Faire sourire ne peut pas faire de mal. C’est en tout cas ce que se sont dit les responsables d’une association d’aide aux démunis de Toronto, au Canada. Pour sa campagne de levée de fonds, la fondation Woodgreen a parodié les Unes des magazines « pipoles ». En couverture, Tanya, Sarah ou Marlene, prennent la place des stars pour livrer quelques « indiscrétions » sur leurs galères.
Qui aurait pu penser que Brenda, mère célibataire de trois enfants et smicarde, fasse la Une deTruth, un magazine qui a tout des publications qui font leurs choux gras des faits et gestes des stars. C’est la lumineuse idée qu’a eue une association humanitaire canadienne. Woodgreen, c‘est son nom, a son siège à Toronto où elle œuvre depuis 1937 contre la pauvreté.
Comme beaucoup d’organisations non gouvernementales, la fondation Woodgreen fait appel à la générosité publique. Mais avec la crise, les sollicitations se multiplient. Il fallait donc trouver un moyen de se distinguer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ONG vient de chambouler les codes de la campagne de souscription.
Kim Kardashian ou la voisine d’à côté
Parodiant Closer, Voici, Oops, Gala et autres magazines « pipoles », les faux Truth, Seen, Real, leur empruntent tous les codes. Et ça marche, même au-delà de ce qu’espérait l’ONG en placardant ses Unes trafiquées dans le métro de Toronto, les abribus, les sites internet et les espaces publicitaires des journaux.
Au lieu du banal « Kim Kardashian flambe 2 millions de dollars en deux heures », on voit la photo d’une femme noire avec le titre qui claque en jaune fluo « Nulle part où aller : Marlene n’arrive pas à trouver de logement ». La photo de Marlene est authentique et c’est son histoire qui est racontée à la manière de celles des héroïnes de la télé dont se délectent lecteurs et surtout lectrices du monde entier.
Des titres chocs, « Elle vit sans eau chaude » « Tanya tente d’éviter l’expulsion » « Sans électricité, ni téléphone, ni Internet, elle n’arrive pas à payer ses factures », pour une campagne qui ne l’est pas moins… La caricature est assumée. Woodgreen reconnaît utiliser comme un levier la curiosité parfois malsaine du public à l’égard des stars, pour attirer l’œil (et le cœur) sur d’authentiques drames qui se déroulent la plupart du temps dans l’indifférence, à côté de chez nous. Bien loin des coups du sort qui frappent à répétition Justin Bieber ou Lady Gaga…
Lutter contre la pauvreté avec les moyens des riches, l’idée n’est pas banale et les réseaux sociaux se délectent. La campagne de publicité conçue bénévolement par l’agence BDD Canadaqui a voulu montrer « ce que serait un monde où l’on porterait autant attention à ces femmes qu’aux célébrités », devrait durer cinq semaines.
Mères célibataires célèbres
Tout aussi percutant, un pastiche des émissions de télé qui font leur miel des malheurs qui frappent les célébrités, a été mis en ligne par la même agence. On y voit deux animateurs, bien propres sur eux, nous vendre avec gourmandise le premier sujet sur cette femme « qui travaille quinze heures par jour pour nourrir ses deux enfants ! »
Les femmes qui ont prêté leur visage à cette campagne hors norme ont toutes bénéficié du soutien de la fondation Woodgreen ; sur le site de l’association, elles racontent leurs parcours de mères isolées, désormais « mères célibataires célèbres ». Grâce au programme Homeward Bound (retour à la maison), elles ont pu acquérir un diplôme, les frais de scolarité étant pris en charge, trouver un logement et une garderie.
Au lendemain du lancement de la campagne de publicité, Ann Bancock responsable des opérations de Woodgreen, ne peut que constater qu’elle avait vu juste. Les réponses dépassent largement tout ce que la fondation avait espéré. Les courriels de soutien affluent ainsi que les dons.
Une pétition sur le site de l’ONG demandant à la Première ministre de l’Ontario de subventionner Homeward Bound lors du vote du prochain budget a déjà reçu de nombreuses signatures. « Les gens ont été touchés, se félicite Ann Bancock, ils ont vu qu’il y avait une association qui aidait des personnes à sortir de la pauvreté, et ça, c’est vraiment une bonne chose ». Une bonne chose qui devrait inspirer d’autres ONG à travers le monde…