Intellectuellement désarmés à diriger un État, manque de formation politique et idéologique, de vision, de culture et de pratique démocratiques, les pseudo-démocrates maliens se sont montrés piètres dirigeants à traduire en actes concrets les aspirations profondes du peuple malien, à savoir le changement pour une autre gouvernance. Pire, ils se sont servis des maigres ressources de l’État. Résultat: le Mali est au bord de la désintégration. Et malgré ce chaos généralisé dû à leur arrivée au pouvoir, les acteurs du Mouvement démocratique ne veulent pas assumer leur part de responsabilité dans la descente aux enfers du Mali. À plus forte raison présenter des excuses publiques au peuple malien.
Accusés par une partie importante du peuple malien d’être les principaux responsables de l’effondrement de l’État du Mali durant les trente (30) dernières années, les acteurs du Mouvement démocratique n’en ont cure. Ils continuent toujours à défendre leur bilan, à l’origine de tous les problèmes de notre pays, comme si le Mali n’en avait jamais eu depuis son indépendance en 1960. Et ils croient dur comme fer à leur ‘‘démocratie à se servir’’ comme gage de la stabilité du Mali, oubliant que cette démocratie, calquée sur d’autres cultures, est la source de toutes les crises depuis le coup d’État du président Alpha Oumar Konaré perpétré, à la suite d’élections bâchées du 13 avril 1997, contre le peuple malien.
Trente et un (31) ans après la chute du général Moussa Traoré, le Mali est toujours à la cherche d’une autre voie pour amorcer un développement harmonieux et durable au bénéfice de l’ensemble du peuple malien. Les femmes et les hommes, qui devaient porter le changement après le départ du général Traoré du pouvoir, le 26 mars 1991 pour une autre gouvernance, se sont montrés piètres gestionnaires dans la conduite des affaires de l’État. Ils ne se sont jamais montrés à la hauteur des enjeux pour traduire en actes concrets les aspirations du peuple malien, las de plus de vingt ans de dictature du général. Il était impensable d’imager que la démocratie tant vantée pouvait être phagocytée par une minorité d’acteurs du Mouvement démocratique et devenir un monstre. Elle a été un instrument politico-médiatique entre les mains de ces opportunistes, arrivistes, comploteurs pour se servir des caisses publiques. De passage, dans cette quête de s’enrichir comme un éclair, ils ont cassé tous les ressorts de notre pays et avec comme conséquence la destruction de l’homme malien.
Course effrénée à l’enrichissement personnel
L’échec des pseudo- démocrates de la conduite des affaires de l’État ne pouvait surprendre certains observateurs avertis de la scène politique malienne. Ils avaient prédit que le combat de beaucoup de femmes et d’hommes du Mouvement démocratique ne pouvait aucunement servir les intérêts supérieurs de la nation malienne. Dans la mesure où le gros lot de la tête pensante du regroupement politique était des maigris de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM, ex-parti unique). Ils ont expliqué que ceux qui avaient perdu leur place dans les instances du parti, avaient gardé une dent contre le général Moussa Traoré et les autres avaient été sanctionnés pour avoir commis des fautes administratives ou se sont rendus coupables de détournements de l’argent public. Eux ne voulaient pas entendre le nom du secrétaire général de l’UDPM. Comme prédit, les choses se sont déroulées ainsi. À la suite des élections législatives de 1992, on comptait plus de cinquante anciens secrétaires généraux de l’UDPM élus députés sous les couleurs de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ). Début de la restauration !
Aussi, ont-ils insisté sur le fait qu’ils étaient intellectuellement désarmés à gérer un État, qu’ils manquaient de vision, de formation politique et idéologique, de culture et de pratique démocratiques pour réaliser le changement, slogan de la lutte contre le régime du général Moussa Traoré. Bonjour les dégâts !
Et les conséquences de la démocratie importée ne pouvaient être que désastreuses sur le quotidien des Maliens. Elle a été un véritable tremplin pour les démocrates à se servir des fonds publics, reléguant au second plan la satisfaction des besoins vitaux du peuple malien. Ils en ont fait à leur tête la gestion du pays. Et à la grande surprise des uns et des autres, une liste de vingt et un milliardaires dont seize fonctionnaires est publiée par la presse. Elle fait suite à un rapport de la Banque mondiale, en 1999. Place à l’enrichissement illicite et personnel !
Les scandales politico- financiers se suivent et ne se rassemblent pas sous l’ère dite démocratique. De nombreux projets et programmes, financés à coût de milliards de F CFA, ont vu le jour. Malheureusement, les espoirs ont été déçus. Le PGNR, PASAOP, PRODEC, PRODEJ, PRODES, Fonds Mondial, PISE, affaires des engrais ‘‘frelatés’’, de l’achat de l’avion présidentiel, des équipements militaires sont passés par là. Ils ont mieux servi les premiers responsables de ces structures, les acteurs politiques, les caisses du parti au pouvoir que les masses laborieuses.
Les Organisation non-gouvernementales (ONG) avaient pignon sur rue. Elles ont subi le même sort que ces projets et programmes. Le trafic des armes, de la drogue (Air cocaïne, en 2009), de cigarettes et de la contre bande de toutes natures ont fait le bonheur d’une race d’hommes politiques maliens et leurs complices dans l’impunité totale. Des marchés de gré à gré des centaines de millions sont attribués à qui l’on veut en violation des règes établies. Les dons sont détournés. Les pays sont dépossédés de leurs terres de cultures au profit des paysans de dimanche.
Dans cette course effrénée à l’argent facile, chaque régime crée ses propres ‘‘opérateurs économiques’’ pour une véritable mainmise sur les richesses nationales. Ils bénéficient de tout: exonérations, autres facilités au détriment des vrais opérateurs économiques qui s’acquittent des impôts et taxes. Des sociétés écrans sont créées pour bénéficier des marchés de l’État. Ils sont actionnaires dans des sociétés de téléphonies mobiles, des agences de communications, des banques, des structures à sous de l’État (PMU-Mali). Ils ont délibérément liquidé des sociétés et entreprises de l’État pour leurs intérêts personnels (HUICOMA, chemin de fer…).
Ces affaires mafieuses ont toujours mis en cause des hommes politiques, élus ou nommés pour abréger la souffrance de leurs compatriotes. Ils sont au début, au milieu et à la fin de toutes les affaires de détournements de deniers publics, de corruption, de délinquance financière, de surfacturation. Ainsi, la démocratie à se servir a atteint ses limites objectives. Elle a montré toutes les couleurs au peuple malien. Elle a plutôt enrichi les hommes politiques et certains de leurs soutiens et produit des gens aux fortunes douteuses. Une nouvelle page doit s’ouvrir pour les Maliens qui aspirent au changement, depuis le 26 mars 1991. Et cet espoir est né avec le coup d’État du 18 août 2020 contre Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) pour une réelle refondation de l’État malien.
À condition qu’un nouveau type de Malien soit au cœur de la refondation de l’État pour mettre en pratique le changement souhaité, depuis 1991, là où les pseudo-démocrates ont lamentablement échoué.
Yoro SOW