Le discours du Général Malick Diaw, Président de l’organe législatif de la transition, tenu lors de l’ouverture de la session d’avril du Conseil National de transition, loin de rassembler les maliens, a été plutôt un réquisitoire cinglant contre les partis politiques.
Dans un ton qui frise le mépris et l’humiliation, le Président du CNT a dépeint en noir le bilan de la démocratie qui ne rime pas dit-il avec des votes bâclés, surfacturés et inopportuns. Pour lui la transparence dans les urnes est une exigence démocratique etc. etc… Considéré comme l’un des plus modérés des autorités de la transition, Malick Diaw vient, par ce discours, de prouver tout le contraire en se livrant à une diatribe vexatoire contre ceux qui sont supposés être leurs collaborateurs, à savoir les partis politiques. Cette sortie que beaucoup considèrent comme ratée, prouve à suffisance qu’il y a un grand fossé entre ce que les autorités disent et ce qu’elles font, en d’autres termes, atteintes par une certaine boulimie du pouvoir, les autorités de la transition sont prêtes à tout pour préserver leur chapelle. Sinon la nouvelle Constitution dont on vante les mérites et les avancées démocratiques, votée à plus de 80 % et promulguée par le Président de la transition, fait la part belle aux partis politiques et de surcroit à la démocratie. Cette sortie du Président du CNT ne traduit-il pas la volonté des autorités de la transition de se maintenir au pouvoir en dehors de tout cadre légal et légitime ? Le Général Malick Diaw sait-il qu’il a jeté l’opprobre sur les leaders politiques alliés de la transition ?
Décidément, entre l’amour et la haine il n y a qu’un seul pas et il est vite franchissable. En effet, la transition malienne qui semblait fonctionner au début sur la base d’une alliance entre deux composantes, à savoir la composante militaire et celle sociopolitique, a sans nul doute volé en éclats pour qu’elle n’en reste plus qu’une, à savoir la composante militaire. Comme si le divorce avec fracas ne suffisait pas, la composante militaire de la transition, après s’être accaparé de tous les leviers du pouvoir, a procédé par une campagne de dénigrement de la classe politique en la faisant porter le chapeau de la déliquescence de l’Etat. Cette campagne faite à dessein et à coup de propagande médiatique semble faire ses effets, car une certaine opinion croit dur comme fer que les maux dont souffre le Mali ont été causés pendant les 30 dernières années soit l’équivalent de la durée de la démocratie. Et les autorités de la transition, et leurs partisans et même certains hommes politiques en quête de strapontins ont servi à satiété l’opinion en lui faisant croire que les hommes politiques sont responsables de tous les maux dont souffre le Mali. En dépit du recul dans tous les domaines de la vie depuis bientôt cinq ans, les autorités de la transition arrivent à se maintenir au pouvoir et à jouir d’une certaine popularité grâce au dénigrement de la classe politique
Cette sortie du Président du CNT ne traduit-il pas la volonté des autorités de la transition de se maintenir au pouvoir en dehors de tout cadre légal et légitime ?
Le Président du conseil national de la transition s’est livré à dessein à cette diatribe vexatoire contre les leaders politiques dans le seul but de les dénigrer afin de continuer à duper l’opinion pour se maintenir au pouvoir en dehors de tout cadre légal. Sinon comment comprendre que le seul tort de ceux –là même qu’il critique est de réclamer la tenue des élections conformément aux lois de la République afin de sortir de cette période d’exception qu’est la transition. Si tant est que la préoccupation majeure des autorités est d’organiser les élections conformément à la constitution, afin de doter le Mali d’institutions légales et légitimes, alors le fait de réclamer la tenue des scrutins ne doit pas être perçu comme un crime de lèse-majesté au point de provoquer l’ire du Président du CNT. Par ce discours d’une rare virulence de la part du Président du CNT, les masques semblent désormais tombés et les ambitions clairement affichées, à savoir ils sont là et ils y restent contre vents et marées. En d’autres termes il n y a plus de doute sur la velléité des autorités à garder le pouvoir autant que faire se peut. Ainsi pour atteindre cet objectif il faudrait affaiblir ceux qui prétendent avoir les mêmes ambitions que les autorités, à savoir les hommes politiques.
Le Général Malick Diaw sait-il qu’il a jeté l’opprobre sur les leaders politiques alliés de la transition ?
En voulant faire mal à certains caciques de la classe politique, ceux qui sont considérés comme des opposants à la transition, le Président du CNT a fini par mettre tous les hommes politiques, sans discernement aucun, dans le même sac et du coup leur a jeté l’opprobre. Une véritable gifle infligée aux laudateurs et autres opportunistes politiques, qui sont démocrates la nuit et putschistes le jour. Et pourtant le Président du CNT était celui qui avait une certaine opinion très favorable au sein de la classe politique. Il était considéré comme le général le plus proche du landerneau politique malien. Par cette sortie, il vient de gâcher un précieux capital-confiance que certains lui vouaient. Désormais les masques sont tombés car le sentiment anti parti politique ou anti démocratie est la chose la plus équitablement partagée entre les tenants du pouvoir. Et pourtant il faut qu’ils soient persuadés qu’il n y a pas d’alternative à la démocratie et que l’on peut retarder le processus, mais il est irréversible.
En somme, le discours de Malick Diaw est une alerte pour les leaders politiques, afin qu’ils sachent que l’heure du rassemblement a sonné. Les divergences, les antagonismes, les égos surdimensionnés, les ambitions politiques, doivent laisser la place au rassemblement afin de défendre la République et la démocratie. Ils doivent mettre sous les boisseaux les agendas personnels pour sauvegarder la République et la démocratie.
Youssouf Sissoko