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Le danger libyen dans la guerre au nord du Mali

Des islamistes dans la région de Gao (Mali). © AFP

Des islamistes dans la région de Gao (Mali). © AFP

Où sont passés les chefs djihadistes cachés au Mali ? N’auraient-ils pas déjà fui le pays pour se mettre à l’abri dans les pays voisins ? Analyse.

Une inquiétude persiste parmi les États voisins du Mali, plus spécialement au Niger. Les djihadistes, et en particulier leurs chefs, n’auraient-ils pas déjà fui le pays pour se mettre à l’abri dans les pays voisins et attendre des jours meilleurs ? On se demande d’ailleurs si Aqmi n’a pas déjà transféré les otages hors du Mali. C’est l’opinion d’un des spécialistes de la région, contacté à Bamako par téléphone. « Il est à craindre que les gros calibres d’Aqmi aient quitté les Ifoghas et que les militaires n’éliminent plus que des seconds couteaux », estime-t-il. Pour lui, si la mort d’Abou Zeid est confirmée, celle de Mokhtar Belmokhtar ne l’est pas.

 

Où pourraient aller les djihadistes en fuite ? Deux pays sont pointés du doigt. Le premier est la Libye. Depuis la révolution, la désorganisation de certaines régions, en particulier celles du Sud, est totale. Elles échappent au contrôle du pouvoir central, les trafics d’armes y sont permanents, les djihadistes y sont chez eux. Les salafistes du Groupe islamique combattant libyen (GICL) et les chefs d’Aqmi, en particulier Mokhtar Belmokhtar, se connaissent depuis longtemps : les premiers ont fourni les armements des seconds depuis 2011, et ils sont intouchables en Libye. Ainsi, c’est de Libye, où ils ont bénéficié de complicités, via le Niger, que sont venus les hommes de Mokhtar Belmokhtar en janvier pour attaquer le site gazier algérien proche d’In Amenas.

 

Si les combattants d’Aqmi se déplacent du nord du Mali au sud de la Libye, le Niger, le Tchad, l’Algérie, connaîtront, à leur tour, l’insécurité. « Et en Libye, il sera quasiment impossible de les combattre », estime un diplomate. Pour le Niger, qui se sait le second pays le plus vulnérable de la région, il faut donc éliminer les hommes d’Aqmi avant qu’ils ne s’installent dans le sud de la Libye. Et éviter aussi que des djihadistes ne prennent pied sur le sol nigérien.

 

Frontières poreuses

La tâche n’est pas aisée, pour deux raisons. La première : une très longue frontière, assez poreuse, sépare le Niger du Mali. En 2011 et 2012, le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), groupe dissident d’Aqmi, y a aisément recruté des jeunes dans la région du fleuve. Les djihadistes leur donnaient entre 100 et 150 euros, une kalachnikov et de la nourriture. Une manne, car la pauvreté et le chômage sont la norme. Depuis la guerre, plusieurs centaines de ces recrues sont rentrées chez elles. Les jeunes vont-ils reprendre une vie normale ? Vont-ils être récupérés par des imams fondamentalistes et formés des cellules dormantes qui ressurgiront ultérieurement ?

 

Deuxième motif d’inquiétude : les étendues désertiques de l’Aïr, au nord du pays, sont encore plus incontrôlables. En 2012, Aqmi avait tenté de s’y installer et de se doter d’une nouvelle base arrière proche de la Libye. Les djihadistes n’étaient pas les bienvenus et les chefferies locales leur ont demandé de quitter la région.

 

Pourchassés par l’armée française, certains peuvent être tentés de s’y installer de nouveau. Pour rejoindre la Libye, les autres n’ont pas le choix : la seule piste praticable, et mal contrôlée, transite par le nord du Niger, longe les milliers de kilomètres de la frontière algérienne et pénètre en Libye par la passe de Salvador. Des pick-up remplis d’armes et de djihadistes venant de Libye continuaient à arriver au nord du Mali en février. C’est terminé.

Sécurité à long terme

Niamey ne veut pas devenir une future base des djihadistes en déroute. Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, ingénieur des Mines, diplômé de Saint-Étienne, a été le premier, dés 2012, à demander une intervention militaire au Mali. Au début de la guerre, il a été le premier à engager des soldats (700) ; il a aussi autorisé des forces spéciales françaises à renforcer l’armée nigérienne autour d’Arlit (mines d’uranium exploitées par Areva), et les Américains à installer des drones Predator à Agades pour surveiller le corridor vers la Libye et le nord du Mali.

 

Ces derniers jours, l’armée nigérienne installée dans l’est du Mali est sur les dents pour éviter les infiltrations de l’autre côté de la frontière. Dans les régions de Menaka et de Kidal, les Nigériens qui se sont battus contre le Mujao affrontent les Touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Le Niger est convaincu que tant qu’il existera des irréguliers en armes au nord du Mali, ils représenteront un danger potentiel pour la région. Niamey ne soutient donc pas la France dans son flirt avec le MNLA. Paris espère que le mouvement touareg (non-islamiste) peut l’aider à libérer les otages. Niamey a d’autres priorités, en particulier ne pas favoriser un nouvel irrédentisme touareg sur son sol.

 

Le Niger est incontestablement le pays le plus cohérent de la région pour tenter de trouver une solution à la fragilité des États sahéliens. En février, il organisait, avec le Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel-Sahara (C4S), un think tank fondé par l’ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, Ahmedou Ould Abdallah, et l’Institut international pour la paix de New York, un séminaire international sur la sécurité et le développement dans la région du Sahel et du Sahara. Pendant deux jours, des experts (dont Romano Prodi au nom de l’ONU), des diplomates, des chercheurs, des hommes politiques, des responsables du renseignement et des militaires ont discuté, en cercle restreint, des réponses à apporter pour lutter contre les djihadistes et renforcer les États. Tous estimaient qu’après la phase militaire, seul le développement et l’implication des populations pourront ramener une sécurité à long terme dans la région. Ce sera la bataille la plus difficile.

 

Le Point.fr – Publié le 17/03/2013 à 18:08  Par MIREILLE DUTEIL

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