Ce qui se passe au Mali est une véritable facétie organisée, une parodie de révolution sans contenu doctrinal et pratique, et dont l’acte performatif et le haut fait consistent dans des slogans pseudo-souverainistes placés à bonne fréquence, afin d’émoustiller un peuple longtemps abattu et déboussolé par des coups de désespoir répétitifs.
En lieu et place de tout pragmatisme, des germes d’une praxis révolutionnaire digne de ce nom, ce mirage de changement est parvenu à enivrer une partie du peuple, qui se plaît à se complaire dans un optimisme jubilatoire, esbaudi, festif, louangeur et, à la limite, flagorneur, naïf et honteux vis-à-vis des dirigeants actuels, devenus personnages cultes.
Cette partie du peuple, réfractaire à toute opinion susceptible de l’amener à voir la réalité par-delà du mirage, appelle à une syncope générale de la pensée critique. Le prétexte, tiré par les cheveux, est celui de la nécessité d’un bloc patriotique unifié, dans le contexte actuel, contre des ennemis extérieurs fabriqués de toutes les pièces du mensonge, afin de faire l’impasse sur notre propre responsabilité qui est entière.
Alors, pour se voir décerner le certificat national du patriotisme, il faut répéter, les uns à la suite des autres, et dans une moutonnerie ‘’panurgiste’’ : « vive la transition », et applaudir jusqu’à l’essoufflement le moindre discours ou le moindre acte du pouvoir en place.
Cela n’est donc pas anodin que cette portion du peuple perçoive les opinions contraires comme des échos sataniques visant à troubler « l’ordre public ». Il s’agit bien sûr de l’ordre psychique monoculaire et monolithique, soporifique et hallucinatoire, établi à coup de slogans et de manipulations médiatiques.
Dans cette croisade pour le règne absolu de la pensée unique, la phase des insultes et des lynchages verbaux semble désormais laisser place à celle de la terreur dans le seul but de faire taire les voix discordantes. Pour peu qu’on n’ait les yeux bandés par ses propre visions, il est aisé de voir les évènements actuels en cours sous les apparences d’une régression plutôt que celle d’une révolution. Il est si singulier qu’une révolution qui cherche à se concrétiser commence par enfoncer ses racines dans les décombres des principes qui l’ont rendue possible.
Mahamadou Diallo
Source: Le Démocrate– Mali