N’Djamena accuse l’opération onusienne de se servir de ses soldats comme d’un “bouclier humain” au nord du Mali. En trois semaines, 10 soldats tchadiens ont perdu la vie dans des attaques à l’explosif
En première ligne dans la lutte contre les groupes islamistes armés du Nord-Mali, le Tchad dénonce la “situation de précarité et de discrimination” réservée à ses troupes au sein de la Minusma, la force de l’ONU dans le pays. Hier vendredi, au lendemain de la mort de cinq de ses soldats dans le nord du Mali, le gouvernement tchadien a publié un communiqué dont le contenue ne souffre d’aucune ambigüité. Si la sécurité de ses soldats n’est pas mieux assurée, “des mesures” seront prises.
N’Djamena “constate avec regret que son contingent continue à garder ses positions au Nord-Mali et ne bénéficie d’aucune relève. Pire, notre contingent éprouve des difficultés énormes pour assurer sa logistique, sa mobilité et son alimentation.” Selon le gouvernement, le contingent tchadien est “utilisé comme bouclier aux autres forces de la Minusma, positionnées plus en retrait”. Au Mali, des responsables du contingent tchadien ont exprimé les mêmes doléances, accusant la force de l’ONU de les traiter comme “du bétail pour les jihadistes”.“Des moutons à sacrifier”
“Nous en avons marre ! La Minusma considère nos troupes comme du bétail pour les jihadistes. Ils nous considèrent vraiment comme des +moutons à sacrifier+. A Aguelhok, nos troupes dorment souvent dans leurs voitures”, a déclaré un officier tchadien au Mali devant des journalistes. “A la date du 24 août, il n’y avait même pas une radio à Aguelhok pour communiquer avec les autres localités. C’est grave. Nous nous demandons si c’est parce que nous sommes des noirs que nous n’avons pas droit aux mêmes mesures de protection que les autres troupes”, a ajouté cet officier.
Un autre officier tchadien a dénoncé une “grande défaillance” dans la chaîne de commandement de la Minusma. “Même la manière d’annoncer la mort des Tchadiens est différente de l’annonce des autres morts”, a-t-il estimé, affirmant que les blessés de la dernière attaque jeudi avaient été “trimbalés entre Aguelhok et Tessalit sans aucune coordination”. Le dernier mot reviendra à Ndjaména, “mais si ça continue, nous allons plier bagages”, a prévenu cet officier.
Une semaine à la MINUSMA pour prendre des dispositions
Dénonçant une “situation de précarité et de discrimination”, le gouvernement tchadien “interpelle les responsables de la Minusma et les invite à un traitement juste et équitable de tous les contingents mobilisés dans cette opération”. “Un délai d’une semaine est accordé à la Minusma pour opérer les relèves nécessaires et mettre à la disposition du contingent tchadien tous les moyens destinés à l’accomplissement de sa mission”, selon le communiqué.
“Passé ce délai, le Tchad se réserve le droit de prendre les mesures qui s’imposent”, prévient-il, sans toutefois préciser de quelles mesures il s’agit.