par Holger Hansen et Andreas Rinke
BERLIN, 6 juillet (Reuters) – Les trois partis de la coalition au pouvoir en Allemagne, le Parti social démocrate (SPD), l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel et son allié bavarois l’Union chrétienne-sociale (CSU), ont trouvé un accord jeudi soir sur l’immigration.
Cet accord de deux pages met fin à un différend entre la chancelière CDU et son ministre de l’Intérieur CSU Horst Seehofer, qui menaçait de faire éclater la “grande coalition” droite-gauche au pouvoir quelques mois à peine après sa laborieuse création.
Défiant Angela Merkel, Horst Seehofer avait menacé de renvoyer à la frontière le petit nombre de demandeurs d’asile – un maximum de cinq personnes par jour – qui se présentent en Allemagne après s’être enregistrés dans d’autres Etats de l’UE.
L’accord conclu jeudi soir prévoit une accélération des procédures de renvoi des migrants ayant déjà demandé l’asile dans un autre pays de l’Union européenne vers le pays en question, comme le prévoit la législation en vigueur dans l’UE, mais seulement s’il y a des accords bilatéraux avec le pays où ils se sont enregistrés en premier.
Les partis prévoient aussi de présenter une loi sur l’immigration d’ici la fin de l’année.
L’accord prévoit que les demandes d’asile enregistrées dans d’autres pays de l’UE soient traitées dans les 48 heures dans des postes de police – et non dans des centres de transit séparés – si les demandeurs ne peuvent pas être transportés à l’aéroport de Munich pour retourner dans le pays de leur première demande d’asile.
La mise en oeuvre concrète de ce point va nécessiter la signature d’accords avec l’Italie et d’autres pays qui se sont montrés peu désireux de reprendre les migrants.
Par ailleurs, les ministres de l’Intérieur allemand et autrichien rencontreront la semaine prochaine leur collègue italien pour étudier les moyens de “couper” la route de l’immigration entre l’Afrique et l’Europe via la Méditerranée, a annoncé le chancelier autrichien Sebastian Kurz.
“EXTRÊMEMENT SATISFAIT”
L’accord éloigne le risque l’effondrement du gouvernement d’Angela Merkel et empêche une scission au sein du bloc conservateur CDU-CSU, mais cette affaire a mis en lumière la fragilité du gouvernement et laisse entrevoir de nouveaux conflits.
Le ministre de l’Intérieur (CSU) Horst Seehofer a déclaré aux journalistes qu’il était “extrêmement satisfait” de l’accord, malgré le fait qu’il ait dû renoncer à son appel en faveur de centres de transit à la frontière.
La présidente du SPD, Andrea Nahles, a souligné que l’accord ne prévoyait pas la création de centres de transit et aucune décision unilatérale de l’Allemagne. Le SPD avait fait valoir que de tels centres pourraient être considéré comme des camps d’internement.
“Je veux être très claire sur le fait que nous n’avons pas accepté une sorte de compromis. A la place, nous avons rédigé une nouvelle proposition qui comprend des solutions raisonnables. Et la CDU-CSU a joué une pièce de théâtre ces trois dernières semaines qui était indigne de ce pays, notre pays”, a déclaré Andrea Nahles.
La secrétaire générale de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, a elle aussi salué l’accord.
“Avec cela, la coalition tout entière s’est engagée vers l’objectif de gérer, contrôler et limiter l’immigration”, a-t-elle dit. “Cet accord permet à notre politique migratoire d’être efficace, de rester humaine et de réussir.”
Les arrivées de migrants ont fortement chuté en Allemagne après avoir dépassé en 2015 le million de personnes en raison notamment de la guerre en Syrie.
En 2017, un total de 15.414 personnes ont demandé l’asile aux frontières allemandes, dont 1.740 à la frontière germano-autrichienne, soit environ 4,7 par jour, selon les données du ministère de l’Intérieur fournies aux parlementaires du parti de gauche Die Linke.
Certains membres du SPD ont accusé Horst Seehofer d’avoir déclenché la crise de la coalition pour rassembler les électeurs de droite avant les élections régionales au mois d’octobre en Bavière, après la perte d’un million d’électeurs conservateurs au profit de la formation d’extrême droite Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne) aux élections législatives de septembre dernier. (Avec Joseph Nasr, Andrea Shalal, Scot Stevenson, Tom Koerkemeier et Michael Nienaber Arthur Connan et Danielle Rouquié pour le service français)