Les intérêts égoïstes seraient-il en train de l’emporter sur l’éthique et les valeurs morales dans le renouvellement des instances dirigeantes de nos fédérations nationales sportives ? On est tenté de répondre par l’affirmative à cause du hold-up auquel nous avons assisté le week-end dernier (2 mars 2013) au niveau de la Fédération malienne de cyclisme. Le Secrétaire général de cette fédération a réussi à renverser son président qui l’a pourtant mis en selle et lui a laissé les mains libres pour se faire valoir.
La Fédération malienne de cyclisme a renouvelé son comité exécutif le 2 mars 2013 à la Maison des Jeunes de Bamako. Contre le président, Colonel-major Yaya Ouattara, un seul candidat : son Secrétaire général ! Celui-là même qui avait été mis à la touche comme un malpropre par une fédération d’art marial et qu’il a amené à ses côtés en toute confiance. Selon de nombreux témoignages, le Colonel-major a tellement fait confiance à son Secrétaire général qu’il lui a laissé toutes ses prérogatives. Et son désir était de briguer un dernier mandat afin de boucler son programme de développement du cyclisme. Hélas ! Le président n’aura plus cette opportunité, car il s’est vite retrouvé sur un terrain complètement miné par son «homme de confiance» qui a presque réussi à retourner toute la base contre lui. La preuve, ce dernier est allé au-delà de ses prérogatives en renouvelant les ligues sans en informer son président. Et jusqu’à l’assemblée générale du week-end dernier, il n’avait pas connaissance de la composition définitive des différentes ligues où son rival a sans doute casé tous ses soutiens.
Conscient que les dés étaient pipés, il s’est retiré avec élégance et noblesse. Prouvant une fois de plus son intérêt pour cette discipline sportive. En maintenant sa candidature, il prenait le risque de créer des divisions, donc de fragiliser ses propres acquis en terme d’union et de cohésion. Statutairement, rien n’empêche un Secrétaire général de briguer la présidence de sa fédération. Mais, la morale ne doit pas être sacrifiée au bénéfice de la règle juridique, des ambitions égoïstes. Ce qui choque dans cette candidature, c’est de se prévaloir du bilan d’un homme qui vous a fait confiance pour le combattre. Selon nos informations, le Secrétaire général en question avait été approché par de nombreuses personnes de bonne volonté et à cheval sur la morale pour le conseiller de retirer sa candidature. À celles-ci, il aurait répondu que c’est sa «famille» qui exigeait qu’il se présente. C’est donc dire qu’il confond la gestion d’une fédération nationale sportive à une «affaire de famille». Il y a de quoi faire peur ! «Il est incompréhensible qu’on puisse se présenter contre un homme à qui on doit presque tout. C’est contre la morale sociale et l’éthique du sport. Ce que le Secrétaire général a fait n’est rien d’autre qu’un abus de confiance passible d’une peine de prison. Il a bénéficié de toute la confiance du président qu’il s’apprête à trahir. Et ce sera un précédent dangereux pour le sport malien car la confiance, surtout entre dirigeants, est un élément fondamental de l’efficacité et de la performance sportive», souligne un observateur de la scène sportive nationale. L’éthique du sport peut être résumée par les valeurs que le sport renvoie. L’éthique s’articule, selon les experts, autour de trois questions importantes : Que veux-je faire ? Que puis-je faire ? Et que dois-je faire (devoir) ? Le devoir de reconnaissance est donc à ce titre très important. Il est vrai que si chaque règle était appliquée d’un point de vue du droit, il n’y aurait aucun problème d’administration du sport. Mais, cette interprétation doit être guidée par les valeurs de chaque pratiquant et de chaque gestionnaire du sport. Elle (interprétation du règlement) doit respecter les valeurs morales de l’être humain. Si l’éthique du sport se pose c’est parce que la règle juridique en elle-même ne suffit pas à cerner tous les enjeux et toutes les dimensions sociopolitiques de la pratique et de la gestion d’une discipline sportive. Les règles s’appliquent en vertu des valeurs reconnues pas tous comme telles.
Taire le désir au profit de la morale
Que veux-je faire ! Cette question renvoie à la volonté. Le «sportif ne fait pas forcément ce qu’il veut de son corps». Tout comme un responsable ne peut se permettre la liberté de prendre à la légère une décision personnelle qui engage la performance voire la survie de toute une association, de toute une discipline. Le respect de la morale sociale et de l’éthique sportive est important dans l’administration du sport d’autant plus que la gestion est collective et non individuelle. Elle ne peut être efficace sans une discipline du groupe et sans se conformer à la morale. Pour atteindre ses objectifs, un dirigeant doit privilégier des principes et cultiver des valeurs comme la fidélité et la loyauté. Une condition sine qua non pour mériter le respect et l’estime des autres membres de son staff managérial. Dans le cas d’espèce qui nous concerne ici, le Ministère de la Jeunesse et des Sports ainsi que le Comité national olympique et Sportif du Mali ne peuvent pas grand-chose. Ce qu’ils pouvaient, à la rigueur, c’était de diligenter des missions de bons offices pour convaincre le Secrétaire général à faire preuve de loyauté pour mettre son ambition personnelle en veilleuse. Malheureusement, nous dit-on, aucune intervention n’a réussi à convaincre ce dernier à revoir sa position. La seule concession qu’il était disposé à faire, c’est confier au Colonel-major Yaya Ouattara le poste de président d’honneur ou président du «Club des amis du cyclisme» ! Quelle reconnaissance ! À l’avenir, il faudra aussi que le Département de tutelle réfléchisse sur la présence de certains de ses agents dans les organisations sportives. En effet, dans cette affaire, il semblerait que certains agents de la Direction nationale des sports et de l’éducation physique soient impliqués. Il n’est pas juste de laisser des membres du cabinet et des agents des directions briguer les postes dans des fédérations. Pour une gestion juste et équitable du sport, on ne peut pas être juge et partie. Ce qui est sûr, et nous en sommes très convaincus, ce que l’élection de samedi dernier vise tout sauf à donner un autre élan au cyclisme malien. Les délégués doivent comprendre cela et assumer leur responsabilité face à l’histoire. Il est temps que les uns et les autres comprennent que la gestion du sport n’est pas une affaire familiale ou clanique ! Et ceux qui achètent les voix des délégués aux assemblées générales ne sont pas animés de vraies et nobles ambitions pour le sport !
Dan FODIO