Notre pays, notre cher Mali est à la croisée des chemins. Il traverse aujourd’hui une période trouble de son existence. Il est devenu la proie de criminels de tous bords trop souvent étrangers, des insurgés islamistes et des insurgés séparatistes menaçant l’existence même de notre Etat et cela malgré la présence militaire et humanitaire de la communauté internationale venue à son chevet de grand malade. Une maladie devenue presque incurable du fait notamment de la corruption rampante et de la mauvaise gouvernance de sa classe dirigeante et cela depuis des décennies ayant entraîné un malaise social et économique ainsi que la paupérisation de la majeure partie de la population.
Il est fort regrettable de constater que l’État malien, jadis, l’un des plus respectés en Afrique du fait de sa notoriété panafricaine et de sa puissance militaire, est devenu de plus en plus depuis près de trois décennies, un Etat faible et plus récemment un Etat failli car n’arrivant plus à pourvoir sous sa gouvernance, la sécurité de ses populations et à détenir seul le monopole de la violence légitime. Cette situation calamiteuse est si inquiétante que le Mali est devenu la risée des autres nations.
Depuis 2012, une succession de coups de force militaire et une gestion calamiteuse des affaires de l’Etat par une équipe gouvernante (celle d’Ibrahim Boubacar Keita) jugée la plus corrompue et la plus incompétente de l’histoire du pays ont fini par plonger le Mali dans l’abîme.
Partenaires sous régionaux, africains, bilatéraux et internationaux n’ont cessé de se convaincre que les maliens sont incapables de se prendre eux-mêmes en charge et ont versé dans l’arrogance et le mépris pensant que sans eux le Mali serait appelé à disparaître.
La prise de conscience récente de nos frères en arme le 24 Mai 2021 pour enfin décider d’accompagner la mobilisation populaire initiée le 5 juin 2020 par le Rassemblement des Forces Patriotiques communément appelé le M5-RFP face à la déliquescence de l’Etat malien et de sa gouvernance, prouve que le Mali ne peut s’effondrer et que le peuple malien a le ressort nécessaire pour rebondir et inverser la tendance à la faillite que certains oiseaux de mauvaise augure auraient souhaité voir et assouvir leurs intérêts égoïstes. Séparatistes et djihadistes auront désormais face à eux le véritable rempart du peuple malien en éveil. Le Mali n’est pas voué à l’échec. Les forces patriotiques militaires et civiles n’entendront jamais céder à la pression et à la menace des forces négatives tant de l’intérieur que de l’extérieur.
Aujourd’hui, l’opinion publique nationale malienne demande une alternative à la situation de déconfiture de notre État pour le reconstruire même s’il faut partir de zéro ;l’État malien ayant été totalement ôté de sa capacité, d’une part, à assurer l’intégrité territoriale, la sécurité et le maintien du monopole d’usage de la violence, et d’autre part, à satisfaire les besoins les plus élémentaires de la population, à savoir, la santé, l’éducation, l’alimentation, bref tout ce qui pourrait être naturellement l’obligation pour ceux qui nous gouvernent.
Nos partenaires régionaux, bilatéraux et internationaux doivent se mettre à l’évidence que le Mali est aujourd’hui un État failli. En tout état de cause, les populations du Nord et du Centre du Mali ne diront jamais le contraire. Aussi, doivent-ils absolument chercher à renforcer plutôt leur engagement avec le Mali et tourner dos aux pratiques et recettes du passé qui ont conduit à cet état actuel de fait de faillite de notre système de gouvernance.
Nous maliens, nous sommes comptables de la déliquescence de notre État et de sa faillite.Nos partenaires doivent s’engager de façon honnête et transparente à nous accompagner à rebâtir d’abord notre État, nous aider à nous prendre nous-mêmes en charge sur le plan sécuritaire, reconstituer notre armée patriotique et construire une économie réelle qui puisse profiter aux fils et filles de notre pays. Ils doivent s’engager à supporter notre société civile et notre classe politique dans l’effort de reconstruction mené par nous-mêmes maliens et pour les maliens pas pour satisfaire seulement les intérêts seulement les intérêts géopolitiques et stratégiques externes. C’est a ce prix et seulement a ce prix que le succès de la refondation de l’Etat malien pourra être garanti.
La descente aux enfers orchestrée par des seigneurs de guerre qui pillent et tuent quotidiennement les populations civiles sans défense, l’expansion des extrémismes religieux, les luttes intercommunautaires sont non seulement contraires aux intérêts du Mali, mais aussi à ceux de l’ensemble de nos partenaires extérieurs et de notre sous-région. Plus que jamais, leur sécurité dépend de celle du Mali.
Mais, nous ne pouvons guère nous satisfaire d’un semblant d’Etat pris en charge sécuritairement et économiquement par l’extérieur. Tel est le cas actuel du Mali. Cette situation bafoue notre dignité et notre souveraineté. Nous voulons enfin nous redresser et tenir debout sur les remparts, marcher la tête haute pour reconstruire notre État avec la pleine confiance des citoyennes et citoyens maliens.
Depuis près d’une décennie de dépendance militaire totale, le Mali marche avec des béquilles tenues par la communauté internationale. Les maliens sont lassés de cette situation d’incertitudes à pouvoir se prendre réellement en charge. En réalité, le pays ne fait que plonger davantage dans l’abîme particulièrement sur le plan de la défense, de la sécurité et de la gouvernance. Les citoyens maliens bénéficient de moins en moins de services sociaux de base.
La politique est devenue une affaire de sport d’élite entre les mains d’individus corrompus et véreux déconnectés des réalités sociales du pays. La corruption généralisée a fini par gangrener la société malienne et dans tous les domaines et à tous les niveaux et par se mettre à genoux face à ceux qui prétendent soutenir le pays.
Malgré la signature des accords de paix issus du processus d’Alger en 2015, cette paix est devenue un leurre ; sa mise en œuvre s’étantavéréedifficile à cause notamment de nombreux points d’ombre potentiellement dangereux pour l’unité du pays. Depuis, l’extrémisme religieux et l’insécurité comme un cancer n’a cessé de se métastaser à travers le septentrion et le centre du pays et dans les pays limitrophes (Niger et Burkina Faso) malgré la présence massive de forces extérieures sensées accompagner le Mali. Notre pays a fini par devenir le ventre mou de la sous-région. Le Nord et le Centre du Mali ycompris la zone du Liptako-Gourma sont quasiment passés sous contrôle des groupes islamistes, des groupes séparatistes, des narcotrafiquants et des bandits armés, de voleurs de bétail et de criminels de tous bords, Pire, ce défi sécuritaire couplé au défi sanitaire lié à la COVID-19 aggrave la pauvreté rampante des populations faisant remonter le sentiment d’impuissance et de non droit dans notre pays jadis connu pour la fierté et la dignité de ses fils et filles a travers l’Afrique.
Il va sans dire que l’assistance internationale à laquelle nous avons naïvement fait appel pour nous secourir a atteint indéniablement ses limites, en dépit, des moyens militaires et financiers colossaux en termesd’équipements et de troupes mobilisés par les partenaires extérieurs. En réalité, nous maliens supposés prendre en charge la gouvernance du pays, nous ne semblons pas avoir pris conscience de la gravité de la situation du pays.
La persistance des problèmes profonds de gouvernance, de corruption et de mauvaise gestion économique n’ont fait qu’accélérer le déclin de la nation malienne. Trop souvent, ceux qui étaient aux affaires essayaient plutôt de colmater simplement les brèches çà et là du bateau Mali entrain de chavirer.
Que de poudre aux yeux(flamme de la paix, conférence d’entente nationale, dialogue national inclusif, etc.) pour faire semblant de faire face aux problèmes pendant qu’il s’agissait de résoudre les problèmes structurels de fonds qui minent l’existence de la nation malienne, à travers notamment des assises nationales réellement inclusives de reconstruction de notre État partant de la base (populations locales) dans un véritable cadre démocratique.
Le 18 août 2020, une lueur d’espoir pour le Mali avait été aperçue à l’horizon pour sortir le pays de la profonde crise multidimensionnelle dans laquelle il s’est trouvé englué.En effet, à la suite de la pression populaire grandissante du M5-RFP, un groupe de jeunes officiers déposa le régime corrompu et incompétent d’Ibrahim Boubacar Keita. Mais c’était sans compter sur la vigilance des forces extérieures promptes à défendre leurs intérêts égotistes. Le régime défunt a été théoriquement mis à l’écart mais il a continuéà se perpétuer dans la pratique estompant ainsi tout espoir de changement de gouvernance.
Ce n’est qu’à partir du 24 mai 2021,après neuf mois perdus de transition à l’issue incertaine que le peuple malien a eu finalement droit au rêve de se réapproprier son État. Les jeunes officiers du 18 août 2020 ont finalement décidé de composer avec le M5-RFP et l’ensemble des maliennes et maliens pour créer les conditions de reconstruction du nouveau Mali.
La tâche sera ardue car il faut au besoin partir pratiquement de zéro et faire face aux multiples turpitudes que les forces négatives internes et externes opposeront certainement à l’effort national de reconstruction dans le délai imparti à la transition imposée au Mali par ses partenaires.
Aussi, le contexte exige-t-il aujourd’hui beaucoup plus de méthode et d’organisation de la part des nouvelles autorités issues du changement de pouvoir intervenu le 24 mai 2021.
De prime à bord, nous en appelons aux leaders religieux(de toutes les confessions) et traditionnels, détenteurs du pouvoir moral dela société malienne de convoquer un véritable « Sommet de l’espoir » pour soutenirle nouveau processus de refondation de l’Etat malien et de sa gouvernance. Cette initiative devra servir d’interpellation de tous les segments de la société malienne pour un éveil patriotique pour sauver le Mali: société civile, forces armées et de sécurité, syndicats, partis politiques, mouvements armésséparatistes, leaders des groupes islamistes maliens, partenaires bilatéraux, régionaux et internationaux.Elle devra pointer du doigt les maux du Mali, aussi bien du gouvernement que de la société et appeler le peuple malien à organiser des assises nationales pour relever les défis réels de lareconstruction de l’Etatet éviter au pays de tomber dans l’abîme.
Les partenaires régionaux, bilatéraux et internationaux pourront juste aider de façon complémentaire le Mali à se redresser de sa situation d’Etat failli.Washington D.C, Moscou, Bruxelles, Paris, Pékin, Tokyo, Pays arabes, Système des Nations Unies, Union africaine, CEDEAO, etc. devront désormais aider le Mali en lui apportant une aide économique et militaire de stabilisation et de lutte contre la corruption sur la base de véritables réformes mesurables de l’Etat malien, de ses services incluant les droits humains issues de son processus interne de refondation.
A nos partenaires, nous leur demandons de nous appuyer pour promouvoir notre propre effort de reconstruction de notre État à travers des échanges féconds, des conférences, l’appui technique et tout autre outil transparent de « soft diplomacy »(diplomatie d’influence), l’aide à la société civile et aux organisations non gouvernementales dans leur effort de renforcement de notre système démocratique.
A nos partenaires, nous appelons davantage de compréhension pour aider le Mali àsortir durablement de la crise multidimensionnelle dans laquelle il s’est retrouvé piégé pendant les trois dernières décennies, sinon la situation serait pire non seulement pour le Mali mais aussi ses voisins.
Le Mali doit êtrerespecté dans sa souveraineté et c’est à lui que revient prioritairement le devoir de se prendre en charge pour construire un Etat viable au service de sa population.Les Maliens sont connus pour leur résilience, leur engagement sans faille d’appartenance à l’Afrique. Notre capacité à inverser cette situation dramatique d’Etat failli requiert non seulement notre propre éveil de conscience mais aussi l’appui immédiat de nos partenaires.
Nous ne nous faisons point d’illusions ; nous appartenons à ce monde réel dans lequel les nations coopèrent en tenant compte des intérêts géopolitiques, géostratégiques et économiques des différents États dans un partenariat gagnant-gagnant.
Nous, maliens, nous avons été nous-mêmes à la base de la faiblesse puis la faillite de notre État et cela par notre comportement irresponsable vis-à-vis desa gouvernance. Nous seuls sommes comptables de cette situation et nous seuls sommes capables de nous ressaisir pour reconstruire notre Etat avec de nouveaux comportements et paradigmes avec l’accompagnement intelligent et efficace de nos partenaires extérieurs.
Une porte vient grandement d’être ouverte à nous maliens pour asseoir les bases du Nouveau Mali au cours de cette courte période de transition politique au Mali.Nous devons chercher a rentrer dans l’histoire de notre nation en resserrant les rangs autour des responsables de cette transition. Plusieurs mesures de redressement de l’Etat ont été annoncées. Nous proposons à travers cette modeste contribution à l’entame des dispositions pratiques de refondation et de lutte contre la corruption et l’impunité de rechercher dans les délais les plus brefs la bénédiction et l’accompagnement de l’ensemble des religieux et des leaders traditionnels de notre pays à l’occasion d’une rencontre au sommet pour mobiliser les cœurs et esprits des maliennes et des maliens autour des responsables de la transition pour l’avènement du NOUVEAU MALI.
Mouslim A. MAIGA