Le MNLA, qui participe à la libération du Mali aux côtés de la France et des armées africaines, reste un mouvement à l’image brouillée.
Dans les évènements qui ballotent le nord du Mali, le rôle du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), cette milice et parti rebelles composée essentiellement mais non uniquement de Touaregs, reste la grande inconnue. Le mouvement lui-même voudrait une négociation directe avec le pouvoir – quel pouvoir? – à Bamako. D’égal à égal, en tant qu’incarnation de la volonté populaire des « Azawadiens », comme disent leurs quelques représentants officiels à Paris.
Vu de Bamako, dans la confusion des partis et des ambitions, le MNLA est le gros méchant loup, le groupe par qui tout le mal est venu. Début 2012, il a mis les troupes maliennes en déroute à Aguelhok. (Le monstrueux épisode des soldats maliens éventrés devra attendre une éventuelle enquête pour dire si vraiment des éléments du MNLA ont commis ce crime).
Pour les militaires, MNLA = Ansar Dine = MUJAO
Mais en plus de l’esprit de revanche militaire à Bamako, il y a une idée fixe: les gens du MNLA, ce sont les mêmes qu’Ansar Dine, et que ceux du MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique occidentale). AQMI est différent: des étrangers, djihadistes dont les épisodes de contrebandes et d’enlèvements financent leur cause.
Dans cette logique, tous les groupes hors AQMI sont des narco-contrebandiers. Parfois Ansar Dine et le MUAJO singent al-Qaïda, avec des jeunes désœuvrés que les chefs mafieux transforment en zombies violentes. Une histoire de faux nez, de mascarade, de cynisme, de manipulation. Le MNLA et les autres groupes voudraient accroître leurs gains, leurs pillages, leurs rapines, et se transmuent sans cesse.
Toujours vu du point de vue des Maliens classiques – c’est-à-dire tous les sudistes et une partie des nordistes, comme à Gao et à Tombouctou – le MNLA dispose de porteparoles divers et incohérents à Paris et à Nouakchott, qui ne représentent qu’eux-mêmes. Au moins un ministre français est de cet avis. Le gouvernement français, selon ces « classiques », a bien fait d’envoyer notre armée attaquer les rebelles du nord, et ne doit pas donner de légitmité au MNLA.
Les dirigeants français respectent néanmoins le MNLA
Quand on parle aux porteparoles militaires, le MNLA n’est jamais mentionné comme tel. J’ai posé jeudi 2 mai une question par liaison Internet publique au Général commandant des opérations terrestres de Serval, Bernard Barrera. Lui disait que les forces françaises sont en contact avec les éléments touaregs dans le nord, sans nommer le MNLA (pourtant explicitement nommée dans ma question).
Le contraste est saisissant cependant entre la branche en uniforme et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en costume civil et qui parfois use d’une clarté de langage rafraîchissante. Voici une déclaration du ministre, toujours ce 2 mai (à la 3e personne car lue par le porteparole du ministère de la défense): Jean-Yves Le Drian a dit qu’il faut veiller « à ne pas laisser de ‘vide sécuritaire’ au Mali et il a rappélé l’importance du processus de réconciliation, notmment celle du dialogue entr le pouvoir [malien à Bamako] et le MNLA ds ce pays. »
Eh oui, Le Drian a dit « MNLA »!
Réaction du MNLA à Paris:
Moussa Ag Assarid, directeur des relations avec l’Europe et l’un des porteparoles, m’a fait un rappel des faits vus par lui, toujours en ce jeudi 2 mai:
– le 14 janvier (deux jours après le début de Serval), le MNLA a annoncé qu’il collaborerait avec les forces françaises contre le terrorisme.
– le MNLA a perdu plusieurs dizaines d’hommes: à Gao, Ansango, Menaka, d’autres endroits. À Kidal, le MNLA avait deux camps militaires: il en a cédé l’un à l’État-major français, l’autre aux forces tchadiennes.
Ag Assarid de poursuivre: « Nous n’avons pas la pleine reconnaissance de nos actions dans la lutte contre le terrorisme. Le MNLA a assuré un versant dans l’avancée des Français et des Tchadiens dans le Massif des Ifoghas. MNLA est le protecteur naturel et légitime des populations de l’Azawad. Le MNLA se veut multiethnique, touareg et songhaï et autres ethnies du nord. Jean-Yves Le Drian connait bien le problème à présent, et sait que nous sommes ceux avec qui il faut négocier vraiment. »
Je signale en passant que par terroristes, le MNLA désigne AQMI, le MUJAO, et parfois Ansar Dine. Ce dernier, presque entièrement touareg, est composé de brebis égarées et manipulées par leur chef djihadistes Iyad Ag Aghaly selon le MNLA. Le passage des éléments du MNLA à Ansar Dine, et vice-versa, est constaté sur le terrain, par la presse, l’armée française, l’armée malienne, et dans une moindre mesure par le MNLA lui-même.
Conclusion: il vaut mieux parler du MNLA, en attendant de parler au MNLA
Lorsque le ministère de la défense et l’État-major gomment la mention du MNLA dans leurs déclarations, et lorsque les Maliens « classiques » dénigrant le MNLA à Bamako, l’importance de cette rébellion qui se veut « révolution d’un peuple, celui de l’Azawad », s’accroît.
Le déni ou le dénigrement de l’ennemi dans les luttes internes est une tactique de guerre psychologique très connue. Rappelons au hasard les cas du Timor oriental versus l’Indonésie, le Sahara occidental versus le Maroc, ETA versus l’Espagne. Ça se termine par la victoire de l’un ou de l’autre, ou par un match nul, mais le seul fait de jouer avec les mots ne produit pas la victoire. Par contre cela crée bien de la confusion.
Harold Hyman
Le 09/05/2013 à 11:46
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