Convoqué à plusieurs reprises par la justice malienne pour s’expliquer sur plusieurs événements sanglants, l’ex-capitaine putschiste a décidé de faire la sourde oreille… Les auditions manquées de celui qui est maintenant général prennent des allures de feuilleton et la presse malienne s’impatiente et s’interroge.
« Un mandat d’amener a été lancé, il y a deux semaines, contre le général Sanogo, soupçonné d’avoir les mains entachées du sang de ses frères d’armes. Mais celui-ci ne semble pas être inquiété et ne cesse de narguer la justice », relève le site d’information Malijet. Malijet qui, du coup, se pose bien des questions… notamment sur les liens de l’officier avec le président IBK. « Aujourd’hui, l’affaire Sanogo n’est – elle pas devenue une “petite danse indansable” pour IBK ? En trainant son “ex-allié électoral” devant la justice, IBK ne risque-t-il pas d’être surpris désagréablement ? Aussi, en laissant Sanogo tranquille, IBK ne sera-t-il pas à son tour embêté par les organisations de défense des droits de l’homme ? Et s’il est vrai que “Kati ne fait plus peur à Bamako”, pourquoi les nouvelles autorités ont-elles autant de peine à amener Sanogo devant la justice ? Pourquoi ne lèvent-elles pas la confusion autour du statut de Sanogo ? »
Protections ?
Certains partis politiques commencent également à donner de la voix, notamment le FDR, dont les propos sont relayés par le quotidien Le Républicain : « le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République est profondément indigné devant le refus du Capitaine Sanogo de répondre aux convocations du juge d’instruction chargé de l’enquête sur les disparitions forcées et les exécutions sommaires perpétrées à Kati en mai 2012 et en octobre 2013. » Et le FDR de se poser aussi bien des questions : « De quelles protections bénéficie le capitaine Sanogo pour narguer et défier la justice du Mali ? Pourquoi le gouvernement est-il impuissant à faire comparaître devant la justice un homme soupçonné d’avoir commis, ordonné ou couvert des graves violations des droits de l’homme ? Le FDR se demande si le gouvernement veut faire la lumière sur les crimes commis à Kati. »
En attendant, c’est donc la « grande confusion », relève L’Indicateur du Renouveau, autre périodique malien. « Le capitaine, bombardé général d’armée 4 étoiles, a tout simplement pour la énième fois refusé de répondre à la convocation de la justice. L’entourage du général nous a même déclaré que la convocation était “un non-événement”. Au cours de la soirée, une source nous a indiqué, poursuit L’Indicateur, que le chef d’Etat major général des armées a décidé de l’amener devant le juge par la force. Vrai ou faux, attendons de voir. »
Contre-modèle…
En tout cas, l’affaire déborde des frontières maliennes… « Que cache la résistance de Sanogo ? », s’interroge ainsi le site d’information Guinée Conakry Infos. « Le fait d’avoir été désarmé et contraint à quitter sa tanière de Kati prouve que l’étoile de l’auteur du coup d’Etat contre le président ATT a plutôt pâli ; mais le fait qu’il s’obstine à ne toujours pas se présenter devant le juge d’instruction tend à prouver que sa déchéance est plutôt relative. Est-ce un bras-de-fer à l’issue incertaine, entre lui et ses partisans et le président Ibrahim Boubacar Keïta ? D’une certaine façon, conclut Guinée Conakry Infos, cette résistance ardue de la part de Sanogo, est le reflet d’une emprise plutôt relative des nouvelles autorités sur le pays. Ce, au niveau de Bamako même ! »
« Quand un général se braque ! », s’exclame pour sa part L’Observateur Paalga au Burkina. « De qui se moque le général d’opérette Amadou Sanogo ? Du juge Yaya Karembé qu’il a snobé en refusant de comparaître (…) ? De l’institution judiciaire malienne dont il estime être au-dessus ? De l’Etat malien qu’il a dirigé par suite de son coup de force du 22 mars 2012 ? Du peuple malien au nom duquel la justice est rendue ? Et bien, de tout ça à la fois », répond le quotidien burkinabè.
Et L’Observateur de hausser le ton : « jusqu’où le Mali et les Maliens continueront-ils à supporter le narcissisme exacerbé d’un homme qui ne reconnaît l’autorité de personne et de rien ? Issu d’un corps dont loyauté, respect et discipline sont le fondement, le général Sanogo est devenu le contre-modèle du militaire dont l’armée malienne a besoin pour assurer la pérennité des institutions républicaines. Il est des choses, relève encore L’Observateur Paalga, avec lesquelles tout Etat digne de ce nom ne doit pas badiner. Parmi elles, l’autorité de la Justice. Sanogo doit comparaître devant le magistrat instructeur. Même s’il faut, pour cela, l’y conduire au lasso. Force reste à la loi. »
Source : RFI