Le 15 mai 2015, la salle Djeli Baba Sissoko du Centre international de conférences de Bamako accueillait solennellement la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale entre le gouvernement du Mali et la Plateforme, puis avec la CMA un mois plus tard. Un vent d’espoir soufflait. Quatre ans après, la situation a empiré et certains s’interrogent sur la viabilité de l’Accord en l’état.
Chaque jour qui passe, le sang coule dans une partie du territoire national. Des attaques armées, des mines, des braquages, ont installé un climat de terreur inégalé. Pourtant, il y a quatre ans, un Accord pour la paix et la réconciliation nationale à l’issue du processus d’Alger avait été conclu en deux temps entre le gouvernement, la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Sa mise en œuvre prévoyait tout, sauf la situation actuelle de violence du nord au centre. Pour le porte-parole de la CMA, « c’est le manque de volonté qui a fait qu’il y a un pourrissement de la situation ». « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en train de perdre seulement le Septentrion du pays, mais aussi le Centre et le Sud. Nous avions dit qu’il fallait une armée nationale refondée, reconstituée et redéployée dans les régions septentrionales pour circonscrire l’ensemble des problèmes de sécurité auxquels nous pouvions faire face, mais on ne nous a pas écoutés », se plaint Mahmoud Ould Mohamed. Selon lui l’aggravation de la situation découle du retard accusé dans la mise en œuvre et du fait d’avoir occulté les axes principaux de l’accord. « Quand nous avons signé l’accord, en 2015, le problème de Mopti et du Centre n’existait pas. En 2014 et 2015 on cherchait à redéployer l’armée à Kidal. Aujourd’hui il y a des difficultés à le faire à Ségou et à Mopti », précise-t-il. Le porte-parole de la CMA estime que l’Accord devrait s’attaquer aux axes majeurs, comme la révision constitutionnelle, au lieu de s’attarder sur les autorités intérimaires ou le MOC, 48 mois après sa signature. « Cela n’est plus du retard mais un rejet », accuse-t-il.
Relire l’Accord ?
Ces absences de progrès et la crainte d’une partition programmée du pays alimentent les velléités de relecture de l’Accord afin de l’adapter au contexte et pour le faire accepter par le peuple. « Il est aisé de constater que sur le terrain l’Accord n’a pas instauré la paix, parce qu’il n’émane pas des communautés concernées. Il a été conçu et imposé du dehors », explique le Professeur Issa N’Diaye. Il ajoute « l’insécurité et les conflits armés ont créé une économie malsaine, dont se nourrissent certains groupes armés » et « on ne saurait arriver à la paix sans démolir les bases de cette économie malsaine ». En outre, de la signature de l’Accord à aujourd’hui, de nouveaux acteurs sont apparus sur le terrain. « L’État est confronté à une réalité tellement complexe que s’attaquer à la mise en œuvre de l’Accord demande au préalable un certain nombre des réformes institutionnelles. Or, à ce niveau, il y a la réticence de la société civile, l’instabilité politique et le chef de l’État lui-même, qui semble être à l’arrière-plan sur toutes ces questions », relève le politologue Ballan Diakité. Selon lui, il y a des craintes qui expliquent la « nonchalance » de l’État. « Demander à un État fragilisé de mettre en œuvre un accord pour l’autonomisation de certaines régions alors qu’il y a des velléités séparatistes, c’est précipiter d’une certaine façon la division ». Le Professeur Issa N’Diaye pense que « cet accord est mauvais » et que « sa viabilité passe par sa renégociation avec les populations concernées ». Une alternative qui ne fait pas l’unanimité. « Il est prévu que les parties maliennes, entre elles, discutent d’un certain nombre des choses, mais il n’est pas question de remettre l’Accord sur la place publique pour en débattre avec des partis politiques ou d’autres », réfute le porte-parole de la CMA.