Au de-là du 19 novembre, journée mondiale des toilettes, Speak Up Africa, une organisation à but non lucratif, basée à Dakar, travaille au quotidien à faire prendre en compte par les politiques, les questions d’assainissement. Yaye Sofietou Diop, responsable plaidoyer à Speak Up Africa, nous dévoile l’approche développée par l’ONG.
Mali tribune : On parle de plus en plus des questions d’eau, d’hygiène et d’assainissement sous le prisme des droits humains. Une question qui tient plus à cœur Speak Up Afrique ?
Yaye Sofietou Diop : Le continent africain est celui qui regorge plus de ressources en eau. Malgré cette richesse, il y a toujours des zones qui n’ont pas d’eau. L’un des gros enjeux auxquels nous sommes confrontés est l’assainissement. La plupart des pays ont ratifié les droits humains relatifs à l’eau et à l’assainissement, mais on se retrouve dans une situation où le minimum nécessaire par rapport à leur accès n’est pas encore mis en œuvre.
Avoir un accès à l’eau et à l’assainissement doit être considéré comme un droit pour tout pour tout être humain tout comme le droit à la santé, à l’éducation…
On investit beaucoup plus sur les questions liées à l’éducation et à la santé, mais si ces personnes ne vivent pas dans des conditions optimales, si le système d’assainissement n’est pas adéquat et lorsqu’ils n’ont pas d’eau, peut être que ces enfants pour qui on a construit ces écoles vont mourir avant même d’avoir l’âge d’aller à l’école. Il est important qu’on puisse assurer ce minimum nécessaire afin que tout être humain, quel que soit son niveau de vie sociale, puisse avoir accès à ces droits qui sont fondamentaux.
Mali tribune : Que fait votre organisation pour inverser la tendance ?
Y. S. D. : Speak Up Africa est une organisation à but non lucratif qui est basée à Dakar, mais nous intervenons dans la plupart des pays d’Afrique même si on a focus sur les pays d’Afrique de l’ouest. A travers nos interventions, nous visons les Objectifs de développement durable (ODD) 1 à 6, liés à l’accès à la santé, l’éducation, la prise en compte des questions du genre et l’accès à l’eau et l’assainissement. Nous faisons beaucoup de plaidoyers à l’endroit des décideurs et aussi de la communauté afin de s’assurer que toutes ces questions prioritaires de développement soient prises en charge au niveau de chaque pays membre.
Dans le cadre de cet appui qu’on fait, Speak Up Africa a élaboré un programme sur l’assainissement. Il vise les pays d’Afrique de l’ouest en particulier le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. L’idée c’est de pousser les décideurs à mieux prioriser ces questions. On s’est rendu compte que, même si en général l’eau et l’assainissement ne sont pas priorisés, l’assainissement reste le secteur le moins priorisé, comparé à l’eau. L’essentiel des financements sont centrés sur l’eau. Sans assainissement on ne peut pas avoir un système normal d’eau.
Dans cette optique on travaille beaucoup avec les médias, qu’ils soient traditionnels ou modernes, parce que nous considérons qu’ils sont au centre des décisions.
Si on veut apporter des changements, il faut que les médias soient considérés comme des décideurs et pas seulement pour venir couvrir des évènements.
Dans la prise de décisions par rapport à ces questions, on les considère comme des acteurs de développement. C’est ce qui explique l’organisation des sessions de formation du 30 septembre au 2 octobre à Accra sur les droits humains à l’eau et l’assainissement à l’endroit des membres du Réseau des journalistes du secteur l’eau, hygiène et assainissement de l’Afrique de l’ouest (Wash-JN).
Mali tribune : Quelle est l’approche développée par Speak Up Africa dans ce programme ?
Y. S. D. : On veut que quelles que soient les questions qu’on va prendre en compte, des questions d’assainissement ou de santé, qu’au niveau régional des associations telle que l’Association africaine de l’eau, l’Union africaine qu’on puisse les prendre en charge.
L’autre niveau d’intervention est national. L’ONG travaille beaucoup avec les ministères pour assurer qu’il y a une meilleure prise en charge de ces questions. C’est à ce niveau qu’on travaille avec les médias et les organisations de la société civile.
A un niveau beaucoup plus communautaire, nous travaillons avec les leaders communautaires. L’une des approches qu’on essaie de mettre en œuvre est basée sur les champions. Au niveau de chaque pays on essaie d’identifier des champions clés qui ont le pouvoir, reconnus par la population et qui peuvent diffuser des messages à l’endroit de la population.
On s’appuie véritablement sur cette approche pour mobiliser le maximum d’acteurs en milieu communautaire pour qu’on assure exactement que les décisions prises au niveau régional, national sont effectivement implémentées à un niveau plus communautaire.
Mali tribune : A 11 ans de la restitution des ODD, Speak up double d’ardeur pour l’atteinte des 6 premiers objectifs. Comment cela se passe au niveau des pays ?
Y. S. D. : Si on veut renforcer la santé des populations, il faut qu’elles aient le minimum d’eau et assainissement. Si On veut prendre en compte des questions du genre, il faut qu’on puisse construire les toilettes décentes. L’objectif six intervient à ce niveau.
Notre souhait c’est avant qu’on arrive à l’évaluation des ODD que la plupart des pays d’Afrique puisse assurer à leurs populations un accès à l’eau de qualité. J’insiste sur la qualité parce qu’il ne s’agit plus que de fournir de l’eau à tout le monde mais que cette eau soit de bonne qualité et aussi la population puisse l’utiliser tout en ayant des infrastructures d’assainissement correctes.
Pour ce faire, on est en train de travailler beaucoup avec les médias, les OSC mais l’organisation au niveau régional pour assurer qu’il y a des directives qui sont développés au niveau régional et que des pays vont l’appliquer. C’est ce cadre qu’on travaille avec le Conseil des ministres africains chargés de l’eau (Amcow).
On espère que d’ici onze ans, on pourra atteindre ce défi d’accès à l’eau et l’assainissement.
Mali tribune : Etes-vous confiante quant à l’atteinte des objectifs fixés?
Y. S. D. : Je suis très optimiste parce qu’il y a aujourd’hui un élan de prise en charge autour de ces questions au niveau de chaque pays. Nos gouvernements ne font plus de programmations sans tenir compte des questions d’eau et assainissement.
Les médias aussi communiquent plus. On voit un changement de comportement au niveau des ménages. Il y a beaucoup d’approches qui ont été développées comme l’Approche pilotée par la communauté (ATPC) et l’Approche totale pilotée par les leaders (qui a été développée au Burkina Faso). Elles ont permis à beaucoup de ménages vulnérables d’avoir accès aux toilettes.
Je pense qu’avec l’appui des bailleurs, de la communauté et tous les membres des sphères au niveau national on pourra atteindre les objectifs à l’horizon 2030
Recueillis à Accra par
Kadiatou Mouyi Doumbia
Source Mali tribune