Des rues de Sabalibougou en Commune V du District de Bamako à la Villa Médicis de Rome (Italie), haut lieu de résidence de création de la France, Aly Karembé a méticuleusement gravi les différentes étapes de la formation et du succès. Il s’impose parmi les danseurs africains les plus recherchés
Lors de la Biennale artistique et culturelle à Ségou en 2005, Aly Karembé était le danseur étoile du ballet à thème du District de Bamako intitulé « L’initiation dans la société secrète du Do. Le danseur était un garçon têtu qui voulait coûte que coûte s’emparer du principal fétiche du village.
À chaque tentative, la force surnaturelle du fétiche le rejetait, il tombait, se relevait aussitôt tout en exécutant quelques expressions corporelles de la danse contemporaine. Sa prestation a ébloui le public et les membres du jury. Les commentaires et analyses ont fusé de partout, car très peu connaissaient déjà cette danse et donc chacun allant de sa conjecture. Certains jurés, outrepassant leur fonction, sont allés jusqu’a exiger son exclusion de la troupe de danse au motif qu’il n’était pas malien. L’argument était qu’un jeune malien de son âge, Aly avait 19 ans à l’époque, ne pouvait pas si bien danser.
Le chorégraphe Karim Togola, à son corps défendant, accepta de remplacer Aly par son grand frère du nom de Cheick Karembé, qui évoluait également dans le même corps de ballet. À la proclamation des résultats, c’est le danseur étoile de la troupe de Bamako qui est sacré meilleur danseur. Cheick Karembé prend ce trophée et le remet à son jeune frère. Cet épisode est resté au travers de la gorge de celui qui se considère comme un fruit de la Biennale, car ayant fait ses armes au sein de la troupe du District de Bamako de 2000 à 2005, avec Ba Issa Diallo, cet autre maître chorégraphe.
Auparavant, le jeune Aly s’était fait remarquer à Sabalibougou en Commune V de Bamako pour ses qualités professionnelles de rigueur et de courage. Karim Togola estime qu’Aly Karembé a forgé son talent par sa ténacité et son amour de la danse.
Il est sélectionné pour participer à l’impressionnant spectacle de la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2002 au stade du 26 Mars avec le chorégraphe ivoirien Massidi Adiatou.
L’année d’après, il s’inscrit, avec de nombreux camarades, aux ateliers de danse contemporaines et de composition à « Donko Séko », un espace de formation et d’accompagnement des jeunes danseurs et chorégraphes, initié par la célèbre Haïtienne Kettly Noël. Et dès lors, explose le talent d’Aly Karembé qui ne s’arrête plus. Sur le plan international, il est reconnu comme l’un des plus grands danseurs et chorégraphes du continent africain tant il enchaîne les performances et truste les récompenses.
TOURNÉE MARATHON- Durant sa longue formation en danse contemporaine où danse moderne, soit neuf ans au total, de 2001 à 2009, Aly estime qu’il a passé son « examen en 2008 » quand Kettly l’a choisi pour lui tenir compagnie dans la pièce « Chez Rosette ». Présentée en duo, cette œuvre à succès bénéficie d’une tournée marathon de plus de deux ans à travers une vingtaine de pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe. Aly profite d’une période de pause pour mettre en scène sa première création chorégraphique « Ika Na Son » ou n’accepte pas. Un duo avec le jeune Congolais Lebau Boumpoutou.
Depuis 2003, il est en formation et est accompagné par Kettly Noël et Donko Seko, ateliers de danse et de recherches chorégraphiques, qui lui permettent de faire de nombreuses rencontres avec des professionnels du milieu : chorégraphes, danseurs, techniciens, vidéastes, scénographes…
Il dansera aussi dans « Zones Humides Imaginaires », une création de Kettly Noël pour le festival de l’Ôh de 2009. Danseur et chorégraphe, Aly est aussi formateur à Donko Seko à travers des cours d’initiation à la danse contemporaine et à la danse africaine.
En tant que chorégraphe, il poursuit son parcours en créant son solo IDOBSCURE en 2010, lauréat du prix Fondation Orange Mali 2010, et le duo « Danse esprit, danse en corps » et encore avec le danseur malgache Junior Zafialison sélectionné au concours de la Biennale « Danse l’Afrique danse ! » 2010. Il a créé sa compagnie Karembastudio en 2010 à Bamako. Il est également lauréat du Visa Pour la Création 2010 de Culturesfrance et a effectué sa résidence au Pavillon Noir à Aix-en-Provence.
En 2011, sur les berges du fleuve Niger au Palais de la Culture de Bamako, Aly Karembé, accompagné par un groupe d’artistes venus du Nigéria, a présenté un impressionnant spectacle composé de deux pièces à savoir : « Dieu a quitté l’Afrique ? » et « Les Sorciers ». Sous les sons des flûtes et aux rythmes des pas de danse, sous les projecteurs, les spectateurs ont été émerveillés.
Aly Karembé a été sélectionné aussi parmi les huit chorégraphes et danseurs du continent africain qui, en septembre 2011, ont partagé une résidence de création à la Villa Médicis de Rome. En plus d’Aly, il y avait : la formatrice Kettly Noël, les Burkinabé Salia Sanou et Seydou Boro, les Tunisiens Radhouane El Meddeb, Saifeddin et Oumaima Manaï, le hip hopeur algérien Ahmed Khemis, la Sud-Africaine Nelisiwe Xaba et le Malgache Junior Zafialison.
Tous reconnus comme ayant une démarche singulière aussi bien dans la danse que dans leurs créations chorégraphiques respectives. Pour la première fois, l’Académie de France s’ouvrait aux activités chorégraphiques ; pour la première fois, elle accueillait des artistes africains ; pour la première fois, huit créateurs tentaient un audacieux pari : réaliser une performance conçue et interprétée collectivement dans les jardins de la Villa.
L’idée de cette collaboration inédite est du responsable du mécénat et des activités chorégraphiques de l’Académie de France, Karim Maatoug. Il avait souhaité, avec l’appui du directeur Éric de Chassey, lui-même amateur de danse, rendre hommage aux artistes africains et faire connaître leur travail. Il s’agissait de « créer des liens pour renforcer les réseaux et institutions existants ».
En novembre 2019, Aly Karembé fut invité par le 10e Festival international de la danse contemporaine d’Alger à proposer une adaptation de sa création avec un groupe de danseurs algériens composé de professionnels et d’étudiants du Conservatoire de danse d’Alger.
S’inspirant d’une histoire familiale, le chorégraphe, metteur en scène et danseur malien, Aly Karembé entendait, à travers « Les sorciers », performance à huit tableaux, répercuter sur la scène artistique, une tradition ancestrale, qui voulait que les « membres d’une même famille », élisent celui qui devait « partir travailler en terre d’exil » et qui devait être, pour cela, le plus « fort » et le plus « dynamique ». Une oeuvre présentée au Festival international de danse contemporaine d’Alger.
Source : L’ESSOR