En milieu songhoy, auparavant, chaque étape de la vie ou chaque grand événement était magnifié par une coiffure particulière. Rien qu’à voir la tresse permettait de deviner l’événement. Aujourd’hui, c’est tout le contraire: la jeune fille s’intéresse plus à des tresses venues d’ailleurs qu’à celles de son terroir, regrette le blogueur Anassa Maiga.
our savoir un peu plus sur chaque coiffure, sa signification, je me suis rendu à la maison des artisans de Gao pour rencontrer une artisane, spécialisée en coiffure traditionnelle et en commercialisation des parures. Selon elle, dès sa naissance, la jeune fille est initiée. Chaque coiffure portée par une femme songhoy a une signification ou un message. Elle montre soit l’âge de la fille, soit le statut social d’une femme ou encore un évènement particulier.
De la naissance jusqu’à 7 ans, la tête de la fille reste sans cheveux, rasée comme les garçons. De 7 jusqu’à 10 ans, la jeune fille porte sa première coiffure qu’on appelle Jissi. Pendant cette tranche d’âge, la jeune fille est interdite de porter des parures.
Un cœur à prendre
À l’âge de la puberté, jusqu’à la veille de ses noces, la jeune fille portera sa seconde coiffure, toujours sans parures, qu’on appelle Tchessi. Toute fille qui porte cette coiffure est désormais un cœur à prendre, donc peut se marier.
À la sortie de la nuit des noces, la nouvelle mariée doit porter Hilo-Hilo, la coiffure de la nouvelle mariée. À partir de cette étape, la femme peut porter des coiffures avec des parures. Cependant, chaque coiffure qu’elle portera désormais sera porteuse de signification.
Parmi les nombreuses coiffures en milieu songhoy, il y a celles qui expriment le désir de la femme de trouver un mari. On l’appelle communément Zota-Kambou. Mais, seule la femme mariée peut porter le Zoumbou. C’est aussi la coiffure réservée aux grands évènements (mariage, fête). Toute femme célibataire qui porte Zoumbou ne trouvera plus de mari, selon la tradition. Quant à la femme qui accouche, elle doit porter après la quarantaine une coiffure qu’on appelle Chato. Selon le sexe de l’enfant, un garçon ou une fille, la coiffure sera accompagnée de parures différentes.
Une tradition délaissée
Ces coiffures, très significatives de notre patrimoine, qui parlent à ceux qui les voient, sont malheureusement délaissées aujourd’hui au profit des perruques, des mèches brésiliennes. Les conservateurs de notre tradition alertent pourtant sur le délaissement des valeurs qui font la fierté des Songhoy.
Oumou Boubacar, explique ce phénomène par une ouverture au monde: « C’est une question d’évolution, car notre génération perd chaque jour son identité, sa culture au profit d’une autre culture. Les coiffures traditionnelles qu’elles font maintenant n’ont presque pas de signification. Il est rare de voir nos tresses anciennes « ,explique-t-elle.
Délaissement d’une identité culturelle
Celles qui ont traversé la belle époque des tresses traditionnelles regrettent le délaissement d’une identité culturelle au profit d’une autre. Maïmouna, 60 ans, rappelle que lorsqu’elle était encore jeune, les jeunes filles rivalisaient de belles coiffures traditionnelles dans presque tous les évènements.« Il faudrait qu’on revienne à nos coiffures d’antan, même s’il faut une ouverture aux autres, estime-t-elle. Mais la priorité, c’est ce qui nous appartient. Nos coiffures conféraient à nos fêtes toute une signification. Dans les familles, tout le monde savait plus ou moins tresser. On n’avait pas besoin d’aller ailleurs pour se faire belle. Mais aujourd’hui, pour se faire belle, les jeunes filles vont toutes au salon de coiffure. »
Pour beaucoup de jeunes filles, ces coiffures traditionnelles sont d’un autre âge. Il faut être à la page des nouvelles coiffures pour paraître belles. Peu de femmes se plaisent à porter les coiffures traditionnelles lors des évènements. Niamoye, qui ne cache pas sa préférence pour la coiffure traditionnelle songhoy, conclu pourtant qu’elle est« l’expression d’une culture, d’une civilisation et s’impose malgré l’affluence des coiffures modernes « .
Source: l’Indépendant