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Monde artistique : un milieu disparate qu’il faut repanser

Au Mali, un incident tragique a troublé l’ordre et le moral de l’opinion publique le mercredi 11 juin 2025 à Bamako. Plus qu’un simple malentendu tourné au vinaigre, le lynchage à mort de l’artiste rappeur Abdoulaye Macalou dit Lord Makhaveli (ZOO) cache un malaise bien plus profond en milieu artistique.

En plus des rivalités personnelles, l’autre point noir est, la lecture négative qu’ont les Fans des uns envers les autres. Ce crime odieux doit être, une leçon pour sortir dans des jeux partisans et faire face défis plus sérieux.
« Lord Makhaveli était peut-être mon concurrent, mais jamais mon ennemi. Notre rivalité, bien réelle, a toujours été une source de motivation et de dépassement. Ensemble, à travers nos oppositions artistiques, nous avons contribué à faire grandir la musique malienne et à susciter l’enthousiasme des jeunes fans », a indiqué dans un communiqué publié sur ses différentes plates-formes celui qui était considéré jusque-là comme le principal rival de Lord Makhaveli (ZOO), porte-étendard de la BANANA (écharpe) bleue dès l’annonce de son décès. Aboubacar Baboye Bagayoko dit Levisy 501 (BANANA rouge) puisque c’est de lui qu’il s’agit, a, par la même occasion, annoncé l’annulation de ses deux prestations, à l’occasion des événements Journée culturelle de Clairefontaine et Orange Music Talent prévues le samedi 14 juin 2025. L’artiste dit ne pas se sentir, à ce moment de deuil, capable de monter sur scène. Il a adressé un message de condoléances émouvant suivi, quelques heures à peine, d’une dédicace « Dear Macalou » en hommage à l’illustre disparu.
Dans ce Son, Levisy 501 fait clairement savoir aux « Fans buzz » qu’il y avait bien une vie autre que la musique entre lui et Lord Makhaveli. « Les Fans ne connaissent pas la vérité, mais entre nous, il y a bien une autre vie en dehors de la musique », précise une partie de la dédicace. Ce message ajouté aux nombreux autres hommages d’artistes doit servir désormais de boussole à ceux qui se laissent facilement emportés par des considérations partisanes dans un Mali qui prêche régulièrement la coexistence pacifique entre tous ses enfants.
Certes, c’était tel chez qui nous avons hérité le Rap (USA), mais ce genre musical doit changer et s’adapter aux réalités et l’environnement spécifique du Mali. C’est à dire, garder les rivalités artistiques exclusivement sur scène. Surtout que le Rap est venu se greffer à une tradition musicale au Mali « Djeliya» pratiquée par les griots avec comme missions : de cultiver l’amour, la paix et la cohésion dans la société ; mettre fin aux conflits communautaires, familiaux ou fonciers, en s’appuyant sur la traditionnelle valeur de médiation sociale (arbre à palabre).
D’ailleurs, à chaque fois que la cohésion sociale est menacée au Mali, des artistes et les griots se réunissent en collectif pour chanter la paix et la réconciliation malgré leurs rivalités internes. L’on se rappelle du duo « On veut la paix » des deux groupes rivaux à l’époque, Ghetto kafri et Génération Rap Respect (GRR) en 2012, de la célèbre chanson « Mali ko » qui a réuni encore en 2012 près d’une quarantaine d’artistes maliens et l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly, parmi lesquels Fatoumata Diawara, le couple Amadou et Mariam, Toumani Diabate, Oumou Sangaré.
Bien que légitime, cette rivalité artistique demeure incomprise par bon nombre de Maliens, et affecte du coup, souvent de façon très négative, la coexistence entre ceux qui les aiment ou qui aiment tout simplement leurs musiques.
Loin de moi l’idée de vouloir indexer les coupables de cette tragédie, chose qui relève naturellement de la seule compétence de la justice, mais dans un autre contexte, le seul statut d’artiste de Lord Makhaveli (ZOO) aurait suffi pour qu’il soit bien servi ce jour, plutôt que d’être mêlé à une dispute qui finira par lui coûter la vie.
Malheureusement ce genre de rivalité « inutile » accompagnée souvent par la haine et des comportements toxiques entre artistes ou fans est une triste réalité au Mali.
Surtout à l’heure des réseaux sociaux, cette rivalité a pris une autre tournure plus inquiétante, notamment, avec des dénigrements, accusations, menaces, injures, appels au boycott des concerts des uns et des autres, appels et incitations à la violence. Bref : du cyberharcèlement pur et simple dont tous les utilisateurs des réseaux sociaux consomment malgré eux-mêmes.
Ce qui explique d’ailleurs le fait qu’une grande majorité des poursuites anticybercriminalités, à un moment donné au Mali, a ciblé le cercle d’artistes, Fans ou d’influenceurs sur les réseaux sociaux.
Régies par la Loi de 2019 et décrets de 2022, ces poursuites sont souvent suivies de sanctions très sévères allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et des amendes jusqu’à 10 millions CFA.
Le Procureur du Pôle national de Lutte contre la Cybercriminalité du Mali, le Dr Adama Coulibaly, lors d’une conférence de presse le 10 janvier 2024, a annoncé, à l’époque, avoir enregistré 232 plaintes en six mois. Parmi celles-ci, 28 étaient déjà jugées, et 14 en cours d’instruction. À ses dires, environ 60 % des plaintes venaient des personnes privées victimes de cyberharcèlement, d’escroqueries en ligne, ou de diffamation, notamment, insultes via Facebook, usurpation d’identité sur WhatsApp, extorsion de fonds via SMS frauduleux, etc.
Les réseaux sociaux, un instrument d’influence et de domination
Selon les statistiques du Rapport de tendances digitales (2024) qui donnent une vision macro du paysage numérique au Mali, le taux de pénétration d’internet se chiffre à 36 %. C’est-à-dire que 36 personnes sur 100 utilisent Internet, soit environ 8 millions de l’ensemble de la population malienne, contre seulement 2 personnes sur 100 en 2012. La grande majorité de ces utilisateurs (96 sur 100), selon les mêmes données, accèdent à Internet via les téléphones portables et presque 8 sur 10 d’entre eux (79%), aussi n’ont pas plus de 35 ans. Passant en moyenne, presque 4 heures de temps par jour à naviguer ou interagir sur les réseaux sociaux, ces personnes, et par ricochet leurs proches s’exposent à l’influence positive ou négative des réseaux sociaux.
Présentée lors d’une conférence ECAS en 2013, une étude de Boukary Sangaré intitulée, « Réseaux sociaux et communication en temps de crise au Mali : l’exemple des groupes de discussion sur Facebook » indique que certains artistes maliens, notamment Tata Pound utilisent les réseaux sociaux (Facebook) pour mobiliser, c’est à dire, influencer leurs fans contre des dérives de la société et de la politique. Mais au fil du temps, cela s’est transformé en un créneau d’engagement émotionnel, parfois virulent, surtout dans le contexte spécifique du rap qui contient, très souvent, des contenus « violents, vilains et agressifs ». Donc au lieu de sensibiliser leurs followers, certains artistes les entraînent ou les utilisent pour avoir encore plus de notoriété, voire même abattre leurs adversaires.
Aujourd’hui, même si l’ampleur et le degré diffèrent selon les cas, des rivalités, souvent malsaines, règnent toujours entre les fans de certains artistes. On peut citer les cas de Mariam Bah et Binguini Bagaga ; Iba One et Gaspi ; Tal B et Mylmo ou encore Safi Diabaté et Mariam Bah.
L’histoire tragique de Lord Makhaveli doit désormais les inciter tous à éduquer certains de leurs Fans en les faisant comprendre que tous les artistes sont, avant tout, des frères et sœurs, surtout dans les circonstances actuelles du Mali qui a plus que jamais besoin de la paix et de la cohésion nationale.
Il faut noter que depuis son installation, l’une des missions principales de la transition en cours a consisté la mise en place des actions relatives à l’apaisement du climat social. On note la signature, le 25 août 2023, du pacte de stabilité sociale et de croissance économique avec plusieurs organisations syndicales ; la tenue du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation ; l’élaboration en cours de la charte pour la paix et la réconciliation nationale au Mali.
Une dynamique toujours mécomprise par certaines couches de la société dont les agissements constituent un obstacle à l’élan de notre nation pour la paix et la réconciliation entre tous ses enfants.
Issa Djiguiba

 

Source : Le Pays
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