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Rwanda-Sénégal : deux pays « frères » réunis à Paris par le digital

Paul Kagame et Macky Sall ont visité ce vendredi le salon Viva Technology, à Paris. Les deux pays, aux trajectoires différentes dans ce secteur, y ont défendu leur stratégie digitale respective.

  

En visite express à Paris, le président rwandais Paul Kagame participait, pour la deuxième année consécutive, au salon Viva Technology, dédié aux innovations et aux start-up. Il y a retrouvé cette année son homologue et « frère » sénégalais Macky Sall, lui même en visite dans la capitale, où il a participé mercredi à la signature de l’Appel de Christchurch contre la diffusion des contenus terroristes en ligne. Les deux chefs d’État ont participé à un panel animé par le président du conseil de surveillance de Publicis Groupe, Maurice Lévy, proche de Paul Kagame.

Hub numérique

Les deux chefs d’État étaient conviés, vendredi 17 mai, à échanger sur l’impact de la technologie sur les économies africaines. Et ce, alors que le Rwanda a une longueur d’avance sur le Sénégal en termes de développement numérique. Souvent présenté comme l’un des principaux hubs digitaux du continent, le Rwanda, qui s’est hissé au 29e rang du dernier classement Doing Business de la Banque mondiale – soit le 2e pays du continent derrière Maurice -, souhaite faire de Kigali une terre d’expérimentation pour les entreprises de la tech.

Preuve de la bonne santé de l’environnement numérique au Rwanda, les start-up de ce pays de 12 millions d’habitants ont réussi à lever 19 millions de dollars en 2018 – soit 8 millions de plus que l’Éthiopie. “Ce chiffre est le résultat de notre investissement dans les technologies. Aujourd’hui, il est simple de créer une entreprise au Rwanda. L’expansion de la fibre optique à travers le pays et la présence de structures comme KLab (un incubateur de start-up) facilitent la création d’un environnement favorable”, explique Soraya Hakuziyaremye, la ministre rwandaise du Commerce et de l’Industrie, présente dans la délégation du président Kagame à Paris.

Macky Sall, quant à lui, voit le digital comme un outil indispensable pour accéder à l’émergence. « L’Afrique a raté la révolution industrielle, elle ne va pas rater la révolution numérique », a prévenu le chef de l’État sénégalais. Ce dernier se donne comme objectif de voir le secteur peser 10% du PIB, en favorisant la création d’emplois et les gains de productivité.  Cité du savoir de Diamniadio, supercalculateur livré en juillet prochain, mise en place d’un mécanisme de financement de l’entrepreneuriat, investissements dans les infrastructures de fibre optique, accent mis sur l’éducation scientifique et informatique…

Macky Sall a présenté plusieurs mesures témoignant de sa « volonté politique » de voir son pays bondir vers une société moderne, changeant la perception du continent dans le monde : « L’Afrique n’exporte pas que de grands joueurs ou de grands musiciens, mais aussi des grands cerveaux et des ingénieurs », a-t-il voulu rappeler.

NOUS AVONS BEAUCOUP DE GENS TALENTUEUX QUI SERVENT LE RESTE DU MONDE. SI NOUS DÉVELOPPONS LE BON ENVIRONNEMENT, ILS SERVIRONT AUSSI L’AFRIQUE

Le président rwandais, de son côté, a insisté sur la nécessité d’investir en parallèle dans la formation pour exploiter pleinement le potentiel des start-up africaines. “L’Afrique a beaucoup de gens talentueux mais ils servent le reste du monde. Si nous développons le bon environnement, ils serviront aussi l’Afrique”, a-t-il affirmé lors du panel, citant l’exemple de l’Université américaine Carnegie, qui a lancé son antenne africaine, basée à Kigali, au printemps 2015.

Le méga-projet Kigali Innovation City, nouveau quartier dédié aux nouvelles technologies, censé regrouper à terme d’autres écoles et universités, des laboratoires et des entreprises, est toujours en cours d’élaboration. Selon la ministre rwandaise du Commerce, le Rwanda espère lever près de 100 millions de dollars cette année pour ce projet.

L’enjeu du financement

Après leur intervention, les deux présidents ont entamé une visite conjointe de l’espace Africatech, dédié aux start-up africaines. Quelques 160 jeunes pousses issues du Maroc, d’Algérie, de RDC ou encore de l’île Maurice y exposaient leurs innovations et partageaient l’espace avec l’un des poids lourds du numérique : Jumia, une plateforme de e-commerce récemment introduite en bourse à New-York. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui a élu l’ancienne ministre rwandaise Louise Mushikiwabo à sa tête en octobre 2018, y comptait pour la première fois son pavillon.

Le salon est une opportunité pour les jeunes entreprises d’attirer l’attention des investisseurs internationaux et des géants du numérique. “L’enjeu, aujourd’hui, en termes d’investissement, est de faire en sorte que les entrepreneurs et les compagnies déjà existantes puissent avoir accès à des financements moins coûteux, ce qui est un challenge, surtout au regard des taux que le système bancaire applique à l’échelle de l’Afrique. Il faut s’ouvrir à différentes sortes de financements, comme les levées de fonds privées, et mettre en place les régulations nécessaires pour créer un environnement sain pour les investisseurs”, a expliqué Soraya Hakuziyaremye.

L’AFRIQUE SE DÉVELOPPERA PAR LE NUMÉRIQUE, QUI EST LE SOCLE DE L’ÉMERGENCE DE NOS PAYS

La délégation de Macky Sall était composée notamment de la ministre de l’Économie numérique et des télécommunications, Ndeye Tické Ndiaye Diop, du ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba, et de l’ambassadeur français à Dakar, Christophe Bigot. Le président sénégalais s’est également entretenu avec le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire. Avec vingt-cinq start-up présentes et un pavillon national au sein du salon, le Sénégal a souhaité montrer qu’il avait lui aussi sa place dans le domaine du numérique.

Un moyen de s’aligner sur son « frère » rwandais, dont il a reconnu le leadership dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. « Le Rwanda est un exemple pour le Sénégal » dans le domaine du digital, a également concédé la ministre sénégalaise de l’Économie numérique. « Notre pays n’est pas en reste », a-t-elle immédiatement poursuivi : « Nous n’avons pas le choix. L’Afrique se développera par le numérique, qui est le socle de l’émergence de nos pays. »

Internet trop cher

Pour soutenir ses start-up, le Sénégal s’est ainsi doté d’un fonds dédié aux jeunes et aux femmes, dépendant directement de la présidence. Papa Amadou Sarr est à la tête du dispositif : « Nous avons un fonds de plus de 30 milliards de francs CFA (50 millions d’euros) par an pour pousser les entrepreneurs, via des ressources financières, un accompagnement technique et des formations. Pour le cas concret du numérique, nous avons mis en place un fonds de 15 milliards de FCFA (environ 25 millions d’euros) » pour soutenir le lancement des start-up, détaille-t-il.

Macky Sall a toutefois reconnu un obstacle à la croissance impulsée par le digital : le coût de la connexion Internet. « Internet reste très cher en Afrique », a rappelé le chef de l’État sénégalais, pour qui un accès généralisé à la connexion reste un défi sur le continent.

La visite en France de Macky Sall, qui doit s’achever samedi, s’est poursuivie par une rencontre avec Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France. Le président Paul Kagame, qui a ensuite rendu visite à la secrétaire générale de la Francophonie, son ancienne ministre des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, dans les locaux de l’OIF, quittera Paris le même jour.

 

JA

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