Ce samedi 25 janvier, l’Egypte va célébrer le 3e anniversaire du soulèvement contre Hosni Moubarak, dix jours après le « oui » sans appel obtenu lors du référendum sur la Constitution (98,1% des votants), et quelques mois avant l’élection présidentielle, dont la date n’a pas été annoncée, mais qui pourrait se tenir en mars. A ce sujet, le succès référendaire annonce-t-il un plébiscite pour le général al-Sissi s’il venait à se présenter ? Un décryptage des données du scrutin des 14 et 15 janvier derniers peut apporter quelques éléments de réponse.
De notre correspondant au Caire,
Quel sera le taux de participation ? Telle était la question que tout le monde se posait avant le référendum. Les Frères musulmans, qui boycottaient le scrutin, pariaient sur un absentéisme massif tandis que les autorités tablaient sur une participation « raz-de-marée ». Les deux ont eu tort. Sur 53,4 millions d’électeurs en Egypte et à l’étranger, 20,6 millions ont voté, soit 38,6%. Mieux que lors du référendum sur la Constitution des Frères musulmans, en décembre 2012, où sur 52 millions d’électeurs 23 millions avaient voté (soit 33%).
Les autorités n’insistent donc pas trop sur le record égyptien de participation mais sur le nombre de « oui ». En 2014, ils sont 20 millions à avoir approuvé la Constitution (98,1%) contre 10,6 millions (64%) pour celle des Frères musulmans. Là où le bat blesse, c’est au niveau du « non », qui n’est que de 341 000 en 2014 contre 6 millions en 2012. Un chiffre qui s’explique principalement par le boycott et la déferlante campagne pour le « oui » qui ont laissé peu de place au « non ».
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Alors que peu d’irrégularités ont été dénoncées lors du référendum de 2014, elles étaient nombreuses en 2012. Lors du référendum des Frères musulmans, il y avait moitié moins de magistrats pour contrôler le bon déroulement du scrutin. Toutefois, l’arrestation de cinq personnes qui faisaient campagne pour le « non » a eu lieu. Et des partisans du « non » ont parfois été malmenés par leurs adversaires. En fait, l’irrégularité majeure fut la poursuite de la campagne pour le « oui » devant de nombreux bureaux de vote.
Un sondage réalisé, pour la première fois, à la sortie des bureaux de vote sur un échantillon de 10 000 personnes (institut Bassira) a permis de mieux cerner les électeurs par tranche d’âge. Il en ressort que les plus absentéistes sont les 18 à 30 ans. En Egypte, on est automatiquement électeur dès que l’on a 18 ans, et l’on vote avec la carte d’identité qui comprend un numéro unique et toutes les informations de la personne sur un code-barres. 23% des moins de 30 ans ont voté alors qu’ils représentent 37% des électeurs.
Trois raisons à l’absentéisme des jeunes. Notons d’abord que ce phénomène a toujours existé lors des scrutins, même si l’on n’a pas de chiffres précis. Ensuite, lors des deux jours du référendum, qui n’étaient pas fériés, il y avait des examens semestriels dans toutes les universités. Il y a enfin la déception d’une partie des jeunes, qui ont l’impression qu’ils sont aujourd’hui les oubliés – et parfois la cible – des autorités.
Nul ne peut déterminer laquelle des raisons est la cause principale de cet absentéisme. Toutefois, il est certain que le phénomène préoccupe le pouvoir. Le président par intérim Adly Mansour multiplie les rencontres avec des jeunes depuis la publication des résultats du référendum. Les 30 à 50 ans ont été les plus assidus, avec un taux de 46% alors qu’ils ne représentent que 38% des électeurs tandis que 31% des plus de 50 ans ont voté alors qu’ils représentent 25% de l’électorat.
La victoire des femmes
Mais le vrai grand gagnant de ces élections, ce sont les femmes. Elles représentaient 55% des votants, selon une extrapolation faite à partir des résultats dans 40 bureaux de vote pilotes (80 000 électeurs), en calculant le nombre de votants en direct grâce à un système informatique. Rappelons qu’en Egypte, les femmes et les hommes ne votent pas dans les mêmes urnes, ce qui facilite le décompte au niveau des sexes. Des femmes qui ont immédiatement capitalisé sur « leur victoire » et qui réclament aujourd’hui un quota allant jusqu’à un tiers des sièges du Parlement.
Aujourd’hui, la grande question qui se pose, c’est : le général al-Sissi se présentera-t-il à l’élection présidentielle ? S’il démissionne de l’armée et se porte candidat, il risque de rééditer le chiffre de 98%. En effet, tous les candidats laïcs de la présidentielle de 2012 ont déclaré qu’ils ne se présenteront pas contre l’homme fort de l’Egypte, celui qui a destitué le président Frère musulman Mohamed Morsi.
Le ministre de la Défense et chef des armées a même reçu le soutien des salafistes, ces islamistes radicaux qui avaient remporté 25% des sièges du Parlement. Quant aux Frères musulmans, la répression et leur impopularité croissantes les pousseront probablement à boycotter ce scrutin, car il qui mettra fin au moindre espoir de restauration de M. Morsi au pouvoir. Un espoir auquel s’accrochent encore les manifestants de la confrérie depuis des mois.
rfi