Vaste ambition déclinée ce samedi 27 mars, le lendemain du 30 ème anniversaire de la révolution du 26 mars 1991 dont le bilan est des plus contrastés dans l’opinion publique nationale. C’est peut-être pour cette raison que l’occasion a été fort opportune pour décliner le mouvement dédié à la refondation du Mali.
On a l’habitude, pour des ambitions fortes, de voir arriver l’éléphant tant attendu avec une patte cassée. Mais avec l’annonce de la mise sur les fonts baptismaux du Morema (Mouvement pour la Refondation du Mali) qui sera sans doute un tremplin pour l’ancien Bâtonnier Me Kassoum Tapo, c’est peut-être l’histoire nouvelle d’un ange qui apparaît avec les cornes du diable ou d’un démon paré des ailes de l’ange.
Le personnage est haut en couleurs depuis belle lurette et il ne manque pas ni de verbe, ni de cran pour légitimer ses prétentions.
Le fondateur du Morema aura été quasiment, en effet, de l’épopée de l’après-révolution du 26 mars 1991. Son premier saut dans l’arène remonte à 1997 quand on ne sait par quel tour de magie, le président Alpha Oumar Konaré et son Premier ministre Ibrahim Boubacar Kéita ont eu recours à lui pour présider la Ceni (Commission Électorale Nationale Indépendante) qui a géré les élections de cette année. Celles-ci se solderont par des fiascos retentissants jamais égalés au Mali depuis, d’abord par le ratage des législatives du 13 avril, ensuite par celui de la présidentielle qui mettra aux prises au deuxième tour le président sortant, non pas avec une grosse pointure de l’échiquier politique national, mais avec un second couteau plus que faire-valoir. Pour les législatives ratées, la quasi-totalité des leaders de l’opposition républicaine se s’est retrouvée en prison; et pour la présidentielle ubuesque, c’est toute la classe politique nationale qui compte qui s’est trouvée anesthésiée.
Ce que l’on n’oubliera jamais, c’est que la Ceni de 1997 a été, sinon une véritable foire de détournements d’argent, du moins un gigantesque gouffre financier qui ne sera jamais justifié.
N’empêche, Me Kassoum Tapo sera député sous Amadou Toumani Touré (ATT) à partir de 2002 et deux fois ministre-éclair de la Justice sous IBK dans une sorte de succession d’intrigues. Il aura participé à l’élaboration d’une constitution sous ATT et d’une autre sous IBK, lesquelles resteront lettres mortes pour diverses raisons politiques tumultueuses.
La question que les Maliens se posent depuis le samedi passé, c’est de savoir si Me Kassoum Tapo est légitime à parler de refondation du Mali alors même qu’il est comptable de la désagrégation du pays.
En plus, avant de se battre pour la refondation du Mali, ne devrait-il pas demander d’abord justice pour les victimes de la répression sanglante des manifestants les 10, 11 et 12 juillet 2020 quand il était ministre de la Justice? A-t-il oublié la comparution immédiate des manifestants arrêtés sur son instruction ? Aussi dans une interview accordée au journal ‘’Le Prétoire’’, il a laissé entendre que les prisons sont nombreuses pour accueillir les anti-IBK. Ces propos ne sont pas tombés dans les oreilles de sourds et il est trop tôt pour que les Maliens oublient cela. À ces questionnements s’ajoutent plusieurs autres. Mais Me Kassoum Tapo prétend que son Morema rassemble sans exclusive les Maliens de toutes les couches qui ont souci du Mali.
Au Mali le ridicule ne tue pas! Un Kassoum Tapo qui était prêt à arrêter tous les jeunes qui réclamaient la bonne gouvernance et la refondation (Mali Kura) vient donc de créer un mouvement pour la refondation du Mali.
Quel type de refondation veut-il proposer aux Maliens? Une refondation dans la continuité? À l’évidence, il veut s’appuyer sur les courants religieux. Pour cela, il a cité de façon répétée l’engagement de Chouala Bayaya Haïdara qui, selon ses dires, a déjà manifesté son intérêt pour son mouvement et réalisé des vidéos d’appel pour cela. Chouala sera-t-il l’épouvantail brandi face à Mahmoud Dicko ? Les jours prochains le diront. Mais il est vraiment temps que certaines personnes commencent à respecter l’intelligence de nos concitoyens.
Nouhoum DICKO
Source: L’Alerte