Comment éviter ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011 ? Comment faire des élections des moments de vitalité démocratique et non des périodes de vives tensions, voire de violences politiques ?
A écouter experts et acteurs de la société civile qui alertent déjà sur les risques de tension, ce genre de questions ne peuvent manquer d’effleurer les esprits, à un moment où au moins sept pays ouest africains vont connaitre des élections d’ici 2021.
En 2019, une élection présidentielle aura lieu au Sénégal, des élections générales au Nigeria et des législatives au Mali, au Bénin, en Guinée et en Guinée Bissau.
La pré-campagne au Sénégal a été marquée par une violence verbale que dénoncent déjà des organisations de la société civile.
La tenue de cette élection est caractérisée par un manque de consensus, notamment avec l’introduction d’une loi très controversée sur le «parrainage» citoyen qui a permis de réduire considérablement le nombre de candidats.
Sur une trentaine de candidats déclarés, seuls cinq candidats ont été finalement retenus par le Conseil constitutionnel. Les 25 recalés n’ont pas pu satisfaire aux exigences du parrainage, selon le Conseil constitutionnel, une institution très décriée par une bonne partie de l’opinion qui lui reproche son manque d’autonomie par rapport à l’exécutif.
«Le Sénégal malgré plusieurs sursauts citoyens ayant permis de réaliser des alternances, reste une démocratie (aux) acquis fragiles», avertit le Gorée Institute (Centre d’études et de réflexion ayant son siège à l’île du même nom), dans un rapport consacré à la période préélectorale publié le 22 janvier 2019.
Du 15 novembre au 30 décembre, le Gorée Institute a recensé huit cas de violences dont la plupart à Dakar (cinq cas) et un cas dans des régions comme Diourbel (centre), Saint-Louis (nord) et Ziguinchor (sud).
Présenté souvent comme un modèle de démocratie, le Sénégal désormais « inquiète la communauté internationale », souligne Alioune Tine le fondateur du think tank AfrikaJom. En 2012, la répression des manifestations contre la candidature d’Abdoulaye Wade avait fait dix morts, avant le scrutin.
Inaugurant ce printemps électoral que va vivre la sous-région jusqu’à 2021, le Nigeria va organiser des élections générales et notamment une présidentielle dont le premier tour est prévu, le 16 février 2019.
Rappelant le contexte social très chargé avec l’insurrection armée de Boko Haram et le latent conflit entre éleveurs et agriculteurs, le think tank, International Crisis Group (ICG), a identifié cinq zones susceptibles de s’embraser pendant et après les élections. Il s’agit notamment des Etats de Rivers (sud) , Akwa Ibom (sud-est), Kaduna (nord), Kano (nord), Plateau (centre) et Adamawa (nord-est).
En 2015 les violences pendant et après l’élection présidentielle au Nigeria avaient fait plus de 100 morts, selon ICG.
Mécanisme d’alerte
Dans le lot des pays qui vont vivre une élection présidentielle en 2020, on compte la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Togo.
Selon le Réseau Ouest-Africain pour l’Édification de la Paix (Wanep, sigle en anglais), des risques pèsent dans ces pays, comme dans les autres.
Des zones à risques ont été identifiées dans chacun des pays concernés, a déclaré à Ouestaf News, Julien Oussou, qui coordonne un projet visant à sonner l’alerte.
Au Togo, en 2005, entre 400 et 500 personnes ont été tuées avant et après l’élection présidentielle qui a vu l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005.
Actuellement un climat tendu règne entre le président Faure Gnassingbé et l’opposition dont la frange la plus représentative a boycotté les élections législatives de décembre 2018. Si la crise persiste, la présidentielle prévue en 2020 risque d’être chaotique.
La principale revendication de l’opposition (qui a boycotté les législatives de décembre dernier), à savoir un scrutin à deux tours, et le retour à la Constitution de 1992 restent entière.
Entre novembre 2010 et avril 2011, suite à un scrutin dont les résultats étaient contestés par les deux principaux protagonistes, l’actuel président Alassane Ouattara et son prédécesseur Laurent Gbagbo, la Côte d’Ivoire avait plongé dans un conflit post-électoral, qui selon un bilan officiel avait fait 3.000 morts.
Alassane Ouattara qui va achever ses deux mandats légaux, n’exclut toutefois pas de briguer un autre mandat en 2020, ce qui assombrit davantage l’horizon de ce scrutin.
Chez le voisin guinéen, il est aussi prêté au président Alpha Condé la tentation de modifier la constitution pour briguer un 3èmemandat et le récent report des législatives, suivi de la prorogation du mandat des députés, augmente davantage la suspicion de l’opposition.
Beaucoup d’observateurs craignent que ce report des législatives n’entraîne celui de la présidentielle de 2020. Pendant et après la présidentielle de 2015 en Guinée, les violences avaient fait 13 morts, selon Amnesty international.
MN/ts
ouestaf