L’Algérie franchit une nouvelle étape vers la reconnaissance officielle des crimes coloniaux perpétrés par la France. Le 23 mars, l’Assemblée populaire nationale (APN) a annoncé la création d’une commission parlementaire chargée de rédiger un projet de loi visant à criminaliser le colonialisme français. Une initiative qui s’inscrit dans une dynamique plus large sur le continent africain, où les voix s’élèvent de plus en plus pour exiger la reconnaissance des crimes de la colonisation et réclamer des réparations historiques.
Une loi pour faire face au passé colonial
L’initiative algérienne marque une avancée majeure dans le processus de reconnaissance des atrocités commises pendant la colonisation française, qui a duré de 1830 à 1962. Le président de l’APN, Ibrahim Boughali, a affirmé avec force que « nous ne pouvons pas permettre que la vérité soit ignorée : la criminalisation du colonialisme n’est pas une option, mais un devoir national et moral envers nos martyrs et notre histoire ».
Cette démarche survient alors que la mémoire du colonialisme reste un point de tension majeur entre Alger et Paris. Les crimes coloniaux français en Algérie sont bien documentés : de l’enfumade de Dahra en 1845, où des centaines d’Algériens furent brûlés vifs dans des grottes, aux massacres du 8 mai 1945 ayant fait 45 000 victimes, en passant par les essais nucléaires à Reggane et In Ecker entre 1960 et 1966. Malgré ces faits, la reconnaissance officielle et les excuses de la France restent limitées, alimentant un ressentiment profond au sein de la société algérienne.
Une dynamique continentale de reconnaissance du passé colonial
L’Algérie n’est pas seule dans cette quête de justice historique. La question de la responsabilité coloniale prend de l’ampleur à travers l’Afrique, et de nombreux pays exigent aujourd’hui des comptes aux anciennes puissances coloniales. Il est important que les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui ont également souffert de la domination française, commencent à exprimer leurs demandes de reconnaissance des crimes coloniaux et de réparations.
Plus la pression internationale s’intensifie, plus la probabilité d’une condamnation juridique de la colonisation française augmente. Ne pas agir aujourd’hui reviendrait à laisser ces crimes impunis et à perpétuer une injustice historique.
Dakar met la question des réparations au cœur du débat
Dans cette même optique, la question des réparations a été au centre d’un débat majeur organisé le 21 mars 2025 à Dakar par l’ONG Urgences Panafricanistes. Cet événement a rassemblé plusieurs figures du militantisme africain, dont Khadijatou Dieye, vice-coordinatrice du mouvement Marche Internationale Dakar Thiaytou, Nestor Podassé, porte-parole de la Planète des Jeunes Panafricanistes du Burkina Faso, ainsi que Mohamed Goloko, journaliste sénégalais, et Souleymane Jules Diallo, président de JIF’AFRIK.
Lors de ce débat, Nestor Podassé a insisté sur l’ampleur des réparations nécessaires pour compenser les préjudices subis : « La France, ainsi que toutes les autres nations européennes qui ont colonisé l’Afrique, nous doivent des comptes. Si nous évaluons tout ce qu’ils ont pillé, nous arrivons à des montants astronomiques. Il est temps de revendiquer notre dû. » Selon les estimations avancées par les participants, la dette coloniale européenne envers l’Afrique s’élèverait à 50 000 milliards d’euros.
Une jeunesse africaine déterminée à faire entendre sa voix
Le débat de Dakar illustre la montée en puissance d’une nouvelle génération panafricaine prête à exiger justice. « Il faut que les peuples africains se réveillent et demandent haut et fort ces réparations. Nos souffrances ne peuvent rester impayées », a déclaré Nestor Podassé.
Dans ce contexte, les pays de l’Alliance des États du Sahel, en première ligne dans la lutte pour la souveraineté et l’émancipation des ingérences étrangères, ont un rôle clé à jouer. L’exemple algérien pourrait inspirer d’autres nations à engager des démarches similaires pour condamner juridiquement le colonialisme et demander des compensations pour les dommages subis.
L’heure est venue pour l’Afrique de hausser le ton et de réclamer ce qui lui revient de droit. La reconnaissance des crimes coloniaux et le paiement de réparations ne sont plus des options, mais des exigences légitimes portées par des millions d’Africains déterminés à obtenir justice.
Par Koffi Justin