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L’affaire Dieudonné n’est pas la préoccupation majeure des Français

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A l’issue d’une longue journée, Manuel Valls a remporté une victoire politique sur Dieudonné. Le Conseil d’Etat a confirmé l’interdiction d’une représentation de l’humoriste prévue jeudi soir à Nantes, au nom des risques de troubles à l’ordre public. Ce vendredi, c’est le tribunal administratif d’Orléans qui a, à son tour, confirmé l’interdiction du spectacle de Dieudonné à Tours en ce jour. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Institut français d’opinion politique (Ifop) répond aux questions d’Alexandra Cagnard.

Finalement, le spectacle de Dieudonné n’a pas eu lieu à Nantes. Est-ce que l’on peut parler de victoire politique pour Manuel Valls ?

Frédéric Dabi : Je ne parlerais pas de victoire politique, je parlerais plutôt de cette décision qui reflète le rejet dont pâtit Dieudonné dans l’opinion publique française. L’Ifop a publié ce matin une enquête pour le journal Métro, un quotidien gratuit, où 71% des Français déclarent avoir une mauvaise opinion de Dieudonné ; seuls 16% ont une bonne opinion de lui et seulement 4% une très bonne opinion. Et ce résultat global reflète l’opinion publique française. Il se retrouve dans toutes les catégories socio-démographiques, sociales et politiques.

Puisque vous parlez de ce sondage que vous publiez aujourd’hui dans Métro News, est-ce que vous pouvez le détailler un petit peu ? Quelle est la proportion en termes de sympathisants, qu’ils soient de droite ou de gauche ?

Ce qui est intéressant de noter, c’est qu’il n’y a pas de clivage gauche-droite massif sur cette question. Je parlais du chiffre global, seulement 16% de bonnes opinions pour Dieudonné. Ce chiffre tombe à 12% à gauche, 14% seulement chez les sympathisants de l’UMP. Il n’y a qu’une famille politique où la cote de Dieudonné est un peu plus favorable – et encore, elle est malgré tout minoritaire -, ce sont les sympathisants du Front national : 32%, donc un petit tiers des sympathisants du Front national, déclarent avoir une bonne opinion de Dieudonné M’Bala M’Bala.

Revenons à Manuel Valls et le terrain politique. Le ministre de l’Intérieur dit qu’il ne s’agit pas d’une victoire personnelle, mais d’« une victoire de la République ». Est-ce qu’il est vraiment soutenu par l’Elysée et Matignon dans ce combat ?

C’est une question qu’il faut poser à l’Elysée et à Matignon. Je dirais qu’il y a peut-être un décalage assez fort entre la forte exposition médiatique et également sur les réseaux sociaux, sur Internet, de cette affaire Dieudonné, et le niveau de préoccupation et d’attention réelle des Français. Dans une autre enquête pour Paris Match, on voit que malgré le fort tapage médiatique, la polémique autour de Dieudonné n’est pas un sujet dont les Français ont parlé majoritairement. Ca arrive loin derrière des questions économiques et sociales : hausse de la TVA, hausse du chômage, voire d’ailleurs intervention militaire française en Centrafrique. Donc, de ce point de vue, l’impact politique pour Manuel Valls est relativement marginal. De surcroît, lorsqu’on interroge les Français sur les attentes à l’égard de Manuel Valls, elles sont avant tout centrées sur les questions de sécurité et de lutte contre la délinquance.

Si le Conseil d’Etat avait été dans le même sens que le tribunal administratif, autrement dit si le spectacle de Nantes n’avait pas été interdit, est-ce qu’ à l’inverse Manuel Valls aurait été fragilisé ?

Ça fait beaucoup de « si ». Je ne le pense pas, puisque Manuel Valls s’appuie sur une popularité inédite pour un ministre du quinquennat de François Hollande, c’est-à-dire une popularité presque aussi bonne à droite qu’à gauche. Et c’est le seul qui échappe au clivage gauche-droite. Lorsqu’on regarde la très faible sympathie qu’ont les sympathisants de gauche, qu’ont les sympathisants de l’UMP, voire du Front national vis-à-vis de Dieudonné, le risque d’opinion était relativement faible.

Comment expliquez-vous l’absence de réactions, depuis le début de cette affaire Dieudonné, de la ministre de la Justice Christiane Taubira ?

Je n’ai pas d’explication comme ça à vous donner. Elle a été très fortement sur le devant de la scène sur les questions de « mariage pour tous » et également de racisme lorsqu’elle a été attaquée directement par des élus potentiels, des candidats du Front national ou des sympathisants de la « manif pour tous ». Peut-être est-ce une stratégie de retrait relatif dans l’opinion publique. Elle a pu parler de sujets qui intéressent plus les Français. Elle s’est prononcée sur la question du divorce, puisqu’on lui a remis un rapport pour éventuellement remplacer les juges par un greffier en cas de divorce par consentement mutuel. On est là vraiment sur des sujets qui intéressent peut-être plus les Français. Mais c’est plus Manuel Valls qui a pris la lumière sur cette affaire.

Ca veut dire qu’à plus long terme, c’est lui qui va vraiment sortir gagnant de cette affaire ?

Aujourd’hui, personne ne peut le dire, et il y a quand même des enjeux sur Manuel Valls plus importants que l’affaire Dieudonné. Avant tout : les questions de sécurité et de délinquance. Les élections municipales ont lieu très bientôt en France, et lorsqu’on interroge les Français sur leurs déterminants du vote, sur leurs motivations du vote, la sécurité arrive quasiment en tête, juste devant ou juste derrière, selon les villes, la question de l’emploi et des finances publiques. Là, il y a un enjeu beaucoup plus fort pour Manuel Valls que l’affaire Dieudonné, mais nous ne sommes pas à l’abri de nouveaux rebondissements et d’une création d’un relatif feuilleton s’il y a toute une série d’interdictions ou d’autorisations dans les différentes villes où devait se produire Dieudonné.

Ca veut dire que ce combat de Manuel Valls dans cette affaire Dieudonné peut aussi servir la gauche pour les municipales ?

Je ne le pense pas. Lorsqu’on regarde les préoccupations des Français par rapport aux élections municipales, elles sont extrêmement locales. Il y a l’action de l’éxécutif municipal. Elles peuvent être aussi motivées par une envie de sanctionner le gouvernement. Dans une enquête Ifop-JDD de dimanche dernier, on voyait qu’un quart des Français voulaient utiliser leur bulletin de vote pour sanctionner la politique de François Hollande. Dans ce cadre-là, l’affaire Dieudonné en général, l’implication de Manuel Valls en particulier, apparaissent relativement secondaires.

rfi

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