L’interview très à propos du ministre de la justice et des droits de l’homme, Malick Coulibaly, à l’ORTM, le 25 janvier (à 72 heures de l’audience tant attendue) est venue confirmer ce que la rumeur publique chariait depuis bien longtemps.
L’intéressé y déclarait en résumé qu’après sept ans de détention sans jugement, les présumés exécuteurs des bérets rouges » disparus » sont en droit de réclamer leur relaxe et que le ministre en charge des » droits de l’homme « , considérant que » le droit de l’homme est (aussi) du côté des victimes, est soucieux de ce droit-là en allant dans un processus d’indemnisations « .
Ces propos n’ont pas échappé à la vigilance de l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants (AMPP) qui a dénoncé » les velléités du pouvoir politique tendant à se substituer aux magistrats dans la gestion de (cette) procédure pénale « . Précisant que » les offres de dédommagement par l’Etat, bien qu’étant de nature à soulager la souffrance de quelques victimes, ne sauraient entraver le cours de la justice » et que » l’intérêt de la société n’est pas à confondre avec celui des gouvernants, des dirigeants ou d’un régime »
Déjà, lorsque le ministre-porte-parole du gouvernement, Yaya Sangaré, avait, dans un tweet, annoncé le report de l’audience initialement fixée au 13 janvier » en raison de contraintes majeures liées à la préservation de l’ordre public et de la cohésion au sein des forces armées mobilisées pour la défense de la patrie » il s’était attiré les foudres du SAM et du SYLIMA, les syndicats les plus remuants de la magistrature. Ils avaient déploré que » le gouvernement de la République du Mali a , de façon inadmissible, porté atteinte à l’indépendance de la Magistrature puisqu’il a posé un acte qui relevait du domaine éminent du Pouvoir Judiciaire. »
Ajoutons-y que le Premier ministre, probablement sur directive du président IBK, a rejeté l’offre de démission présentée par le ministre de la défense, Général Ibrahim Dahirou Dembélé, pour comparaitre devant la Chambre d’accusation.
A l’évidence il y a bien eu des ingérences flagrantes de la partie gouvernementale pour tenter d’influencer le cours de l’audience, notamment orienter la décision des juges vers une libération totale et définitive de Sanogo et de sa bande en échange de largesses consenties aux ayants-droit de leurs victimes. On parle de plusieurs dizaines de millions de francs CFA, de logements sociaux, de postes dans les fonctions publiques civile et militaire.
La mise en liberté provisoire des mis en cause contrarie donc le projet concocté par le pouvoir en place. Aux organisations de défense des droits de l’homme, au Mali et dans le reste du monde, de veiller à ce que le procès sur le fond se tienne effectivement. Pour que plus jamais le Mali ne revive l’horreur de Diago.
Saouti HAIDARA
Source : l’Indépendant