Le retour des talibans à Kaboul, quasiment vingt années après en avoir été chassés par l’OTAN, a suscité un mélange d’amertume et de crainte compréhensible dans les pays membres de la plus puissante alliance militaire mondiale. Les États-Unis, qui en assurent le leadership et ont initié la guerre contre l’émirat islamique d’Afghanistan en représailles au refus du mollah Omar de leur livrer Oussama Ben Laden, chef d’al-Qaïda et, qui plus est son gendre, après l’attentat contre la tour jumelle de New-York (près de 3 000 morts) ont dépensé à eux seuls 2 000 milliards de dollars. Sur les 3 500 soldats de l’Alliance tués dans cette gigantesque traque au terrorisme, 2 500 étaient des Américains.
Même si Washington considère que l’élimination en 2011 de celui qui fut l’homme le plus recherché du monde et la réussite de la première alternance démocratique en Afghanistan ( 2014) mettaient fin à sa » guerre contre le terrorisme » dans cette partie de l’Asie du sud, la reconquête du pays par les mudjahidines, alors même qu’il n’a pas achevé le retrait de ses troupes, est perçu tant en Amérique qu’ailleurs comme un cinglant revers.
L’alliée allemande, Angela Merkel, évoque » une situation amère « . L’ennemi intime iranien raille à propos d’une » défaite militaire « . Rien moins que cela.
La crainte, elle, vient de ce que le pays des Pachtounes ne redevienne ce sanctuaire des organisations terroristes, notamment al-Qaïda, qu’il était au début de 2 000. Les successeurs du mollah Omar ont certes promis, lors des négociations de paix qui ont précédé leur offensive de reconquête, qu’ils n’accueilleront plus sur leur sol des terroristes nourrissant le dessein de nuire à l’Occident. Ils avaient assuré aussi de ne pas recourir à la violence armée une fois que les derniers soldats américains auront quitté l’Afghanistan, le 31 août prochain. On voit bien ce qu’il est advenu de cet engagement. Il en dit long sur le crédit à accorder à la parole donnée par ces hommes.
Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ne sont pas les seuls à redouter une reprise du pouvoir à Kaboul par les fondamentalistes talibans. (Ils se sont rendus haïssables par l’interdiction faite aux filles d’aller à l’école et aux femmes de travailler hors de leurs foyers). Les États saheliens, déjà en proie aux exactions d’al-Qaïda et de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) ont désormais un motif supplémentaire de se faire du souci pour leur sécurité, leur stabilité voire leur unité.
Saouti HAIDARA
Source : l’Indépendant