourné au quartier GOLF, les justiciers ont brulé sur le champ les deux jeunes malfrats qui comptaient sur leur Djakarta vachement rodé. Le syndrome de « l’article 320 » regagne du terrain avec d’autres cas de justice à mort subite à l’instar de cet autre pique-Pocket armé qui fut lynché sans proces dans un marché à bétail à la veille de la Tabaski.
En 2012, presque à l’embouchure d’un nouveau quinquennat, avec espoir de passage de témoin à un nouveau Président de la République démocratiquement élu, nous fûmes surpris par la brutalité d’un tsunami aux relents militaires vite commué en aventure de « Bérets Verts » ayant pris dans leurs mains une patate chaude qui pour eux n’était que de la carotte facile à croquer et à avaler comme de la bouillie fraîche ou de la crème glacée.
La guérilla urbaine se produisant à Bamako tourne en une sauvage pyromanie car l’occasion fait le larron. L’allure que prennent les événements conduit à des saccages furtifs au cours desquels les spectateurs en plus des vandales s’emparent des butins de guerre dont la tentation enivrait certains porteurs de tenue sans scrupule. Mais soulignons qu’il s’agit là, juste, d’une minorité oubliant ou foulant au pied leur raison d’être.
En somme, il est grand temps que tout le monde s’engage à l’unisson et que nous mettions un garrot à la propension à mettre le feu à Bamako pour quelque motif que ce soit. Ce territoire commun qui est plus qu’un sanctuaire de communion mérite le respect en raison duquel « Tu ne dois pas mordre la main qui te nourrit ».
Au delà des questions d’éthique et de probité morale l’Etat et notamment les autorités du District se doivent d’inventer tous les moyens coupe-feux pour préserver Bamako et sa population des flammes, braises et volutes de fumée qu’engendrent les actions machiavéliques faisant faire feu de tout bois. Car il est absurde de scier la branche sur laquelle l’on est assis.
De toute urgence, une identification complète et un repérage systématique des objets combustibles latents doit s’opérer afin d’en débarrasser radicalement la ville de Bamako voire l’étendre à Kati et Koulikoro en attendant le tour des autres grandes agglomérations essentielles dans le processus de développement global du Mali. La vente informelle du carburant doit être encadrée au prix d’une suspension temporaire de cette pratique quasi illicite, et ce, en attendant d’y introduire de nouvelles normes compatibles à cette activité qui nourrit son homme.
Il est recommandable de prendre des mesures conservatoires en prohibant de l’essence, du gasoil et du pétrole lampant aux porteurs de bidons ou tout récipient en dehors du réservoir incorporé à l’engin destinataire. Comme instrument de mise en œuvre le législateur se doit d’encadrer les projets visant à assainir, au figuré comme au propre, les activités susceptibles de favoriser les dérives pointées du doigt pour consolider le vivre ensemble et de tarir à la source les velléités de recourir au feu pour se rendre justice et en tirer parti. Bref, force doit rester à la loi. Dans cette optique toute atteinte y afférent doit-être punie comme tel afin de nous sortir graduellement de cauchemar et de hantise du feu provoqué.
Une union sacrée des protagonistes serait la stratégie la plus intégratrice pour ce départir des comportements anti progrès que prônent certains ennemis peu imbus de notion de bien public et de protection du patrimoine national que l’on doit guère démolir au risque d’effacer les traces d’une glorieuse histoire. Heureusement qu’en Egypte aucune folie n’a éclaboussé les pyramides et obélisques incarnant la quintessence de leur culture pharaonique autour dune mégalopole de plus de vingt trois millions d’habitants à elle seule : j’ai nommé « Le Caire » qui a mené sa dernière révolte à la place Taharir sans casser une brindille.
Donc, en ces moments précis, l’on peut affirmer que le déterminisme du feu obnubile ceux d’entre nous qui croient en leur salut en invoquant la géhenne. A quoi bon faire les Cassandres lorsque l’on s’appelle « pays sous développé » et que, curieusement, cela est synonyme d’insulte et de culpabilité générationnelle car en tant que descendants d’empires et de royaumes faisant notre fierté historique, nous par rapport à nos contemporains, comptons moins dans le concert des nations. Soyons nous-mêmes à savoir : un peuple intrépide qui peut changer le bronze en or et qui a du ressort pour mieux rebondir.
Une fois encore, citoyens du Mali, le feu c’est l’arme du faible, soit-il Hercule ou Adonis, sachant fort bien que le crime appelle le crime pour tout être vindicatif, haineux et jusqu’au-boutiste.
De ce qui précède, récapitulons-nous en disant que le temps de brûler fortuitement Bamako est révolu, et qu’il faut plutôt le feu des industries pour usiner des produits innovants dont l’humanité toute entière a besoin. Un feu de cuisine donne la vie plutôt que de l’ôter : quel bonheur. Un feu qui réchauffe les cœurs au lieu de les brûle ferait notre salut. Toutes les autorités, sans exception, se doivent d’unir leurs efforts afin de dissuader les pyromanes jeunes et vieux, hommes et femmes affublant le Mali de tous les préjugés et de tous les attributs dépréciatifs. Il nous faut prendre le taureau par les cornes et réinventer notre propreté, notre civilité et notre humanité en renonçant au feu négatif bon à tout démolir au profit du feu qui chauffe nos veines à 36 degré Celsius.
Peuple du Mali, Il ne s’agit pas que d’aimer Kigali ou tout le Rwanda. NON ! La solution, c’est de s’en inspirer et de tout remettre à l’endroit avec à la clé une rééducation du citoyen malien et un retour aux valeurs d’antan qui ont donné au Mali dès l’aube des indépendances toute sa grandeur et sa fierté. Sévir quand il faut sévir et congratuler quand il faut congratuler, voilà qui éduque. Le surpeuplement, je pèse mes mots, est tel que la capitale malienne des années 60 & 70 est aux antipodes de la cité des trois caïmans d’aujourd’hui où il n’y a plus de désinsectisation, de désinfection et de dératisation cyclique, et où les pneus usés étaient revalorisés à 99 % pour en faire des chaussures authentiques Fily DABO et d’autres objets utilitaires et où des fous (SDF) pouvaient dormir dans des fossés pendant l’hivernage. Tachons utiliser le feu à bon escient et prônons le dialogue aux vertus inépuisables. Bannissons le feu qui peut créer l’enfer sur terre et anéantir tout avenir.
Souvenons-nous de ce dicton de tous les regrets et véritables imprécations du Roi Cicéron qui invoqua malheur à tout Romain qui rirait et chanterait «Pendant que Rome brûle s’il n’a les yeux et la lyre de Néron ». Pour l’éradication des mauvaises habitudes, la méthode thérapeutique consiste à appliquer strictement la loi ou alors de la créer ci celle-ci fait défaut en tant qu’instrument légal de gestion des phénomènes de société en proie à l’anarchie. Donnons aux différents services techniques qui ont mission à protéger notre cadre de vie à l’instar de la Direction Nationale en charge l’hygiène publique et la lutte contre la pollution et les nuisances environnementales. Pour ce qui est des élus quels qu’ils soient ils sont ainsi interpellés avec obligations de résultat et ce dans les meilleurs délais d’autant qu’il vaut mieux tard que jamais. Sinon confessons-nous, ceux qui ont fait, ceux qui ont laissé faire, ceux qui veulent refaire ou ceux qui veulent défaire, nous sommes tous coupables du mal malien. Ayons pitié de Bamako, une ville à peau de fleur avec laquelle plus d’une similitude existent avec le lugubre tableau qu’Aimé CESAIRE a dépeint des Antilles dans « Cahier d’un retour au pays natal ».

Dioncounda NIAKATE

Source : INFO-MATIN

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