Après des journées sanglantes des 22 au 25 mars 1991, un groupe de militaires à leur tête Amadou Toumani Touré mettaient fin à 23 ans de dictature. C’était il y a 23 ans. Afin de commémorer cette date, notre rédaction a approché des compatriotes qui font le procès de 23 ans de démocratie malienne. Lisez !
Mohamed CISSE, Kanaga Décor
De 1991 à nos jours, il y’a eu de la démocratie quand même, vraiment je pense que cette démocratie est allée un tout petit peu loin. On a oublié le sens même du mot démocratie et finalement, elle est devenue le laisser-faire, tout le monde fait ce qu’il veut. Quelque chose que l’on doit vendre par exemple à 500F CFA on trouvera ailleurs sur le marché à 1500F CFA parce que nous sommes en démocratie. C’est pour dire que personne ne respecte rien, c’est le laisser-aller et le laisser-faire. C’est ainsi que j’ai compris la démocratie et je ne suis vraiment pas satisfait.
Le coup d’Etat survenu le 22 Mars 2012 est une réponse à l’impunité engendrée par la démocratie de 1991.
Mamadou TRAORE, teinturier
De 1991 à maintenant, la démocratie a favorisé la multiplication des radios et c’est qui me fait mal parce que nous sommes surinformés. L’information, on en a beaucoup plus, une radio nous informe sur un fait et une autre radio nous déforme de cette même information. Quand quelque chose vient au Mali, au lieu que le malien se demande pourquoi cette chose est venue, il demande plutôt comment l’appliquer. Cela a été le cas de la démocratie, personne ne s’est posée la question pourquoi la démocratie mais tout le monde a cherché à savoir comment il faut la faire. Concernant le coup d’Etat du 22 mars 2012, il était prévisible car le pays avait des problèmes avec les régions nord. Je dis quand même qu’il est mal venu.
Mme Kourouma Fatou SISSOKO, ménagère
De l’avènement de la démocratie à 2012, je pense que ça va. Il y a eu des réalisations en terme de grandes infrastructures (routes, centres de santé, écoles, forages, etc.). Le pays a connu une évolution et les Maliens vivaient dans la paix et dans la tranquillité. Bien que le coup d’Etat du 22 mars 2012 ait freiné un peu l’élan de notre évolution il a été d’une grande utilité car il a empêché aux envahisseurs de s’accaparer de Bamako et le reste du pays.
Amadou Ballamoussa TRAORE, Sociologue
Avant d’entrer dans le but du sujet, je m’en vais brièvement retracer l’historique de l’avènement de la démocratie au Mali qui a connu son élan depuis les années 1980 lorsque les Etats africains étaient en crise économique. L’instauration de la démocratie demeurait la seule solution pour ces Etats de bénéficier de l’appui du FMI (fonds monétaire international) en vue d’une sortie de crise. Au début de 1990, des leaders composés d’enseignants et étudiants ont formé un blocus pour mettre fin au régime dictatorial du Président Moussa Traoré considéré comme étant autoritaire et partisan du monopartisme. C’est ainsi qu’est survenu le coup d’Etat du 26 Mars 1991 avec comme raison principale l’instauration de la démocratie au Mali.
De 1991 à nos jours, il y’a eu beaucoup d’évolutions en ce sens que les pouvoirs (judiciaire, législatif et exécutif) ont été séparés. Les leçons tirées sont les suivantes : la succession des pouvoirs, l’organisation des élections.
Cependant, il faut reconnaitre que l’application de la démocratie au Mali n’est pas effective parce que la gestion des affaires publiques ne rime pas avec la volonté du peuple. L’éducation est bafouée, la santé on en parle pas, il y’a l’insécurité alimentaire et le chômage qui persiste.
Parlant du coup d’Etat du 22 mars 2012, je pense qu’il a été un mal nécessaire dans la mesure où il a éveillé la conscience des Malien sur la gestion malsaine des affaires publiques.
Mme DIALLO Adiarra TRAORE, enseignante
Certes le Mali avait besoin de la démocratie pour son avancée, mais ce qu’il faut dire aux gens, c’est que les démocrates de 1991 ont mentis au peuple. Mais je suis consciente que ce qui est arrivé au Mali en mars 2012 est la preuve de l’échec de la classe politique qui nous a gouvernés ces 23 dernières années. Il faudrait faire l’état de la nation pour situer les responsabilités. Le Mali n’est jamais tombé si bas. Dans tous les secteurs d’activités, c’est le règne de la corruption, de la délinquance financière, du népotisme, du clientélisme et de l’affairisme, le tout cautionné par une impunité jamais égalée au Mali. Pourtant en 1991 ces maux ont été décriés par les démocrates. En faisant le constat, je trouve sincèrement qu’ils ont cachés une part de vérité au peuple. Aujourd’hui, il est grand temps de remettre tout ça en cause et amener les Maliens à ouvrir les yeux pour un véritable changement de comportement. Le coup d’Etat du 22 mars 2012 n’a fait que porté un coup de ralentissement à notre processus d’évolution et c’est ce que moi je regrette aujourd’hui en faisant le constat.
Tidiani DIABATE, assistant de recherche
De 1991 à nos jours, il y a des acquis, qu’il faut renforcer. La liberté de la presse et d’opinions sont aujourd’hui des réalités au Mali, même si certains peuvent soutenir qu’elles ont été sérieusement entamées depuis les évènements du 22 mars 2012. En plus de ces libertés, la floraison des partis politiques atteste à suffisance que l’ouverture démocratique, qui était l’une des exigences du mouvement démocratique, est aussi une réalité. L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Les défis sont énormes et il faut qu’on se remette en cause, en tirant de façon responsable les leçons de ces 22 ans de pratique démocratique. La situation que nous vivons aujourd’hui est la conséquence du système de gouvernance instauré dans notre pays ces 23 dernières années. A mon avis, si nous voulons aller de l’avant, il nous faut casser ce système pour qu’il y ait enfin plus de justice sociale. Cela passe nécessairement par un renouvellement de la classe politique. Je pense que c’est à ce seul prix qu’on peut relever les défis qui se posent à notre pays.
Mamadou WAGUE, Commerçant au grand marché
Pour moi, c’est l’avènement du 26 mars qui nous a amenés le développement. En effet, notre pays avait besoin d’un grand changement et seul le 26 Mars a permis de réaliser cela sinon on ne serait pas à ce niveau de développement. C’est le soulèvement du 26 mars qui nous a amenés le développement. En commençant par la construction des infrastructures routières modernes, l’amélioration de l’agriculture, la multiplication des centres de santé et le renforcement de la coopération internationale. Bref, le but était d’œuvrer dans le sens de l’amélioration du niveau de vie des Maliens.
Oumou DIABATE, comptable
Certes, il y a eu quelques avancées : les fonctionnaires sont payés à temps, l’amélioration du système de santé, la construction des infrastructures routières et quelques réalisations dans plusieurs domaines. Par contre, sur le plan politique, aucune stabilité. Nous avons été bernés par les politiciens, qui nous ont présentés une démocratie de façade. La liberté d’expression pour moi n’est pas le seul aspect de la démocratie. Alors il faut revoir la démocratie malienne car ce sont ces mêmes politiciens malhonnêtes qui ont amené le pays où on en est aujourd’hui, en commençant par le dysfonctionnement du système éducatif à tous les niveaux depuis l’avènement de la démocratie. Ce qui nous arrive aujourd’hui est la conséquence directe de ce qui a été planifié par les deux régimes démocratiques.
Moussa TANGARA, chauffeur
Je pense qu’il y a eu des hauts et des bas en ce sens que 26 mars marque la date de l’instauration de la démocratie au Mali. Pendant les dix premières années, il y a eu du progrès. Mais, au cours des dix ans qui ont suivi, les Maliens ont finalement compris qu’ATT n’avait fait que tromper le peuple, alors que le pays s’enfonçait dans le gouffre. Le 26 mars n’aura servi qu’à ouvrir les yeux des Maliens. En somme, pour moi, de 1991 à 2014 il y a eu des hauts et des bas. Il est temps que les Maliens tirent les leçons de ce qui s’est passé.
Mamadou BALLO