Entre pesanteurs sociales et laxisme politique, les violences basées sur le genre (VBG) perdurent au Mali, notamment le viol. Au grand dam des victimes qui subissent les effets sanitaires et psychosociaux des petits arrangements.
Assise devant sa porte, le regard mélancolique, Djaratou est perdue dans ses pensées. Depuis un mois, elle est déchirée entre l’envie de rendre justice à sa fille et les menaces de divorce de son mari. « J’ai surpris le fils de notre voisin, âgé de 25 ans, avec ma fille de 14 ans. J’avais des soupçons, mais aucune preuve à l’appui… », lâche cette mère de 35 ans, aujourd’hui déboussolée.
« Je voulais amener l’affaire à la police, mais mon mari a dit de laisser tomber après avoir rencontré la famille du jeune homme. Il m’a suppliée de laisser tomber. Je me demande si ces derniers ne lui ont pas remis de l’argent », s’interroge-t-elle.
Djaratou se trouve aujourd’hui dans un dilemme : sa soif de justice et les menaces persistantes de divorce de son mari pour la dissuader de porter plainte. « J’aimerais savoir comment porter plainte sans risquer mon foyer ?», demande-t-elle.
Séquelles psychologiques
L’épreuve que traverse Djaratou n’est pas un cas isolé. Au Mali, de nombreux cas de viols sont réglés à l’amiable sans passer par la justice, laissant des séquelles psychologiques et sociales chez les victimes.
Un viol a des effets graves sur la victime, selon Mamadou Diarra, expert VBG, masculinité positive et conseiller en renforcement et développement organisationnel auprès des Organisations locales de défense des droits des femmes et des filles (OLDDF). Il s’agit, entre autres, des maladies sexuellement transmissibles (MST), de grossesses précoces ou d’hémorragie interne.
Acte condamnable
Aussi, souvent le débat porte sur le consentement ou non de la victime. Même si le viol est orienté sur un mineur. Pour l’expert du centre d’études et de coopération internationale (CECI), une organisation internationale canadienne, en ce qui concerne une mineure, il n’y a point de consentement. « Tout acte intime à son endroit est condamnable. Que ce soit un abus sexuel, une exploitation sexuelle, une agression sexuelle ou viol lorsqu’il y a pénétration.»
Au Mali, il n’y a pas de loi spécifique qui traite le viol. Mais « le viol est pris en compte par le code pénal », assure notre interlocuteur. Au Mali, le viol est puni de cinq à vingt ans de prison. Un avant-projet de loi criminalisant les violences basées sur le genre est en gestation. Mais il se heurte à la pression des leaders religieux.
Prise en charge holistique
Toutefois, pour le commissaire de police Moussa Traoré, le consentement n’est pas une excuse. « Avoir des rapports intimes avec une personne n’ayant pas atteint la majorité est punis par la loi », martèle l’officier de police.
Il estime, par ailleurs, que dans un tel scenario la mère peut dénoncer l’auteur sous anonymat. Ou bien dans le cadre d’une procédure pénale, l’officier de police judiciaire peut s’autosaisir du dossier, ouvrir une enquête et informer le procureur. Le présumé coupable est mis aux arrêts dans le cadre de l’enquête.
En général, les survivant(e)s s’en remettent lorsqu’ils ou elles acceptent l’accompagnement des spécialistes. Selon Mamadou Diarra, les survivant(e)s ont besoin d’une prise en charge holistique qui comprend la prise en charge psychosociale, médicale, l’aide juridique et l’assistance judiciaire et, enfin, une prise en charge sécuritaire et la réinsertion socio-économique.
Ce processus vise à redonner aux victimes goût à la vie et des moyens pour faire face aux discriminations.
Source : Benbere