Le vendredi 25 mars 2022, la conférence des Chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réunie au Ghana pour plancher sur la situation politique au Mali, en Guinée Conakry et au Burkina Faso. À l’issue du sommet et pour ce qui est du cas du Mali, elle a maintenu ses sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le pays. Quelques jours avant ce sommet, son médiateur était à Bamako pour négocier, s’il en est, la durée de la transition. Car, les autorités de la transition avaient proposé au départ trente-six (36) mois, après vingt-neuf (29) mois, et puis vingt-quatre (24) mois, mais le médiateur est resté cramponner sur douze (12) mois. Alors, l’on est en droit d’affirmer que l’organisation sous-régionale ne souhaite pas la réussite de la transition au Mali.
Nul n’ignore que les propositions de la partie malienne attestent de la bonne foi des autorités maliennes qui, par souci d’ouverture, ont renoncé aux cinq ans recommandés par les Assises nationales de la transition (ANR). Malheureusement face aux autorités de la transition, le médiateur de la CEDEAO, Goodluck Johnatan et sa délégation ont dressé un mur de silence ou plutôt d’opposition. Pourtant, cette délégation a reconnu toute la pertinence et l’intérêt des réformes à opérer avant l’organisation de toute échéance électorale. Alors, comment peut-on expliquer la sourde oreille ou plutôt l’oreille distraite des représentants de la CEDEAO aux motivations des autorités de la transition quant à la proposition de la durée de la transition alors que les réformes à engager sont des recommandations amplement formulées, en 2018, par cette même communauté à la suite des élections législatives organisées dans des très mauvaises conditions dans notre pays et qui ont engendré une crise politique sans précédent ayant débouché, en août 2020, sur la chute du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta ?
Le cas malien donne du tournis à la France et ses suppôts Ouest-africains, c’est pourquoi l’on veut empêcher qu’il ne se propage
Alors que les négociations plutôt les entretiens entre le Mali et la délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se déroulaient à Bamako, Emmanuel Macron, le président de la République française, avait fait une sortie médiatique particulièrement insultante vis-à-vis des autorités maliennes et de la CEDEAO elle-même. En effet, répondant à une question de journaliste relative à la suspension par le Mali des médias d’État français, notamment RFI et France 24, Macron a d’abord condamné cet acte avec la dernière rigueur, a poursuivi, ensuite, en annonçant gaîment qu’il allait s’entretenir dès le lendemain, avec le président en exercice de la CEDEAO, le Ghanéen Nana Addo Akufo, sur les décisions à prendre par cette institution sous-régionale contre le Mali, et puis, la France allait appuyer ces décisions comme elle l’a toujours fait par le passé. Autrement dit, le président français s’est senti si vexé par la suspension de ces médias qu’il trouve juste qu’il faut prendre appui sur la CEDEAO pour sanctionner davantage le Mali.
Avec cette déclaration, Macron a montré que la CEDEAO est à sa solde. Au nom de quoi donc, le président français s’est prévalu de ce pouvoir d’interpeller le président en exercice de la CEDEAO à cause de la décision d’un État souverain de suspendre des chaînes dont la ligne éditoriale ne lui convient plus, du fait de la propagation de fausses informations visant à déstabiliser le pays et à démoraliser les forces armées maliennes ? L’octroi des fréquences à ces chaînes par les dirigeants maliens avait-il impliqué la CEDEAO ? Sinon, pourquoi donc leur suspension devrait engager cette communauté si ce n’est un forcing lâche qu’a décidé d’opérer le président Macron en vue de nuire perfidement au Mali ?
Toutes ces incongruités, ces maladresses et ces écarts de langage de la part des autorités françaises montrent clairement qu’elles sont bien frileuses et surtout inquiètes de voir le Mali réussir le pari d’une bonne transition qui va déboucher sur une élection équitable, libre et transparente devant garantir au peuple malien, des institutions fortes, légitimes et souveraines qui travailleront pour le seul intérêt du Mali. Une telle réussite constituerait un vrai crime de lèse-majesté aussi bien pour la France que pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Précisément parce que cela constituerait un précédent fâcheux et une vraie jurisprudence qui va nécessairement et immanquablement inspirer d’autres peuples dans cette sous-région. Ceci est d’autant plus vrai que la plupart des dirigeants de cette communauté, notamment dans sa partie francophone, tirant leur légitimité à partir de Paris et non de leur peuple, savent pertinemment que la réussite de la transition au Mali ouvrirait les yeux à leurs peuples qui, de toute évidence, se réveilleront pour exiger un autre système de liberté et d’épanouissement qu’ils ne seront pas en mesure d’assouvir. Voilà pourquoi, dès le départ, ils ont choisi la voie de l’acharnement, de la pression de toutes natures, des menaces, des coups- bas, du sabotage et surtout de punition sévère des dirigeants et du peuple maliens, dès lors que ceux-ci ont manifesté une velléité affichée d’affranchissement en établissant de nouveaux partenariats, notamment sur le plan militaire, en vue de venir à bout du terrorisme et du djihadisme que la France et ses multiples partenaires ne sont jamais parvenus ni à éradiquer ni à limiter l’expansion sur le territoire malien.
Ainsi donc, aussi bien la CEDEAO que la France n’ont d’intérêt à voir les Maliens mener avec succès et sans heurts majeurs, leur transition jusqu’aux élections véritablement démocratiques. Car un tel pari signifierait la perte définitive de la mainmise de la France sur ce pays et partant, sur bien d’autres de l’espace communautaire qui entreront dans la dynamique de libération par un effet logique d’entraînement. Il apparaît donc évident que l’invitation adressée au président Goïta, en vue de prendre part au sommet extraordinaire d’Accra, le vndredi 25 mars dernier, n’est que de la pure diversion qui vise à le distraire et à le contraindre à la soumission pure et simple, au regard de sa velléité et de sa détermination à inscrire son peuple dans le registre des combattants de la vie qui jurent de prendre leur destin en main. Il ne saurait en être autrement puisque dans l’entendement du président Macron, le Mali étant un pays de l’espace francophone, il ne peut disposer de marge politique quelconque pour s’aventurer vers d’autres partenaires ou des options politiques sans avoir eu, en amont, son aval en tant que président de la métropole ayant donné une identité à notre pays. Il est à l’aise à fortifier une telle foi en lui, car beaucoup d’autres pays du même espace n’ont jamais l’audace de sortir du joug et de l’ombre de cette France. Au contraire, tous ou presque, s’effacent littéralement à chacun de ses passages, ou pire, se plient en double et se confondent en courbettes chaque fois que nécessaire, en vue de mériter ses bonnes grâces et sa protection qui garantissent leur maintien dans le fauteuil de dirigeant, même contre le gré de leurs peuples.
Les pays anglophones, faisant partie de cet espace communautaire, laissent simplement faire, même s’ils ne sont pas d’avis, sans doute parce qu’ils ont bien compris qu’il n’est pas de leur rôle ni d’ouvrir les yeux, ni déboucher les oreilles à des pairs qui font bien semblant d’être à la fois aveugles que sourds aux cris de détresse de leurs peuples. En conséquence, la CEDEAO, dans le contexte du Mali, se montre constamment incohérente, inconstante et sans aucune lucidité dans les mesures qu’elle adopte vis-à-vis de ce pays dont le peuple ne demande que son droit légitime, sinon naturel, à la liberté de pensée et d’action.
Mais à cette allure où les dirigeants se comportent en traitres au point de s’allier au colon d’hier qui se mue désormais en néo colon d’aujourd’hui pour remettre en cause l’aspiration naturelle des peuples à jouir de leur liberté en vue de s’assumer par eux et pour eux, il ne reste plus à ce peuple d’autres options que de monter rigoureusement au créneau pour revendiquer farouchement ce droit à l’affranchissement.
Les Maliens ont déjà emprunté audacieusement la voie, il appartient à d’autres peuples de s’en inspirer pour amorcer cette dynamique du salut et de la libération, car personne ne saurait comprendre que plus de six (06) décennies après les pseudos indépendances, des pays entiers soient autant plongés dans cette préjudiciable léthargie et torpeur compromettant la vie et le devenir des millions de citoyens, à cause de l’avidité hégémoniste d’une soi-disant puissance du Nord.
La CEDEAO n’en a cure de la décision de la Cour de justice de l’UEMOA ordonnant la suspension des sanctions économiques contre le Mali
Le 24 mars 2022, la Cour de justice de l’Union économique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), vient de jeter un pavé dans la mare de cette institution, en suspendant les sanctions prises à l’encontre du Mali en soutien à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et à la France. Ces sanctions étaient entre autres: gel des avoirs du Mali à la banque centrale commune au huit (08) États membres de l’UEMOA, gel des avoirs des entreprises publiques et organismes parapublics maliens, suspension du pays de toute assistance financière des institutions internationales…
La suspension de ces sanctions par la Cour de justice de l’UEMOA est un camouflet qui met en exergue le caractère illégal des sanctions prises, d’autant plus que ces sanctions ne figurent nullement dans les textes qui régissent l’institution. Mais qu’importe ? Il fallait punir le Mali pour que son exemple ne fasse pas tâche d’huile et n’ait pas un effet domino. L’UEMOA respectera-elle l’arrêt de la cour ? Rien n’est moins sûr ; habitués que nous sommes à voir nos États, ignorer les arrêts des cours de justice qu’ils ont eux-mêmes mis en place.
Le cas de la Côte d’Ivoire et de l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), enjoignant ce pays à accepter la candidature de M. Soro Guillaume à l’élection présidentielle de 2020, est là pour nous le rappeler. La Côte d’Ivoire a royalement ignoré cet arrêt et «ce n’est pas allé quelque part». Et tout récemment, le 22 octobre 2021, cette même Côte d’Ivoire a refusé d’exécuter une décision de la Cour de justice de la CEDEAO relative à un conflit qui l’oppose à Diawara Oumar, un homme d’affaires congolo-malien.
Et le 4 février 2022, le greffier en chef de la Cour de justice de la CEDEAO, Tony Anene Maido, a adressé au ministre ivoirien de la Justice, Garde des sceaux, Sansan Kambilé, une correspondance relative à la formule exécutoire et une expédition de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Diawara Oumar en ces termes: «Par cette formule exécutoire, la Cour vous demande de bien vouloir faire appliquer son jugement dans ladite affaire».
On a le droit de se demander pourquoi des chefs d’État peuvent prendre des mesures sans y mettre la forme juridique pour éviter toute humiliation. La précipitation dans la prise de décision de ces sanctions montre son caractère purement politique donc subjectif et nous amène à penser à l’intervention d’une main étrangère comme cela fut dénoncé officiellement par les autorités maliennes. La crise malienne est un cas d’école pour la CEDEAO par rapport à ses textes. Et le cas malien triomphera de l’adversité, s’il plaît à Dieu. /.
Par Sidi Modibo COULIBALY, Consultant, Expert en Communication et Gestion des Connaissances